La tripartie, qui s’ouvre aujourd’hui, a lieu, cette année, à Biskra. Au menu de cette 18ème édition un slogan: «La dynamisation du développement économique national à travers la diversification de notre économie et l’amélioration du climat des affaires». Un invité d’honneur aussi, le DG du Bureau international du travail (BIT) qui pourra découvrir, à cette occasion, le modèle de concertation sociale à l’algérienne.
On aurait certainement tort de traiter par la dérision une de nos rares, peut-être la seule, institution de concertation économique et sociale que compte notre pays. Alors que les deux chambres du Parlement sont devenues, de l’avis même de leurs membres les plus lucides, des chambres d’enregistrement dépourvues de toute capacité d’expertise, alors que le Conseil national économique et social (CNES), créé explicitement dans le but d’accompagner les réformes économiques et d’ancrer le débat économique et social dans les traditions de notre pays, ne joue plus ce rôle depuis très longtemps, c’est dans l’enceinte exiguë de la tripartite que semble s’être réfugié ce qui reste de dialogue économique et social dans notre pays. Ajoutons qu’il faut inscrire au crédit des deux gouvernements Sellal une volonté manifeste de conforter cette institution. L’équipe Sellal tente depuis quelques années d’asseoir une nouvelle conception de la tripartite basée sur une périodicité régulière. Elle a également eu la bonne idée d’élargir la participation à ce vaste forum social à des experts indépendants. Même si la participation des syndicats autonomes, invités une seule fois, n’a été pour l’instant qu’une expérience éphémère.
En dépit de ces avancées , la tripartite est aujourd’hui en danger. Elle court notamment le risque d’être discréditée aux yeux de l’opinion par l’exercice de surplace qu’ont représenté à beaucoup d’égards les dernières éditions. Bien que l’ambition des tripartites soit d’assurer théoriquement un suivi des décisions adoptées par les partenaires sociaux. Très peu des décisions parmi les plus importantes, annoncées au cours des dernières éditions, ont en effet été effectivement appliquées. Quelques exemples : cette année comme les précédentes, on va parler de sujets qui retiendront plus ou moins l’attention de l’opinion et des médias. Le pacte économique et social ou encore le renforcement du rôle du Fonds national d’investissement (FNI), sont des dossiers évoqués au cours des précédentes éditions, qui ont d’autant moins de chances de passionner l’opinion nationale qu’on ne voit pas très bien quelles avancées significatives ils ont enregistré au cours des dernières années .
Les augmentations de salaire à l’épreuve de la crise financière
On se souvient que la star de la tripartite de l’année dernière avait été incontestablement le célèbre article 87 bis. En tête des préoccupations et des commentaires des médias nationaux, la confirmation de l’abrogation de l’article 87 bis avait été un succès symbolique pour l’UGTA qui portait de longue date cette revendication et qui n’avait pas été à pareille fête depuis longtemps. Malheureusement 2014 n’était pas 2011 et en octobre 2014, les marges de manoeuvre financières de l’exécutif s’était déjà considérablement rétrécies. La tripartite avait donc prudemment décidé d’un report de l’application des hausses de salaires prévues à 2015 . Le communiqué publié à l’issue de la tripartite indiquait que « la revendication portée par l’UGTA concernant l’article 87-bis a fait l’objet d’un échange serein et responsable entre les différentes parties. Il a été décidé de l’abroger, et de rédiger une nouvelle définition, en concertation avec les partenaires sociaux, à la faveur de la loi de finances 2015 ». Finalement, c’est seulement en août dernier que cette mesure devait être théoriquement appliquée, si on en croit les déclarations du premier ministre. Aux dernières nouvelles, de nombreux secteurs et beaucoup de travailleurs l’attendent encore dans le secteur public comme dans le secteur privé.
