Réda Hamiani, tête pensante et politique du patronat algérien par Hassan Haddouche

Redaction

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Réda Hamiani a été réélu,voici quelques jours, Président du Forum des chefs d’entreprise pour un nouveau mandat de 2 ans. Le secret de la longévité de M. Hamiani à la tête de la principale organisation patronale du pays est le résultat d’une combinaison sans équivalent dans  la vie publique nationale entre une très grande proximité avec le monde de l’entreprise, il est littéralement tombé dedans quand il était petit, et une connaissance approfondie du fonctionnement des rouages de l’Etat tirée notamment de son expérience gouvernementale. Ce qui explique sans doute que, contrairement à son élection précédente qui avait été beaucoup plus disputée, il était, cette fois- ci, seul candidat à sa propre succession.

Sans qu’on y est toujours pris garde, le style  Hamiani, c’est  une organisation patronale dont l’influence dans le débat public au cours des 2 dernières décennies s’explique par sa nature plus proche du « cercle de réflexion » que de l’organisation de masse exclusivement soucieuse de la défense des intérêts de ses membres. Toujours doté du statut d’association et pas syndicat, la parole du FCE continue d’être entendue très au delà des milieux patronaux. A part l’espèce d’ovni représenté par le rapport du groupe NABNI, on n’a rien lu au cours des dernières années de plus stimulant  que les « 50 propositions du FCE » ou même que  les contributions de la journée d’étude sur les finances publiques organisées au début de l’année.

Un positionnement pas nécessairement très confortable. Surtout lorsque la représentation qui s’est élargie progressivement  «  par cooptation »  à plus de 400 membres  « tous producteurs et pas importateurs »,  ne traînant « aucune gamelle et capable de regarder leur interlocuteur public droit dans les yeux » exerce une pression croissante en faveur du renforcement des services rendus aux membres de l’association .C’est promis , l’une des priorités du prochain mandat sera l’assistance aux adhérents du FCE notamment dans le cadre de leurs relations avec l’administration , les services douaniers ou encore dans leur déploiement à l’international.

« Une absence totale de vision à long terme au sein  des cercles dirigeants »

Le Président du FCE, que nous avons rencontré voici quelques jours chez nos partenaires de Maghreb Emergent, n’est pas très prolixe sur le chapitre de la doctrine. Il n’a jamais été tenant d’un « libéralisme sans borne »,se dit attaché à la « dimension sociale » de l’économie et se méfie surtout de notre «  modèle de croissance trop dépendant du pétrole et de la dépense publique » et qu’il s’agit  d’orienter vers « plus de liberté de l’investissement et le renforcement des capacités productives nationales. » Même s’il se montre pour l’avenir « un peu moins alarmiste que le groupe Nabni » dont il juge les scénarii dévoilés au début de l’année   « catastrophistes » , il regrette néanmoins sans mâcher ses mots « l’absence totale de réflexion et de vision à long terme » des cercles dirigeants nationaux : « Personne parmi les décideurs  ne veut dessiner les contours d’une Algérie à l’horizon 2030 ». Il est pourtant « urgent de réfléchir » et les signaux d’alarme sont déjà présents avec la « disparition progressive de nos excédents financiers en raison du gonflement des importations et une croissance tirée vers le bas depuis 2006 par la baisse de la production pétrolière ».Ce qui, d’ailleurs, n’empêche pas Réda Hamiani d’apprécier « le style direct, sans ambages  et très concret »  d’Abdelmalek Sellal et le travail avec des « équipes dirigeantes actuelles plus pragmatiques que les précédentes et dont l’approche des problèmes économiques est marquée par plus d’empirisme ».

