Décryptage/ Pourquoi l’Algérie ne se développe pas

Redaction

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A l’heure où les prix des hydrocarbures et la faible valeur du dinar pèsent de plus en plus sur l’économie algérienne, quel bilan doit-on tirer des politiques économiques menées par le régime de Bouteflika ? Eclairage.

Certes, il n’est guère exagéré de reconnaître que les politiques mises en œuvre depuis 1999, eurent de nombreuses retombées positives. Seulement, ces politiques furent conduites dans un certain contexte politique et économique, plutôt favorable, alors qu’aujourd’hui, la conjoncture porte moins à l’optimisme par rapport aux années passées où les prix du baril de pétrole battaient des records.

Mihoub Mezouaghi, docteur en sciences économiques, dans une publication toute récente de l’Institut français des relations internationales (IFRI), a analysé profondément la période de ces 15 dernières années marqués par les investissements massifs dans les infrastructures publiques grâces aux revenus issus de la rente pétrolière.

Des investissements massifs sans vision 

Alors que le logement constituait un problème récurrent pour la population algérienne, le nombre de logements en Algérie a augmenté de 48% entre 2000 et 2013. En investissant 40 milliards de dollars, sur 14 ans, « à la construction de barrages, de systèmes de transfert et de stations de dessalement d’eau de mer », le réseau d’assainissement algérien touche dorénavant près de 90% de la population. Concernant l’accès aux sources d’énergie, ce chercheur note que 99,4% des ménagés sont maintenant raccordés au réseau électrique, et 53% au réseau gazier, alors que ces chiffres se portaient à 88% et 31% au début du régime.

Sur le plan des transports, 35 milliards de dollars furent consacrés à l’amélioration de ces services, avec notamment « une extension de près de 13,000 kilomètres du réseau routier ». Dans les milieux de l’éducation et de la santé, les capacités d’accueil des hôpitaux et des écoles, avec 15 milliards d’investissement, furent aussi augmentées. Enfin, les inégalités entre les revenus furent temporairement corrigées grâce au système de redistribution sociale. Les chiffres de Mihoub Mezouaghi montrent un revenu national brut par habitant multiplié par plus de trois.

Cependant, cette embellie n’a pas permis à l’Algérie de se protéger contre le choc de la chute brutale des prix du baril de pétrole.  Le taux de chômage en sera affecté. L’inflation, avec la dévaluation du dinar, arrive en courant, et semble peu bienveillante. Le budget  de l’Etat va probablement continuer à s’effondrer. Quelles solutions proposer ? C’est une vision et un projet à long-terme qui semblent nécessaire à l’économie algérienne, suggère le chercheur de l’IFRI.

Industrialisation et substitution des imports

Le contexte géopolitique, la situation politique et sociale, ainsi que les problèmes écologiques et environnementaux qui guettent la plupart des « Etats-nations » comme l’Algérie nécessite un nouveau traitement des questions économiques. Une nouvelle vision qui passe notamment par la révision de certains dogmes qui ont la vie bien facile en Algérie.

C’est du moins ce que relève la revue académique « Journal of North African Studies », une publication trimestrielle de la maison d’édition britannique Taylor and Francis, où les deux économistes Abdelaziz Testas et Nikolaos Karagiannis se font les avocats d’une ré-industrialisation de l’Algérie, orchestrée par un plan stratégique national, et tournée dans un premier temps vers la satisfaction des besoins domestiques.

Les investissements dans les infrastructures publiques, aussi nobles soient les causes ayant motivé leur lancement, s’inscrivent dans des objectifs à court terme car tant que le secteur productif algérien n’est pas revalorisé, ces investissements n’auront pas d’impact significatif. De plus, tous les maux évoqués ci-dessus sont directement liés à la trop forte dépendance de l’économie algérienne aux vents et caprices des marchés mondiaux. Elle serait moins exposée à la volatilité des marchés, si moins d’importance était offerte à ses liaisons dangereuses avec les revenus du pétrole, alors que 95% des exportations algériennes proviennent de ce secteur.

L’autosuffisance dans certains secteurs, et un processus progressif de substitution aux importations, sont fondamentaux pour une économie dépendante de sa rente pétrolière. Cela ne veut pas dire que cette économie doit abandonner tout objectif d’exportation de ses hydrocarbures.

Comme le montrent Testas et Karagiannis, les structures politiques et les institutions d’un pays ne peuvent être négligées. Les modèles économiques ne sont pas universels, ils n’expliquent pas tout. L’histoire et la culture d’un Etat doivent être prises en compte. Elles doivent être observées, étudiées, jaugées, assurent ces deux économistes. Le Japon, la Corée du Sud, Singapour, comme d’autres pays d’Asie, se sont développés sans renier leurs identités, en allant puiser dans des ressources culturelles propres, et en évitant de reproduire des modèles ou des dogmes produits dans d’autres régions du monde.

L’Algérie a déjà une culture industrielle, qui avait d’ailleurs eu quelques succès pendant le régime de Boumédiène. Reste à trouver une élite politique capable de mettre en œuvre un tel plan stratégique pour la nation. Pour ce faire,  c’est de toute une culture rentière qu’il faut s’affranchir.

Tahar S.