Crise mondiale. Face à des solutions de replâtrage, ne s’oriente t-on pas vers une hyperinflation planétaire horizon 2014/2015 ?

Redaction

I- Perspectives de l’économie mondiale

La crise économique et financière durable va durablement peser sur la croissance mondiale, et la demande intérieure des pays émergents reste trop faible pour compenser la récession des pays développés, selon une étude de l’assureur- crédit Euler Hermes SFAC publiée le 11juin 2009. Je cite : « le PIB mondial, au mieux stabilisé au niveau de 2006-2007 en 2010, ne retrouvera qu’une croissance modérée à moyen terme. Depuis dix ans, la dynamique mondiale a été portée par la demande des pays de l’OCDE, poussée par le crédit, et cette demande était aussi le moteur extérieur des pays émergents, leur demande intérieure, encore trop faible, ne pouvant pas servir de locomotive de la croissance mondiale à ce stade ».

Aussi selon cette étude, la croissance mondiale devrait rester inférieure à sa tendance de 4% pendant quelques années pour revenir à l’équilibre. Même si on s’attend à ce que la croissance reparte dans le courant 2010, le rythme de la reprise est incertain et les pauvres dans bien des pays en développement continueront de souffrir des retombées, selon Zoellick directeur général de la Banque Mondiale , lors de la réunion des ministres des Finances du Groupe des Huit (G8) en Italie le 11 juin 2009. Le Fonds monétaire international (FMI) pour sa part a relevé sa projection de croissance mondiale pour 2010 à 2,4%, alors qu’il anticipait 1,9% en avril, paradoxe, et discours contradictoires,le directeur général de l’organisation mondiale du commerce (OMC) à la même réunion du G8 considère « qu’aucun indicateur à ce jour ne permet de fixer un horizon au retour de la croissance » d’autant plus que production industrielle pour la zone euro et aux USA connaît un déclin inégalé pour 2009 selon le rapport d’Eurostrat de juin 2009. Dans la même lignée, dans un rapport, publié le 2 juin 2009 à Londres, le Centre for Economics and Business Research (CEBR) indique que l’Alena (Canada, États-Unis, Mexique) et l’Union européenne ne parviennent plus à produire la majorité du PNB mondial. La communauté transatlantique représentait 60 à 64 % de l’économie mondiale à son apogée, dans la période 1995-2004. Elle ne représentera que 49,4 % en 2009. La chute devrait se poursuivre, pour tomber à 45 % en 2012. Cela rejoint la déclaration en date du 5 juin 2009 du président russe Dmitri Medvedev, lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg qui pense que la crise financière et économique internationale provoquera un « reformatage » du monde et modifiera le peloton de tête du développement économique.

« En fin de compte, les leaders du développement économique changeront, tout comme le modèle de comportement dans la sphère économique et les modes de fonctionnement des marchés économiques. Il est vrai, les nouveaux modèles qui verront le jour au cours des prochaines années, devront prouver leur efficacité », toujours selon le président russe. Le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke déclare ( Reuters 03 juin 2009) que l’augmentation de la dette américaine contribue à faire monter les taux d’intérêt à long terme et qu’il est temps de commencer à travailler aux moyens permettant de réduire les déficits, rejoint par la présidente de la Banque de Réserve fédérale de Cleveland, Sandra Pianalto, à l’occasion d’une conférence devant des investisseurs et chefs d’entreprise le 8 juin 2009.Je cite : « l ‘Etat américain, confronté à un important déséquilibre budgétaire, ne pourra pas poursuivre indéfiniment son soutien à l’économie. Il n’est ni possible ni souhaitable que les dépenses fédérales se maintiennent à un niveau aussi élevé ». Car la commission du Budget du Congrès américain évalue à 1.800 milliards de dollars le déficit de l’Etat fédéral en 2009 et le déséquilibre budgétaire considérable du pays impose un certain nombre de mesures difficiles en matière de politique budgétaire. Mais cela n’est pas propre aux USA comme en témoigne l’explosion des déficits budgétaires pour l’ensemble des pays européens dont le dernier chiffre en date communiqué par Bercy pour la France de 72 milliards d’euros (plus de 100 milliards de dollars) sans compter les déficits des pays émergents. La reprise permettra t- elle d’absorber cette importante injection monétaire sans précédent dans l’histoire du capitalisme comme le postule la théorie keynésienne raisonnant au sein de structures élastiques et d’Etats Nations (relance de la demande globale, consommation et investissement) et le blocage n’est –il pas mondial (fait nouveau -interdépendance des économies), donc d’ordre structurel et la solution n‘est-elle pas globale ?

II- S’oriente –on vers un Weimar à l’échelle planétaire ?

