La formule est de Réda Hamiani : « En Algérie, les petites entreprises restent petites et les moyennes entreprises restent moyennes ». Elle exprime la frustration des patrons algériens, dans leur immense majorité dirigeants de PME de taille modeste, face au peu de soutien dont ils estiment bénéficier de la part du système bancaire, notamment pour financer leurs investissements et passer à une taille supérieure.
Un constat qui s’applique aussi bien au financement du développement des PME existantes qu’à la création de nouvelles entreprises. Le nombre de PME créées chaque année par l’économie algérienne, bien qu’en augmentation sensible au cours des toutes dernières reste insuffisant pour combler le retard accumulé dans ce domaine par rapport aux pays voisins aussi bien que pour réaliser les objectifs affichés par les pouvoirs publics qui visent la création de 200 000 PME en 5 ans. Une situation qui a suscité, au cours des dernières années, la création ou l’annonce de la création de nouveaux instruments financiers développés de longue date dans les pays voisins ou comparables. Le leasing est l’un d’entre eux parmi les plus prometteurs.
Le leasing, une formule avantageuse
Le leasing est un mode particulier de financement des investissements, où la société de leasing met un bien d’équipement à la disposition d’une entreprise pour une période déterminée, contre paiement d’un loyer. Au terme du contrat, l’entreprise a généralement le choix entre restituer le bien ou l’acquérir pour un montant défini lors de la conclusion du contrat. En Algérie, les principales activités concernées par le leasing sont surtout le transport et les travaux publics ou elles permettent aux entreprises d’acquérir des véhicules à usage professionnel ou des engins avec des modalités de paiement très souples et des échéances qui vont en général de 12 à 48 mois. La formule a également séduit beaucoup d’entreprise de l’agroalimentaire et du secteur des matériaux de construction. Une formule très avantageuse aussi pour de nombreuses professions libérales, notamment les médecins. En permettant aux clients des institutions financières du secteur d’acquérir des équipements « à crédit » et sans l’exigence d’un apport personnel ni de garantie, ce produit constitue « la réponse idoine aux attentes des PME en extension, aux professions libérales ainsi qu’aux grandes entreprises », commente un responsable de l’ABEF. De nouveaux produits sont en cours de développement et la Société nationale de leasing (SNL) filiale de la BNA et de la BDL annonçait récemment vouloir se lancer avant la fin de l’année dans la commercialisation du leasing immobilier qui permettra L’acquisition par les PME d’immeubles administratifs, de magasins, d’installations industrielles et commerciales et de terrains bâtis à usage professionnel.
Les opérateurs privés ont pris une longueur d’avance
Destiné à alléger le coût d’acquisition des équipements pour les PME .le créneau du leasing est occupé en Algérie depuis son apparition en 2002 par un petit nombre d’institutions financières presque toutes étrangères. ALC, Maghreb Leasing, Société Générale, Natexis, Al-Baraka ou encore BNP Paribas se partagent un marché qui reste d’une taille modeste, environ 30 milliards de dinars (400 millions de dollars) l’année dernière, mais qui se développe à un rythme très élevé. On parle d’un taux de croissance de près de 30% par an et d’un marché potentiel de plusieurs milliards de dollars. C’est dans le but de stimuler son développement que les autorités du secteur avaient donné, à la fin de l’année 2008, instruction aux banques publiques de créer leurs propres filiales spécialisées dans cette activité. C’est ce que certaines d’entre elles ont fait, avec beaucoup de retard, au cours de l’année dernière, La BEA s’est distinguée de ses consoeurs du secteur public en s’associant dès 2009 à une banque portugaise Banco Espirito Santo et à un fonds d’investissement international Swicorp pour créer IJAR Leasing Algérie. Quelques semaines plus tôt, la BNA et la BDL avaient décidé de rester en pays de connaissance en signant un accord pour créer ensemble la Société nationale de leasing (SNL). Le niveau d’activité de ces nouvelles filiales des banques publiques est encore modeste et le secteur reste très largement dominé par les institutions financières privées.
Une attractivité menacée
Même s’il semble appelé à un avenir très florissant en Algérie, le développement du leasing est, selon beaucoup d’ opérateurs du secteur ,menacé par la remise en cause des nombreux privilèges fiscaux dont il a bénéficié au cours des dernières année ; Au premier rang d’entre eux figure l’avantage fiscal majeur que constitue la déductibilité des loyers du bénéfice imposable des entreprises. Le sursis accordé en 2010 aux sociétés de leasing pour se préparer à la mise en œuvre des nouvelles normes internationales d’information financière de l’IFRS prend fin à la fin de l’année en cours. Les sociétés financières ont pu obtenir via l’ABEF un délai de trois ans pour mettre en place le nouveau système comptable. L’exercice 2013 devrait donc être le point de départ pour son application. Pour les sociétés de leasing, l’uniformisation qui a pour effet d’éliminer la distinction comptable entre crédit-bail et financement bancaire pose de sérieux problèmes. Avec l’IFRS, l’avantage fiscal inhérent au paiement d’un loyer sera supprimé. C’est l’intérêt même de la formule leasing qui est remis en cause, selon les professionnels. Les sociétés de leasing tentent donc actuellement de négocier, via l’ABEF, avec le gouvernement pour obtenir un nouveau sursis. Voire mieux, une dérogation en bonne et due forme qui tienne compte du caractère spécifique des sociétés de leasing. Il faut souhaiter que dans le nouveau climat, beaucoup plus favorable à l’investissement des entreprises ,créé par les déclarations d’intention des membres du gouvernement Sellal, cette revendication trouve un écho favorable.
Hassan Haddouche