« Gagner sa vie grâce à Internet, c’est encore difficile en Algérie »

Redaction

Les internautes boudent les métropoles algériennes. C’est ce qui ressort d’une étude menée par l’agence de conseil en communication Hopscotch Système Africa. Comment expliquer le faible intérêt porter aux villes algériennes sur Internet ? Samir Bellik, consultant en web marketing, a répondu à nos questions.

Propos recueillis par Djamila Ould Khettab

Le classement des métropoles africaines les plus  populaires sur le web vous semble-t-il cohérent ?

Samir Bellik : Oui globalement ce classement me parait cohérent, pour 3 raisons. D’abord, les villes du top 5 [ndlr Le Cap et Johannesburg en Afrique du Sud, Alexandrie en Egypte, Marrakech au Maroc et Windhoek en Namibie] sont parmi les plus médiatisées dans le monde. Pour Cap Town et Johannesburg, le fait d’être les villes les plus célèbres d’Afrique du Sud, en plus de la médiatisation en 2010 avec la Coupe du Monde, la présence de réserves naturelles, l’usage de l’anglais, le tourisme… tout cela fait de que ces deux villes ont tous les ingrédients pour être populaires. En ce qui concerne Alexandrie et Marrakech, c’est pareil. Ce sont les deux villes les plus touristiques d’Afrique du nord et automatiquement cela augmente l’intérêt des internautes autour de ces deux villes marocaines. Pour Windhoek, en revanche, je reste surpris. Personnellement je ne connaissais pas cette ville, mais cela ne me surprends pas plus que ça, sachant que c’est une ville touristique et que la langue officielle est l’anglais.

Pourquoi aucune ville algérienne n’y figure ?

Plusieurs raisons à cela : le faible taux de pénétration d’internet, moins de 20% de la population totale est connectée ; la quasi inexistence d’une activité touristique, qui ne pousse pas à valoriser le patrimoine national, dans un piteux état ; pas de revenu direct ou indirect via le web en Algérie, faute d’e-paiement. Tant que l’on n’a pas de mode de paiement électronique ou d’entreprises qui peuvent faire du e-commerce ou du e-tourisme, ce secteur restera en berne.

En Algérie, la communication digitale se fait presque exclusivement en français alors que le web est dominé largement par l’anglais. N’y a-t-il pas un problème linguistique ?

Non pas vraiment. Regardez Paris, l’une des villes les plus médiatisées au monde, et l’anglais n’est pas vraiment le point fort des Français. Il est certain que de mettre en ligne un contenu multilingue (arabe, français et anglais) aura plus de succès et un plus large caisse de résonance mais ce n’est pas une condition absolue.

Les Algériens maîtrisent-ils vraiment ces nouveaux outils de communication ?

Oui, les Algériens les maîtrisent et on est en train d’assister à une évolution fulgurante dans le domaine digital ! Ce qui nous manque, comme je l’ai dit, ce sont des business modèles pour rentabiliser la création de contenu numérique. Gagner sa vie grâce à Internet c’est possible mais encore difficile en Algérie. Et tant que ça restera le cas, on ne pourra pas avoir beaucoup de contenus. La création de contenu demande effectivement du temps et de l’énergie sur de longues périodes, qui deviennent vite des fardeaux si l’on ne peut pas en faire son gagne-pain, même pour les plus passionnés d’entre nous.

Comment améliorer la visibilité sur internet des métropoles algériennes ?

Une seule réponse : la volonté ! Il faut que les pouvoirs publics s’intéressent à ce mode de communication et qu’ils l’encouragent par la facilitation de l’accès à Internet, la réduction des coûts, la création de modèles économiques viables pour les entrepreneurs du net, que les particuliers puissent aussi en profiter en tant que consommateurs ou acteurs, et enfin l’ouverture du paiement électronique. Le must serait de pouvoir avoir une monnaie forte et échangeable comme n’importe quelle devise, mais là je pense que c’est un peu trop demander…