On attend toujours le crédit à la consommation
Deuxième exemple : la tripartite réunie il y a 2 ans en octobre 2013, avait été, tout comme cette année, placée sous le signe de l’«encouragement de la production nationale». Le retour du crédit à la consommation devrait y figurer en bonne place et constituer son annonce la plus concrète. Difficile en effet de trouver un sujet qui fasse autant l’unanimité au sein des partenaires sociaux. A l’occasion des tripartites organisées en mai et septembre 2012, le rétablissement du crédit à la consommation en faveur de la production nationale avait déjà été réclamé avec vigueur à la fois par l’UGTA et le patronat qui en avait fait un de leurs principaux chevaux de bataille. Puisque tout le monde semblait d’accord, la question était donc de savoir ce qu’on attendait pour décider du rétablissement d’un instrument qui provoque une telle unanimité ? La réponse était venu en 2013 comme en 2014 du ministère des Finances : «On attend la création de la centrale des risques des particuliers par la Banque d’Algérie». La centrale des risques en question a été créée seulement au cours de l’été dernier. La Banque d’Algérie a prévenu, voici quelques semaines, par le biais d’un communiqué très inhabituel. En substance, elle précise qu’elle a fait sa part de travail et que le rétablissement du crédit à la consommation ne fait pas partie de ses prérogatives. La balle est donc de nouveau dans le camp du gouvernement. La Tripartite d’aujourd’hui annoncera t’elle du nouveau dans ce domaine ?
M . Bouchouareb et le climat des affaires.
Pendant de nombreuses années les autorités algériennes ont affiché une superbe indifférence à l’égard des divers classements internationaux sur le climat des affaires. Il faut dire que l’Algérie n’y occupe pas une position très flatteuse. C’est seulement dans une période récente qu’ils ont retenu l’attention du gouvernement au point de figurer en bonne place au menu des dernières tripartites et ont conduit à la création d’un très officiel «comité pour l’amélioration de l’environnement des affaires» installé par Chérif Rahmani, ministre de l’Industrie en 2012.
A peine nommé, le nouveau ministre de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb, annonçait, pour sa part, des mesures «révolutionnaires» pouvant permettre d’améliorer le climat des affaires en Algérie. Ces mesures, avait-il poursuivi, visent à accélérer la mise en œuvre de l’engagement du gouvernement à lever toutes les contraintes qui entravent l’investissement, notamment en matière de législation et d’accès au foncier.
Des promesses qui n’ont reçu pour l’heure qu’un timide début de concrétisation. Le nouveau code des investissements a été examiné in extremis la semaine dernière par le gouvernement. Selon M. Bouchouareb, tous «les points noirs» qui alourdissaient l’actuel code des investissements ont été retirés. «Nous aurons un code très fluide qui accompagne l’investissement», a promis le ministre.
Malheureusement, M. Bouchouareb a oublié de dire que la règle 51/49 ne sera pas supprimée, mais sera juste déplacée du code des investissements. Cette mesure du 51/49 sera, par contre, maintenue dans le dispositif réglementaire lié à l’investissement et sera même élargie aux commerces de gros et de détail. Le droit de préemption de l’Etat est également maintenu dans le nouveau dispositif. Deux beaux exemples d’ouverture qui vont certainement permettre, comme dit le ministre de l’Industrie, de «libérer toutes les initiatives».
Le meilleur évidemment, on l’a gardé pour la fin. C’est la violente polémique des dernières semaines sur le blocage des investissements du groupe Cevital par le gouvernement algérien. Chaque jour semble apporter dans ce domaine de nouveaux développements. Après l’affaire du «mandat d’arrêt» contre lui, évoqué par M. Rebrab, voici quelques jours, c’est un nouveau membre du gouvernement, le ministre du Commerce,M.Bakhti, qui annonçait hier la priorité réservée par l’exécutif à la réalisation de plusieurs raffineries de sucre dans le but de briser «dans moins d’un an» le monopole du groupe Cevital dans ce domaine .
Voila qui va certainement encore améliorer le climat des affaires. Bon courage quand même aux participants à la tripartite .
Hassan Haddouche