La commission chargée de déterminer « le prix réel de la baguette de pain » rendra ses conclusions aujourd’hui même, mercredi dans la journée, selon le ministre du commerce M.Benbada. Le prix du pain n’a pas bougé depuis 17 ans. Il ne rémunère plus les charges et le travail des boulangers qui viennent de le faire savoir en faisant grève.
Depuis de nombreuses années, l’Algérie tente d’endiguer les contestations sociales et politiques en agissant sur le levier des prix des produits alimentaires de base. Au fil du temps cette politique s’est élargi à un nombre croissants de produits et sa vocation première qui était d’aider les plus démunis s’estompe de plus en plus. Une recette dont le coût, déjà considérable, pour les finances publiques mais également en terme d’importation risque de s’alourdir sensiblement au cours des années à venir. Existe-t-il un moyen de sortir de cette impasse ?
Le pain et le lait, mais les subventions profitent surtout aux carburants…
Le dispositif en place accorde de larges subventions aux producteurs et aux importateurs des trois produits alimentaires les plus importants dans le modèle de consommation des Algériens. Le blé tendre destiné à la production des farines, le blé dur transformé en semoule et la poudre de lait sont cédés à un peu plus d’un tiers de leur prix de revient par les producteurs et les importateurs. Coût de la facture pour les finances publiques : plus de 300 milliards de dinars (environ 4 milliards de dollars) qui sont inscrits chaque année dans le budget de l’Etat.
Le mécanisme ne se limite malheureusement pas aux seuls produits alimentaires de base et les prix de l’eau, du gaz, de l’électricité ainsi que, surtout, ceux des carburants sont fixés administrativement à des niveaux sensiblement inférieurs à leur coût de revient moyennant le paiement de subventions aux opérateurs concernés. Selon une récente étude du PNUD, l’Algérie figure parmi les pays arabes qui subventionnent le plus les produits énergétiques avec près de 11 milliards de dollars par an. Les seuls carburants ont coûté 8,5 milliards de dollars. Ces subventions représentaient, selon l’organisme onusien, 6,6% du PIB algérien en 2010. On remarquera que les bénéficiaires de ces dernières subventions qui représentent désormais la plus grande partie de l’effort financier de l’Etat , ne sont pas les « plus démunis » qui en principe ne possède pas de véhicules…
Cette générosité de l’Etat ne profite d’ailleurs pas aux seuls Algériens. C’est la conviction exprimée par un haut fonctionnaire qui affirmait dans une interview récente : « Quand vous avez des prix des produits alimentaires de base et des carburants subventionnés dans une telle proportion, vous mettez à la disposition de la population algérienne, mais aussi du voisinage de l’Algérie, des produits destinés théoriquement à la population algérienne, mais qui en réalité alimentent un bassin géographique énorme à travers un vaste trafic frontalier ».
Les subventions, combien ça coute ?
Le ministre des finances, Karim Djoudi, vient d’annoncer qu’il va introduire dans les prochaines lois de finances une indication sur le montant des subventions implicites, comprendre par là les subventions pour les produits énergétiques, tout en tenant à préciser que ce sera sans budgétisation. La preuve de l’opportunité d’une telle mesure ? Le ministre des finances vient d’avouer qu’il ne sait même pas combien ces subventions coûtent, ses services étant en train de les évaluer. Pas question donc pour l’instant de relever les prix de l’énergie et des carburants, mais on saura au moins ce que leur subvention coûte à la collectivité nationale. Il était temps, la croissance de la consommation des produits énergétiques, stimulée par des prix dérisoires, est carrément vertigineuse. Plus de 14% par an pour l’électricité et entre 15 et 20% par an pour les carburants selon des chiffres officiels communiqués dernièrement.
Le soutien des prix ? On en reparlera après 2014
Le gel des prix des produits subventionnés sur une très longue période, suivi d’un ajustement brutal et douloureux en période de raréfaction des ressources financières est une expérience que l’Algérie a déjà connu au début des années 1990. Comment éviter de se retrouver dans la même situation dans quelques années ? La plupart des observateurs commencent par établir une distinction très nette entre les subventions de produits comme l’électricité et encore plus les carburants qui seraient carrément « irrationnels » et celle des produits alimentaires de base. Un point de vue résumé récemment par Hadj Nacer : « Je ne dis pas qu’on ne doit subventionner aucun produits. Nous pouvons limiter, par la régulation, l’impact des fluctuations des marchés internationaux sur le panier de la ménagère. Ce qui signifie qu’un taux de subvention raisonnable est nécessaire. Mais pour le reste, il faut rétablir l’équilibre de tous les prix selon des règles de liberté assez claires. »
Le consensus sur le caractère globalement néfaste de la politique de gel des prix des produits dit de « première nécessité » semble aujourd’hui s’élargir très rapidement dans le pays, sa remise en cause devra néanmoins attendre des jours meilleurs et un calendrier politique plus favorable. On peut sans doute pronostiquer qu’elle pourrait être sérieusement à l’ordre du jour une fois passée les échéances électorales de 2014. C’est ce que dit, à demi mots, le ministre du commerce qui explique en substance que les boulangers ont raison ,que la politique de subventions a atteint ses limites, mais que le moment est mal choisi…