En 2009, un festival d'investissements Sud-Sud

Redaction

Durant l’année 2009, tandis que les groupes occidentaux taillaient dans le vif pour affronter la crise, leurs concurrents des pays émergents ont continué leur travail « d’universelle aragne » pour atteindre le « prochain milliard » de consommateurs dans les pays du Sud, et renforcer leur surface financière. Gerdau, géant brésilien de l’acier avec plus de 30 usines, qui réalise plus de 60 % de son chiffre d’affaires à l’international, avait commencé son expansion en Uruguay, en Argentine, au Chili, puis en Colombie, et avait créé dès 1999 une filiale nord-américaine et espagnole, Ameristeel. C’est désormais la joint-venture signée en Inde avec le groupe Kalyani en 2007, ainsi que de nouvelles filiales au Mexique et au Venezuela, qui assurent la rentabilité du groupe. America Movil (Mexique), formée en 2000 par des acquisitions en Amérique latine, est devenu le troisième plus grand fournisseur de télécommunication sans fil mondial, et opère dans 18 pays.
Orascom Telecom Holding (Egypte) a acheté des opérateurs de téléphonie dans le monde entier (Algérie, Pakistan, Zimbabwe…) avant d’acquérir Wind, en Italie. Les résultats 2009 sont portés par la croissance émergente. Les bases internationales de Huawei, équipementier de télécommunications chinois, sont d’abord au Zimbabwe – en échange, la Chine a obtenu un accès privilégié aux hydrocarbures. Huawei a reproduit son savoir-faire en Algérie et dans toute l’Afrique. L’autre Chinois du secteur, ZTE, a le même modèle : plus de la moitié des ventes se fait hors de Chine, avec 14 filiales et 7 centres de recherche et développement hors des frontières. Bajaj, fabriquant indien de deux-roues, est implanté aux Philippines, en Colombie et dans d’autres petits marchés en Afrique, à travers des distributeurs locaux. Chery, le plus jeune des constructeurs automobiles chinois, est déjà à la 4e place nationale car il est le premier exportateur, avec une présence dans une cinquantaine de pays, et des usines en Indonésie, Russie, Iran, Uruguay, Egypte.
Ces implantations, tout en permettant la conquête des marchés locaux, préparent l’avenir technologique. Baosteel, le sidérurgiste chinois, s’est allié au minier brésilien Vale pour construire une usine haut de gamme au Brésil, qui lui a permis de monter en gamme dans l’industrie automobile, notamment comme fournisseur officiel de Fiat en Chine et de Shanghai Automotive Industries Corporation (SAIC). L’indien Tata-Motors_2, pour digérer son rachat de Land Rover, s’est renforcé de deux joint-ventures rentables avec Thonburi (Thaïlande) et Marcopolo (Brésil).
Le chinois Zhenhua Port Machinery Company, qui détient les deux tiers du marché mondial des portiques et grues portuaires, se diversifie désormais dans l’extraction de pétrole en mer. La proximité des marchés occidentaux compte tout autant, car elle permet de réduire les cycles de création de produits, facteur clé du succès dans la mode, les biens légers d’équipement, les services… Infosys, SSII indienne, a des centres de développement en République tchèque, aux Philippines, au Mexique et en Chine. Genpact, société indienne de services aux entreprises dans les hautes technologies, a des filiales en Hongrie, Pologne, Roumanie et Mexique. Le chinois Lenovo, 4e fabriquant mondial de PC, assemble dans les régions où les ordinateurs sont vendus (Mexique, Etats-Unis, Inde, Pologne). Enfin, symbole de feue la mondialisation américaine, McDonald’s se fournit en Russie auprès du géant de l’agroalimentaire brésilien Sadia, présent dans 7 pays, leader au Moyen-Orient, et partenaire local du leader russe du nugget, Miratorg!

Joël Ruet, chercheur CNRS, dirige l’Observatoire des
émergents.

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