C’est dans ce sens que les avertissements adressés aux banques centrales par la chancelière allemande Angela Merkel, les alertant contre le danger d’une politique inflationniste et surtout l’intervention de Jacques Attali,économiste et expert mondial connu, connaissant fort bien le fonctionnement du système monétaire international, montent des signes d’inquiétudes qui contrastent avec les déclarations rassurantes de bon nombre de dirigeants.

Pour Jacques Attali devant le Forum international économique et financier (FIEF), où il évoqua le danger d’une hyperinflation semblable à celle de l’Allemagne en 1923. Je cite Attali : « le scénario du pire est vraisemblable, celui d’une grave dépression et d’une inflation importante. Je le dis comme je le pense : le monde n’est pas loin de s’engager sur le chemin d’un Weimar planétaire. Si le pire n’est pas certain, il n’en demeure que le scénario du pire est le plus probable ». Selon cet économiste, la dette totale des Etats-Unis, quand on additionne les acteurs privés et publics, représentent en janvier 2008 l’équivalent de 350% du PIB américain, plus élevée qu’en 1929, quand elle n’a jamais dépassé les 300%. Un an plus tard, en janvier 2009, cette dette représente 500% du PIB et atteint 54000 milliards de dollars.

Ce que l’on fait avec les plans de renflouement des banques est comparable à donner de l’oxygène à un accidenté de la route. Au lieu de le transporter à l’hôpital, on tente de le faire survivre en lui donnant de l’oxygène ». L’auteur énonce un autre chiffre inquiétant qui est le lien entre les encours et les fonds propres des banques. Les encours montent à environ 84000 milliards et les fonds propres ne représentent que 4000 milliards, c’est-à-dire un ratio de vingt. Cette proportion ne doit jamais dépasser les 15%, alors que pour certaines banques le ratio dépasse les 50. 1800 milliards de dollars étant allés aux banques américaines dont les fonds propres ne dépassent guère les 1300 milliards. Cela signifie « qu’elles sont, à ce point, techniquement en faillite ».

La situation est identique pour les banques britanniques, mais également européennes dans la mesure où les difficultés du système bancaire s’expriment par la différence entre la valeur des banques en bourse et la valeur qu’ils affichent sur le papier, la valeur de certaines banques européennes étant à peu près la moitié de leurs fonds propres, possédant des actifs toxiques qu’elles refusent de faire apparaître dans leurs comptes. Certes l’argent peut être comparé au sang de l’économie du fait que la crise du crédit démontre, que l’économie est dépendante d’une infusion permanente de crédits. Dès que les banques fournissent un peu moins de crédit, des entreprises font faillite et les congédiements massifs se succèdent. Mais la cause principale de la crise du crédit ne se trouve t-elle pas dans le fonctionnement du système monétaire mondial lui même d’une part et d’autre part avec cette suprématie du dollar qui représente, bien qu’en diminution relative, plus de 60% des transactions mondiales ? Et il faut se demander si les banques internationales ont respecté scrupuleusement les Accords de Bale de 1988 qui stipulent l’exigence de 8% de capital est la norme encore que les Accords de Bâle de 2006 offre aux grandes banques plus de possibilités pour choisir elles-mêmes la méthode la plus favorable pour calculer leurs risques ? Sur les logements souvent une banque n’a besoin de réserver que 4% de la somme équivalente en capital et pour 1 euros de capital, elle peut fournir 25 euros de prêts. Pour des prêts à d’autres banques c’est, en général, encore moins, pouvant assister à des effets de multiplication et un divorce croissant entre la sphère financière (une financiarisation accrue) et la sphère réelle qui combiné au divorce dans le partage du revenu entre salaires en diminution (expliquant l’accroissement de l’endettement des ménages) et profits souvent spéculatifs, sont à l’origine de la crise actuelle.

III- A-t-on tiré les leçons de la crise des prêts hypothécaires d’août 2007 ?

Comme le note avec pertinence l’économiste Jean Marc Vittori dans le financier français les Echos en date du 10 juin 2009, « En ce mois de juin, il flotte comme un étrange parfum d’irréalité. Alors que le monde entier affronte une profonde récession après avoir encaissé un choc financier colossal, tout se passe comme si la page avait déjà été tournée. Même s’il serait plus agréable de proclamer que la crise est finie, force est de constater qu’elle ne fait que commencer. La dette fait des trous partout, dans les comptes des entreprises, des particuliers, des Etats. Nous nous comportons comme un malade qui sortirait de l’hôpital juste après avoir réchappé d’un infarctus, sans avoir changé ni son régime alimentaire ni son mode de vie, sans même avoir fait les examens nécessaires pour vérifier qu’il ne court plus de risque à court terme. Nous n’avons pas tiré les leçons de la crise. Au risque de subir très vite un choc encore plus grand ». Car les gouvernements n’ont pas voulu examiner les origines de la crise, et d’autre part, ils ne sont pas prêts à renoncer aux « instruments financiers novateurs » [LBO, dérivés, titrisations, etc.], qui sont en partie à l’origine de la crise. Contrairement aux discours, pour Günther Bräunig, membre du conseil de la Banque de reconstruction allemande (KfW), lors d’une conférence sur la finance à Francfort, le 06 juin 2009, les banques recommencent à nouveau offrir des titrisations, c’est-à-dire la vente d’obligations de crédit ou des risques qui leur sont liés, tout en faisant miroiter de fortes rémunérations, qui ne sont offertes que sur les marchés à très haut risque.

