Finances: Les réserves algériennes s’amenuisent

Redaction

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C’est un haut fonctionnaire qui nous confiait de façon désabusée voici quelques mois que « tout se passe comme si, faute d’avoir pu transformer la rente en investissement productif , les autorités algériennes avaient décidé de la distribuer » Difficile de dire le contraire quand on mesure, entre autres exemples, le coût faramineux de la filière automobile pour les finances du pays et qu’on observe, ces derniers jours, l’engouement extraordinaire qui entoure le salon de l’auto d’Alger.

Les informations données, jeudi dernier, par le gouverneur de la Banque d’Algérie confirment malheureusement, l’érosion des réserves financières de notre pays . M.Laksaci a précisé que les réserves officielles de change de l’Algérie se sont contractées à 179 milliards de dollars à fin décembre 2014, contre 194 milliards de dollars un an plus tôt . D’une façon peu rassurante , mais ainsi qu’on pouvait s’y attendre , le Gouverneur de la Banque d’Algérie suggère également , à demi mots , que le « choc externe »sera probablement encore plus important en 2015 . Voici quelques semaines, c’était le ministre des Finances, Mohamed Djellab, qui annonçait de son côté , à l’occasion de la présentation de la loi de finance pour l’année 2015 ,que les réserves du Fonds de régulation des recettes budgétaires ( FRR) dont le rôle est de contribuer à protéger l’économie algérienne de la volatilité des prix du pétrole, étaient passées de 5 500 milliards de dinars en 2013 à 4 420 milliards de dinars fin 2014.

 Vers un épuisement annoncé ?

Depuis l’année dernière, on est bien entré dans un processus de réduction de nos réserves financières qui pourrait , selon beaucoup d’experts, précéder leur disparition complète dans un horizon à peine supérieur à une décennie. Comment tenter de sauver les réserves financières algériennes de cet épuisement annoncé ? La période la plus récente a été surtout marquée dans ce domaine par des pressions croissantes en faveur de leur diversification et leur utilisation plus active au service du développement économique du pays. Création d’un fonds souverain, transformation du FRR en fond d’investissement , accompagnement des investisseurs nationaux à l’international , les options sont sur la table. Elles n’ont pour l’instant recueilli que peu d’échos auprès des responsables économiques algériens.

 Le Fonds souverain selon M.Hadj Nacer et … beaucoup d’autres

M.Abderrahmane Hadj Nacer est certainement le défenseur le plus ancien de l’option de la création d’un fonds souverain. L’ex gouverneur de la Banque d’Algérie fustige, de longue date, la gestion des réserves de change par les autorités algériennes qu’il qualifie de « gestion de court terme » animée par le seul souci de « disposer de liquidités permettant de couvrir trois années d’importation ».Il plaidait de nouveau, voici quelques mois , en faveur de l’option évoquée périodiquement d’un investissement des réserves dans des actifs industriels privés. « On aurait pu prendre, des participations dans Peugeot. On a raté Volvo, mais on aurait pu acquérir Saab pour la somme de deux milliards de dollars. » affirme l’ancien gouverneur de la BA. Il est loin d’être le seul aujourd’hui à défendre cette option. D’un ancien ministre des Finances comme Abdellatif Benachenhou aux « jeunes universitaires »du groupe Nabni, tout le monde est d’accord : Il faut consacrer une proportion significative de nos réserves de change à la constitution d’un fonds souverain international . Pas pour « spéculer sur les marchés boursiers », comme l’affirmait M Karim Djoudi, voici un peu plus d’une année, mais pour construire notre appareil productif et sortir de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures. Ses partisans le répètent en chœur :« Le fonds souverain offre le cadre idéal à l’Algérie pour déployer une politique industrielle, développer des compétences humaines et diversifier ses participations industrielles à l’étranger. L’Algérie a encore la possibilité de pouvoir transformer une rente en un outil de construction de son futur . Elle a les moyens de s’inviter dans les grands groupes industriels internationaux tout en dessinant son appareil productif. Les deux démarches doivent se faire de concert et sont complémentaires ». Pour l’instant toujours, pas d’échos du coté des décideurs économiques algériens. L e « véhicule » institutionnel pour mettre en œuvre une telle démarche semble pourtant tout désigné et existe déjà . Il s’agit du Fonds National d’investissement (FNI), créé en 2009, mais dont le périmètre des activités est resté jusqu’ici limité, moyennant quelque fois des investissements financiers très importants, comme dans le cas du rachat de Djezzy à des prises de participation dans des entreprises algériennes .

