Chaque fois que les ménages algériens déposent 7 dinars dans les banques nationales, ils reçoivent 1 dinar de crédit. La modicité du crédit aux particuliers est un des aspects les plus frappants de la faiblesse des performances du secteur bancaire algérien. La suspension du crédit à la consommation depuis septembre 2009 a aggravé un phénomène déjà structurel et plombé le crédit aux particuliers. La Banque d’Algérie signale qu’en 2011, les crédits accordés par les banques aux ménages algériens connaissent une hausse modeste d’un peu plus de 3%. Autant dire une baisse en valeur réelle.
Une situation d’autant plus anormale que les dépôts des ménages algériens auprès des banques publiques et privées sont en plein boom au cours des dernières années. Dans le sillage des importantes augmentations de salaires obtenues depuis le début de l’année 2011, ils sont même en train de battre des records. Au cours de l’année 2011, ils ont représenté près de 40% des dépôts bancaires dépassant pour la première fois les dépôts effectués par Sonatrach. Les ménages algériens n’ont jamais été aussi “riches” et la valeur totale de leurs avoirs auprès du secteur bancaire dépasse désormais le montant de 1 800 milliards de dinars, soit près de 25 milliards de dollars.
La Banque d’Algérie note que “l’importance accrue des dépôts en dinars des ménages, alimentée par l’augmentation des revenus salariaux et des transferts budgétaires, contraste avec le niveau des crédits bancaires qui leurs sont accordés”. Ces derniers sont évalués à 260 milliards de dinars en 2011, représentant seulement 14% des dépôts en dinars des ménages. Un décalage qui confirme, relève la banque centrale, “la faiblesse de l’intermédiation bancaire au profit des ménages et par là, le potentiel en matière de développement des crédits hypothécaires par les banques”. Conclusion du régulateur du secteur bancaire, l’accroissement des dépôts “doit être appuyé par une amélioration soutenue des services bancaires de base à la clientèle dans l’objectif d’une inclusion financière accrue”.
Une conclusion qui est aussi celle du FMI dont les missions en Algérie recommandent depuis 2 ans le rétablissement du crédit à la consommation en le conditionnant à la mise en place d’une centrale des risques des crédits aux particuliers dont la création annoncée depuis plusieurs années, est désormais prévue pour 2013. Dans une intervention récente, le ministre algérien des Finances, Karim Djoudi, conditionnait le retour du crédit pour l’acquisition de véhicules par l’émergence d’une industrie automobile algérienne. “À partir du moment où ces projets seront réalisés, nous serons à même d’accompagner cela par la mise en place du crédit à la consommation pour l’acquisition de véhicules fabriqués sur le marché domestique”, a déclaré M. Djoudi. Le retour du crédit auto devra donc attendre la fabrication de véhicules en Algérie. Pour le ministre des Finances, “la logique engagée depuis les lois de finances 2008 et 2009 consiste à donner un avantage comparatif à la production nationale et, donc, à partir du moment où la production nationale d’automobiles pourra se substituer à l’importation, les crédits à la consommation pour cette production pourront revenir”. Signalons au passage qu’à l’occasion des tripartites organisées en mai et septembre 2012 le rétablissement du crédit à la consommation en faveur de la production nationale a été réclamée avec vigueur par l’UGTA qui en a fait un de ses principaux cheval de bataille. Pour une fois que l’UGTA et le FMI sont d’accord…..
Le crédit immobilier à la rescousse
Pour l’heure du point de vue des autorités financières algériennes, la solution en matière de développement de crédits aux ménages, se trouve clairement du côté des crédits immobiliers. Depuis plus de 2 ans, elles ont multiplié les initiatives destinées à les faire décoller. Les résultats semblent au rendez-vous. En 2011, les crédits immobiliers représentaient plus des trois quarts du total des crédits aux particuliers accordés par les banques algériennes. Pour la seule année 2011, le montant des crédits immobiliers accordés par le secteur bancaire se situent à un niveau proche de 65 milliards de dinars et on s’attend à ce qu’il dépasse largement 80 milliards de dinars en 2012. Le palmarès reste dominé par la Cnep, qui revendique 55% de parts de marché. Elle a surtout été concurrencée au cours des dernières années par la plus petite des banques publiques algériennes, la BDL, qui a fait de ce créneau l’un des moteurs de sa croissance.
Les autres banques commerciales publiques et privées avaient manifesté, jusqu’à une période récente, plus de réticences vis-à-vis d’un produit dont le développement reste, selon un banquier privé, contrarié principalement par “l’insuffisance de l’offre de biens ainsi qu’une spéculation importante qui fait que le prix des biens disponibles dépasse souvent de beaucoup la capacité d’endettement des clients des banques”. Pressées par l’État actionnaire de développer le crédit immobilier, toutes les banques publiques ont néanmoins défini au cours des toutes dernières années des programmes ambitieux dans ce domaine à l’image par exemple de la BEA qui aurait déjà atteint un niveau de crédits immobiliers de 13 milliards de DA selon les déclaration récentes de son PDG.
Le succès des crédits bonifiés
C’est également dans le but de stimuler le développement du crédit immobilier que la LFC 2009 a créé un dispositif de bonification des taux d’intérêt extrêmement avantageux pour les emprunteurs. Ce dispositif dont est exclue la seule auto-construction se traduit dans la plupart des cas par un taux d’intérêt effectif qui ne dépasse pas 1%. Après avoir connu quelques retards, la mise en place de ces mesures est effective dans la plupart des banques publiques depuis le début de l’été 2010. Les banques privées ont été un peu plus longues à l’adopter. L’insistance du régulateur a conduit la plupart d’entre elles à proposer ce produit à partir de 2011. Les premiers bilans disponibles pour 2011 et 2012 traduisent un engouement certain.
Hassan Haddouche