Entretien/ Ben Rabah Zebar, président de la commission des finances de l’APN: « Il faut qu’on arrête de naviguer à vue »

Redaction

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M. Ben Rabah Zebar, président de la commission finances de l’APN, exprime à Algérie-Focus ses positions quant à la nouvelle situation économique du pays, induite par la chute brutale des revenus des hydrocarbures. Il souligne la nécessité de rationaliser les dépenses publiques et récuse les velléités d’austérité prêtées au gouvernement. Entretien.

 
La LFC 2015 parle d’une limitation de la consommation du carburant. Quel est votre commentaire la dessus ? Et comment cela devra se traduire dans les faits ?
 
Il faut savoir que la LFC n’est pas là pour remplacer la loi des finances pour 2015. Ce que je prévois pour le carburant est qu’il n’y aura pas d’augmentation des prix, mais qu’il sera question d’une rationalisation dans la consommation. Cette mesure va induire un plafonnement de  la consommation du carburant à travers l’institution d’une carte magnétique pour définir un seuil de consommation.
 
En quoi consiste la rationalisation dans la consommation du carburant ?
 
C’est-à-dire au-delà d’un certain seuil, les gens vont s’apprivisionner dans des citernes non subventionnés. La rationalisation, c’est la rigueur dans la gestion des recettes et des dépendes  de l’Etat. La rationalisation, c’est en fait une série de mesures qui ont pour finalité la mobilisation de ressources nouvelles sans introduire un niveau de pression fiscale élevé et atténuer la charge fiscale pesant sur les entreprises. Je veux dire par là que la rationalisation est une rigueur dans la gestion des recettes par le recouvrement, c’est-à-dire l’intensification de l’assiette de recouvrement. La rationalisation doit aussi toucher les dépenses publiques en instituant des règles en direction de l’ensemble des institutions et établissements de l’Etat.
 
 On dit que la LFC 2015 va instituer l’austérité. Qu’en pensez-vous ?
 
Les déclarations des membres du gouvernement n’ont pas parlé d’austérité, mais plutôt de rationalisation.
 
Même si le gouvernement se défend d’appliquer une quelconque politique d’austérité, il n’en demeure pas moins que la LFC 2015 l’institue
C’est un avis personnel : quand je dis austérité, c’est-à-dire que ça touche tous les postes de dépense, y compris l’aspect social. Et quant on voit que l’Etat maintien tout ce qui est acquis sociaux, notamment la suppression de l’article 87 bis, le maintien du soutien aux produits à large consommation, la libération en septembre des crédits de consommation, tout ça,  c’est beaucoup plus des mesures de rationalisations que d’austérité. Parce que l’austérité, pour moi, est une ultime étape pour une économie de guerre et on n’en est pas là.
 
Il est demandé aux communes et daïras de réduire les budgets d’équipement. Ne s’agit-il pas d’une austérité ?
 
Ce n’est pas la première fois que l’on demande aux collectivités locales que ce sont les daïras, les communes ou les wilayas, de diminuer les dépenses en terme d’équipements : c’est-à-dire au recours abusif aux changements des meubles. Mais cette fois-ci, des instructions ont été donnés avec une certaine fermeté. Et certainement, le gouvernement va mettre en place un dispositif pour le suivi de ces instructions. On ne peut pas accepter dans des conditions pareilles qu’un bureau d’un responsable soit changé à chaque fois,  et que cela se fasse au détriment du citoyen.
Quelles sont les remèdes à apporter à la diminution des réserves de change ?
Les réserves de changes sont intimement liées à la ressource pétrolière. Ce qu’il y a lieu de faire, c’est indiscutablement une diversification de notre économie, la rigueur dans les dépenses ainsi que l’intensification du recouvrement des recettes hors hydrocarbures.
 
La diversification de l’économie est un discours qu’on entend depuis 20 ans, alors que les choses n’avancent pas en la matière. Qu’est-ce qui bloque selon vous ?
 
Il y a des efforts qui sont faits en la matière. Il y a des pôles industriels qui ont été mis en place par le ministère de l’Industrie et avec l’implication du privé, les choses devront avancer en la matière. De plus, je pense que la crise va être l’élément moteur à même de nous contraindre à diversifier notre économie en se basant essentiellement  sur des secteurs comme le tourisme, l’agriculture et l’artisanat. Il est utile que le gouvernement définisse des cahiers des charges pour ces secteurs. Il ne faudrait pas qu’on continue à naviguer à vue, il faut qu’on se fixe des objectifs définis et une évaluation doit se faire en fonction des engagements. Pour que la culture de l’évaluation devienne une obligation, mais aussi une tradition
 
Quelles est votre position par rapport aux transferts sociaux ?
 
Les transferts sociaux, sont inévitables et irréversibles. Il faut aussi qu’avec cette rationalisation qu’on fasse attention à ne pas toucher les couches sociales les plus défavorables
 
Quelles sont vos propositions pour redresser la situation financière du pays ?
 
 Il faut honorer ses engagements : on s’est engagé pour atteindre un taux de croissance qui avoisine les 7% à l’horizon 2019. Il va falloir travailler d’arrache-pied pour l’atteindre; il faut rationnaliser les dépenses; il faut mettre en place des mécanismes de recouvrement des créances, mettre en place des instruments pour formaliser l’informel même de manière progressive; il faut assainir les caisses d’affectation spéciales; il faut éviter de recourir au Trésor public pour le financement des investissement surtout commercial; il faut s’ouvrir sur le secteur privé, libérer les initiatives, dépénaliser les actes de gestion, surtout au niveau des banques et il faut  surtout un sursaut national et collectif.
Entretien réalisé par Omar Soltani
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