Les derniers plans de développement concoctés par les fonctionnaires algériens ont un curieux parfum de 19ème siècle. Priorité à la route, au rail , au logement, aux barrages. Très bien. On a juste pas assez pris garde au fait que les autoroutes d’aujourd’hui et de demain sont de façon croissante des autoroutes de l’information.
Les nouvelles technologies de l’information, massivement appropriées par la jeunesse algérienne, représentent une part dérisoire des investissements colossaux réalisés par l’Etat algérien au cours de la décennie écoulée dans le sillage du gonflement des revenus pétroliers. Quant à l’industrie des loisirs, dans un pays où 70% de la population a moins de 30 ans, elle reste franchement un ovni. Sous d’autres cieux ,il s’agit pourtant d’un secteur économique à part entière qui peut représenter en moyenne jusqu’ à 8 à 10% du PIB et qui enregistre de surcroit des taux de croissance 2 à 3 fois supérieurs à ceux des autres secteurs. L’activité à en outre la particularité d’être fortement créatrice d’emplois, d’être particulièrement propice à l’emploi des jeunes et de favoriser l’insertion des femmes dans la vie professionnelle.
Une conception « austère » du développement économique
Notons au passage que la conception « austère » du développement économique qui préside depuis un quart de siècle à l’allocation des ressources de l’Etat n’était absolument pas celle de l’ « âge d’or » de la planification algérienne. Les principaux équipements de loisirs et de tourisme dont dispose aujourd’hui les Algériens ont été réalisés dès les années 60 et dans le courant des années 70. Le cas d’Alger est significatif. Qu’est ce qui a été réalisé de notable depuis la construction de centres touristiques de Sidi Fredj, de Zeralda, du Club des pins ou de Tipaza ? Le parc zoologique et des loisirs d’Alger inauguré en 1981 date aussi de cette époque tout comme le complexe sportif du 5 juillet ou le théâtre de verdure de l’hotel Aurassi. Même Riadh el feth, livré en 1985, a été lancé à cette époque.
Des besoins immenses
Depuis bientôt 30 ans, pratiquement plus rien. Bien sûr la « décennie noire » est passée par là. Elle a plongé l’ensemble de la population algérienne dans une crise du vivre ensemble et a transformé le pays en désert culturel. Aujourd’hui les besoins accumulés dans le domaine des loisirs sont immenses. Les foules qui se pressent dans les centres commerciaux de Bab Ezzouar ou à Ardis sur le front de mer, qui font office faute de mieux d’espace de loisirs, renseignent sur l’étendue de la frustration ressentie par les Algérois qui ne sont peut être même pas les plus à plaindre dans ce domaine. Le week-end, en dehors de la saison estivale, dans une agglomération qui compte maintenant largement plus de 5 millions d’habitants, les seuls espaces de détente disponibles sont la forêt de Bouchaoui transformée en fourmilière et un parc d’attraction des Pins maritimes aux dimensions d’un timbre poste et dont on refuse l’entrée aux jeunes.
Un défaut de vision
L’étendue des besoins fait face à un défaut de vision, à une prise de conscience insuffisante des enjeux et à un manque d’ambition flagrants de la plupart des responsables politiques algériens depuis près de 2 décennies. Depuis 10 ans ,la ministre de la culture fait ce qu’elle peut. Elle crie un peu dans le désert. Elle a lancé un vaste programme de réhabilitation des salles de spectacles qui commence à donner des résultats visibles mais dont les APC, qui les récupèrent dans la plupart des cas en raison d’un modèle de gestion anachronique, ne savent pas très bien quoi faire.
Il y a aussi des projets qui auraient pu constituer une lueur d’espoir pour l’avenir et une véritable bouffée d’oxygène pour une agglomération qui prend des proportions géantes. On avait fondé beaucoup d’espoirs sur un « parc des grands vents » doté récemment de plus de 1000 hectares et destiné à accueillir un « parc paysager et de loisirs » si on en croit le cahier des charges initial. Chemin faisant et après plusieurs années de tractations, tout semble indiquer que le projet du koweitien EIIC s’oriente de plus en plus vers la construction d’un complexe immobilier de luxe dont on ne sait même plus si l’entrée sera accessible au public.
L’aménagement de la baie d’Alger pourrait être aussi, de façon difficilement réparable, une autre occasion manquée. La construction d’un hypermarché doté d’un parking géant sur le site avait déjà de quoi provoquer quelques inquiétudes. La déclinaison du reste du projet « Alger médina »s’apparente de plus en plus à un « mur immobilier » de tours à usage professionnel dont la réalisation sur le baie d’Alger parait pour le moins contestable sous réserves de développements ultérieurs qui pourraient prendre les proportions d’un scandale majeur.
L’immense gâchis du parc zoologique de Ben Aknoun
Faute de nouveaux espaces et de projets à la mesure des enjeux, une solution alternative pourrait au moins être constituée par la réhabilitation et la mise en valeur des infrastructures existantes. Dans ce domaine, A Alger la solution la plus évidente consiste à regarder du côté du parc zoologique et des loisirs de Ben Aknoun. Sa réalisation qui s’est poursuivie pendant toutes les années 70 a conduit à l’inauguration en 1981 d’un complexe de loisirs qui constituait à l’époque une infrastructure sans équivalent à l’échelle du Maghreb. Un site unique sur les hauteurs d’Alger , une superficie immense de plusieurs milliers d’hectares desservies par des autoroutes et ceinturées de plusieurs parkings qui en facilitaient l’accès. Le concept était original, fondé sur l’association d’un parc zoologique du coté de Ben Aknoun et d’un parc de loisirs doté d’équipements très nombreux et très variés du coté de Hydra- birmandreis. Les deux espaces étaient reliés à l’intérieur même du parc par une ligne ferroviaire, un téléphérique, et des navettes routières. Pendant toutes les années 80, le parc de Ben Aknoun a constitué le pôle d’attraction majeur pour la population algéroise et plus largement pour la région centre du pays. Cette infrastructure unique connait depuis près de 20 ans une descente aux enfers ininterrompue qui en fait aujourd’hui un espace malfamé, déserté par les familles, dont les équipements sont tombés en ruine les uns après les autres sans être jamais remplacés. Son assiette foncière, irremplaçable et prise d’assaut de toutes parts, fait l’objet, nous dit-on, de convoitises multiples… Il est largement temps de penser à sauver le parc de Ben Aknoun en le modernisant et lui donnant une vocation ambitieuse avant qu’il ne soit trop tard.
Hassan Haddouche