Aussi sommes nous dans un cercle vicieux dans la mesure où les banques centrales (FED, BCE, banque d’Angleterre notamment ) au lieu de permettre aux banques de prêter de l’argent à l’économie,dont des secteurs dynamisants du futur, prêtent directement aux entreprises en difficulté, ce qui risquent d’accélérer le déclin de la sphère réelle ,tout en poussant à des besoins énormes de financement. D’où l’hypothèse irréaliste, du moins durant la période 2009/2020- selon bon nombre d’experts financiers, de penser que la Chine avec la somme modique de 2000 milliards de dollars de réserves de change et les pays du Golfe (environ 1200 milliards de dollars de fonds souverains avant la crise, les pertes étant évaluées provisoirement à plus de 500 milliards de dollars) permettront de suppléer à ce besoin immense de financement. D’ailleurs le cours du pétrole actuellement qui ne répond pas aux fondamentaux selon une étude précise de l’Institut français du pétrole début juin 2009, comme cela a été à l’origine des 147 dollars ne n’est-il pas les prémisses d’un au retour à l’inflation car avec un baril à 100 dollars en termes de prix relatifs mondiaux et à prix constant, il serait l’équivalent d’environ 50 dollars ? La forte injection monétaire en Chine pour dynamiser le marché intérieur ne risque t-elle pas également d’aboutir à un processus inflationniste à terme, du fait de la récession des exportations qui ont certes atteint en 2008 plus de 1400 milliards de dollars (derrière l’Allemagne premier exportateur mondial plus de 1500 milliards de dollars contre seulement 560 milliards de dollars pour la France ) en raison de la crise mondiale ce qui réduirait sa compétitivité au niveau mondial poussant inéluctablement à la dévaluation de sa monnaie ? Ne risque t-on pas d’aller vers un effet de boule de neige en accroissant l’endettement d’autant plus qu’uniquement la dette américaine est passée de 3 à 13% du PIB à l’instar de la crise des prêts hypothécaires d’août 2007 mais dont l’origine est antérieure à cette date. En effet, pour l’économiste Gary Gorton, lors de la conférence de 2009 de la Banque de la Réserve Fédérale d’Atlanta, intitulée [« Slapped in the Face by the Invisible Hand; Banking and the Panic of 2007 »], les titres liés aux crédits hypothécaires ont connu un véritable gonflement, passant de 492,6 milliards de dollars en 1996 à 3.071,1 milliards de dollars en 2006 et que plus de 20 trillions [1 trillion = 1.000 milliards] de dollars de dette titrisée ont été vendus entre 1997 et 2007. Je résumé cette crise, où des titres sont adossés qu’à des entrées virtuelles, en en cinq étapes :

a- les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés.

b- diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30 % par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90 % des sommes nécessaire.

c- retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer.

d- crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker , elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan , mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et cette situation paralyse le marché inter- bancaire, les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ; e- intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banque centrales sont intervenus début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités, et cela continue encore en 2009, les actifs toxiques que certains veulent voiler l’ampleur, surtout en Europe, continuant toujours d’avoir des effets négatifs.

En résumé, il faut éviter l’utopie. Et pour reprendre le Financial Times Deutschland de début juin 2009, les économistes devraient avouer que la pensée économique dominante est un échec flagrant, autant que celle du système financier dans son ensemble comme le montre les fausses prévisions tant du FMI, de la Banque mondiale que la commission européenne qui en une année ont révisé trois à quatre fois leurs prévisions donnant ainsi de fausses informations tant aux gouvernants qu’aux marchés. La majorité des économistes fonctionnant sur des schémas théoriques du passé sont-ils incapables de comprendre les causes de la crise actuelle utilisant le concept de cycle pour expliquer la crise actuelle inapproprié car postulant à l’avenir une situation similaire à la période antérieure ? Ne doit t-on pas introduire les concepts de changement et de déséquilibre permanent au sein d’un univers turbulent (la théorie de la thermodynamique utilisée en physique combiné aux analyses sociologiques des stratégie souvent divergentes des acteurs économiques, politiques et sociaux au sein d’un monde de plus en plus globalisé peut être utile), du fait que nous assistons à une rupture systémique, la période à venir n’étant en rien identique à la précédente? En tout cas des pistes de recherche stratégiques ayant un impact opératoire utiles à explorer tant pour les universitaires que les politiques.

Dr A. MEBTOUL- Economiste – Algérie-Focus.com

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