Le « carré magique » des tabous présidentiels

Avec néanmoins une réserve de taille, « une frontière qu’on arrive pas à franchir», celle du «carré magique» des tabous présidentiels. Au nombre de ces derniers, la lettre de crédit « sur laquelle la position du FCE reste inchangée ». Le 51/49 « qui ne sert à rien puisque le CNI instruit individuellement les dossiers et pourrait négocier au cas par cas avec les investisseurs étrangers» et  pour lequel l’Algérie aurait avantage à s’inspirer de la Tunisie «qui a instauré une liberté totale d’investir mais qui interdit en même temps strictement de s’installer pour faire du commerce.» Ou encore la croissance irrésistible des transferts  sociaux et des subventions qui sont en passe d’atteindre «25 à 30% du PIB» au nom d’un « politique du chèque » qui a « chloroformé les algériens. » Comme exemple le plus édifiant, l’essence qui est « 7 fois moins chère que dans les pays voisins » et dont le prix devrait  être augmenté de « façon progressive.»

Partenariat : enfin du concret

A propos de la visite du premier ministre français la semaine dernière, Réda Hamiani note que la signature de treize accords de partenariat vient confirmer une nouveauté : « on est passé des déclarations de principe à la concrétisation ». Cette fois-ci, les accords ont concerné principalement les PME-PMI. Mais il y a eu également « des accords portant sur la création des établissements de formation dont une école sur la métrologie et un centre de management pour cadres. Il s’agit d’un accompagnement visant à essayer de hisser vers le haut le mode d’organisation de l’ensemble de l’économie algérienne avec un focus particulier mis sur la formation professionnelle et donc sur la ressource humaine ». Une ressource humaine qui, dans notre pays « n’est pas toujours formée comme le souhaite le monde économique ».

 « Grand écart »

Au titre des priorités de l’heure, le FCE est en phase  avec le nouveau  crédo du gouvernement sur l’endiguement des importations et l’encouragement de la production locale. Reda  Hamiani relève néanmoins le « grand écart » auquel sont contraintes  aujourd’hui des autorités algériennes partagées entre cette ardente priorité  et les accords internationaux déjà signés avec L’Union Européenne ou en cours de négociation avec l’OMC . « Il faudra trouver des points  d’équilibre » assure, un poil dubitatif, le patron des patrons algériens.

Parmi «  les 18 secteurs retenus par les pouvoirs publics et éligibles à la relance », celui de la pharmacie « donne de bons résultats ». On est passé de 15 à 30% de couverture des besoins nationaux. « On peut faire encore mieux à l’avenir, grâce à Saidal, au secteur privé et à des investissements en cours comme ceux de Sanofi.» L’expérience est « en cours de transposition dans le secteur de l’automobile.» A propos de l’industrie  textile qu’il connait bien, Réda Hamiani observe avec curiosité et scepticisme « le volontarisme soudain des pouvoirs publics pour un secteur qu’on avait considéré comme condamné.» On essaie de « restructurer les entreprises publiques existantes , alors qu’on sait que ça ne marche  pas.»On propose  des « partenariats  internationaux avec des groupes publics pour lesquels on a enregistré beaucoup de réponses polies.» Le seul résultat notable de cette stratégie est pour l’instant l’installation « d’un grand groupe turc qui pourrait pour la première fois permettre la production en Algérie de la toile pour  blue – jean. La fameuse Denim qu’on n’a jamais réussi à produire chez nous ».

Le 4ème mandat  ? « Attendons que l’intéressé lui-même s’exprime »

Le dernier baromètre du FCE qui tente de mesurer le niveau d’activité et les anticipations  au sein des entreprises privées accuse en novembre un plus bas historique. Le Président du FCE  l’attribue pour l’essentiel à un manque de visibilité sur les prochaines échéances politiques. « C’est la première fois depuis longtemps qu’il subsiste autant d’incertitudes  à moins  de 4 mois de la prochaine élection présidentielle ». Au fait le FCE va-t-il s’exprimer en faveur d’un 4ème mandat pour  le  président Bouteflika ? Les pressions dans ce sens ne manquent pas aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’organisation patronale  elle-même. Reda Hamiani temporise « attendons d’abord que l’intéressé lui-même s’exprime sur ses intentions.» Pour lui, il continuera de plaider au sein des instances du FCE pour que le choix d‘un candidat à la présidentielle constitue une option personnelle et pas celle de l’association.

Hassan HADDOUCHE

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