Décryptage/Le Sud, futur eldorado pour l’agriculture algérienne ?

Redaction

Les immenses espaces du Sud du pays sont  en passe de devenir la nouvelle destination de beaucoup d’opérateurs économiques qui voient dans l’agriculture un créneau d’avenir.

Les aides financières accordées par les banques conjugués à l’énorme potentiel hydrique disponible dans cette région semblent en tous cas désormais attirer les investissements . Les dispositifs d’aide et d’accompagnement destinés aux investisseurs dans des wilayas comme Ouargla, Biskra et El Oued, où pas moins de 400 000 ha ont été mis à la disposition des investisseurs pour la création de nouvelles exploitations agricoles, connaissent un vif succès et s’inscrivent  dans l’objectif de créer un nouveau pôle agricole  fournissant une bonne partie de la production nationale.

Même les investisseurs étrangers s’y mettent et  ont commencé à mettre en place  des  partenariats  avec des opérateurs privés nationaux, particulièrement dans la production de semences, de lait et de viande bovine. De l’arboriculture au maraîchage en passant par la céréaliculture et l’élevage, les filières les plus prisées ne se distinguent, désormais, que par leur degré de rentabilité.

Des problèmes de surproduction, notamment de tomates, de pommes de terre et d’oignons, ont même été signalés dans certaines exploitations en l’absence d’un réseau de grande distribution et de transformation industrielle efficace. C’est dans ce nouveau contexte que  des opérateurs économiques algériens  ont récemment demandé aux pouvoirs publics la conclusion  d’un accord commercial préférentiel avec la Russie qui a décrété, depuis 2014, un embargo sur les produits alimentaires de l’Union européenne (UE). Cet accord permettrait au produit algérien de conquérir le marché russe, à la recherche de fournisseurs.

Vers l’ « autosuffisance alimentaire » ?

En fait l’agriculture algérienne ne se porte pas si mal que ça . La production agricole algérienne se développe. « Elle a atteint 35 milliards de dollars en 2014 permettant de satisfaire les besoins du pays à 72% »  déclarait voici quelques mois  le ministre algérien de l’Agriculture et du Développement rural. Il ajoutait que l’Algérie importait des « produits de première nécessité, notamment le lait et les céréales dont le coût n’excède pas les 4 milliards de dollars « . Ce sont en effet ces deux derniers produits qui constituent le principal talon d’Achille de l’agriculture nationale et qui l’empêche de réaliser la fameuse « autosuffisance alimentaire »que certains décrivent comme un objectif réalisable et d’autres comme une chimère.

C’est en tous cas pour s’orienter dans cette direction que le gouvernement a décidé de lancer un projet de mise en valeur d’un million d’hectares dans les wilayas  du Sud et des Hauts Plateaux afin de porter, d’ici 2019, la surface des terres irrigables de 1 136 000 hectares actuellement à plus de 2 millions d’hectares. Ce projet s’appuie sur  le renforcement de l’irrigation ainsi que le développement des concessions agricoles .

 

 Un secteur clé pour l’économie nationale

A l’heure actuelle, le secteur agricole constitue déjà un élément majeur de l’économie hors hydrocarbures du pays. Ensemble, les activités agricoles et agro-industrielles contribuent au PIB de l’Algérie à hauteur de quasiment 10%, et, en 2014, le secteur  employait plus de 2,4 millions de personnes – soit près d’un cinquième de la population active..

La nouvelle politique agricole  dont le lancement remonte à 2008, a joué un rôle moteur dans le développement du secteur ces dernières années, entraînant une croissance annuelle de la production de 8,3% entre 2010 et 2014, contre une moyenne de 6% entre 2000 et 2008. Parmi les mesures introduites on peut notamment citer des dispositions visant à faciliter l’accès au foncier pour les agriculteurs et l’introduction de tarifs préférentiels pour les emprunts à destination des producteurs, ainsi que le déploiement d’efforts visant à encourager les activités agricoles dans des régions peu exploitées, tels que les Hauts-Plateaux et le Sud .

Des objectifs ambitieux à l’horizon 2019

Si cette politique  a été à l’origine d’améliorations en ce qui concerne la production, le développement et  la mécanisation, il y a encore beaucoup à faire .Le dernier plan quinquennal élaboré pour la période 2015-2019 accorde une importance accrue à la résolution d’un certain nombre de problèmes clés. Etant donné le climat aride du pays, on ne s’étonnera pas que l’utilisation de l’eau fasse partie des principales missions que s’assigne le plan. Le gouvernement espère créer 2 millions d’hectares de terres irriguées – contre 1,2 million d’hectares aujourd’hui – dont plus du quart serait réservé à la production de céréales. Les autorités sont également en plein dans la construction d’un système de canaux et de pompes d’une longueur de 22 km qui contribuera à soutenir la production de céréales dans le nord-est du pays et à soustraire ainsi la production de céréales aux aléas de la pluviométrie ; l’amélioration de l’accès aux terres pour les agriculteurs relevant du secteur informel reste également une priorité.

En outre, l’utilisation d’engrais constitue un autre objectif du nouveau plan du gouvernement en Algérie. Le Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural subventionne à l’heure actuelle le coût des engrais à hauteur de 20%. Des chiffres publiés par la Banque Mondiale indiquent toutefois que l’utilisation d’engrais en Algérie entre 2009 et 2014 est bien inférieure à celle de certains de ses voisins. En moyenne, les producteurs ont utilisé 12,7 kg d’engrais par hectare de terre arable en Algérie, des chiffres très en deçà de ceux qu’affichent le Maroc (39,1 kg par hectare) et la Tunisie (40,4 kg par hectare).

L’Algérie entend également agir en faveur de l’amélioration des compétences techniques de ses agriculteurs. Si le projet n’en est encore qu’à ses débuts, la création d’une Ecole nationale des métiers de l’agriculture, des forêts et de l’agro-industrie (ENMAFA) devrait jouer un rôle capital en ce qui concerne l’amélioration de la formation et des compétences professionnelles. L’école, dont l’emplacement exact reste encore à déterminer, offrira des formations aux métiers des secteurs agricole, forestier et agro-industriel.

Hassan Haddouche