 Faut-il transformer le FRR en fonds d’investissement ?

Faute d’utiliser encore les réserves de change pour des investissements à l’international, est ce qu’on ne pourrait pas, au moins, consacrer une plus grande partie des ressources procurées par la fiscalité pétrolière au développement de l’investissement productif national ? C’est un autre ancien gouverneur de la Banque d’Algérie ,M.Badreddine Nouioua, qui proposait, au début de l’année 2015, de « sauvegarder les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR) qui ne cessent de s’amenuiser depuis 2009, et sont menacées d’épuisement à court terme ». Selon M.Nouioua, pour sauver les ressources du Fonds et leur assurer une utilisation plus profitable à l’économie nationale, il serait hautement souhaitable de transformer le FRR en « fonds d’investissement » qui aurait pour tâche de « contribuer essentiellement au financement des investissements productifs à l’intérieur du pays dans tous les secteurs ». Ce fonds, explique-t-il, « préservera les excédents de ressources pour qu’ils profitent aux générations futures, mais il investira ces ressources dans des projets à l’intérieur du pays, de manière qu’ils contribuent à son développement économique et social ».

S’agissant des projets éligibles au financement du Fonds, M. Nouioua cite, en premier lieu, ceux « créant des industries de base » dans les filières de la sidérurgie, de la pétrochimie, des énergies renouvelables, des engrais, des matériaux de construction, de l’aluminium, de la mécanique, etc ». Et de préciser que le fonds d’investissement proposé « ne prendra de participations dans des sociétés étrangères qu’exceptionnellement et dans les cas où de telles participations auraient un impact certain sur ses actions internes ».

Quel rôle pour les investisseurs privés ?

Fonds souverains ou fonds d’investissements, on parle encore , comme très souvent dans notre pays, d’institutions étatiques. Et si on faisait un peu plus confiance aux opérateurs économiques! Au cours des dernières années, de nombreux opérateurs économiques privés ont manifesté une impatience croissante à l’égard de la rigidité de la réglementation dans ce domaine. Dans ce contexte, le règlement de la Banque d’Algérie, publié le 12 novembre dernier au Journal officiel, et qui « autorise », pour la première fois les entreprises algériennes publiques et privées à investir à l’étranger, constate que « de profonds changements structurels ont affecté l’économie nationale au cours des deux dernières décennies ; entre autres, la capacité et la possibilité pour beaucoup d’opérateurs publics et privés de s’étendre à l’international pour stimuler leurs exportations ou mettre en place des activités de production de biens et services en complément de leurs activités en Algérie ». Pour la Banque d’Algérie : « L’économie nationale peut tirer avantage des investissements à l’étranger des opérateurs économiques résidents. L’ouverture de bureaux de représentation peut constituer un point d’appui au développement des exportations hors hydrocarbures ; l’investissement direct, en complément des activités en Algérie, ne peut être que profitable à la croissance de l’activité domestique, à la compétitivité et à l’innovation lorsque le centre d’activité principal de l’entreprise demeure en Algérie ».

Une nouvelle réglementation qui a été accueillie plutôt favorablement par les patrons algériens . Pour l’ancien Président du FCE, M. Reda Hamiani, elle peut « donner un atout supplémentaire à nos champions nationaux. Nous avons 500 entreprises exportatrices, mais seules 50 sociétés exportent d’une façon régulière, comme Cevital, le groupe Benamor, SIM. Ces entreprises ont besoin d’avoir des succursales à l’étranger pour pouvoir exporter. C’est carrément leur couper des ailes que de ne pas leur permettre de s’implanter à l’étranger notamment en Afrique. On était l’un des rares pays à ne pas le permettre». Il ne reste plus qu’à mettre ces bonnes intentions en pratique ….

Hassan Haddouche

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