L'Algérie, entre capital financier et capital humain : Quel modèle économique pour l'Algérie?

Redaction

Nous avons eu l’occasion d’assister à plusieurs colloques et séminaires, ces dernières années, qui traitent et analysent l’économie en Algérie.

Ces rencontres abordent généralement les investissements alloués, à tel point où des comparaisons sont faites avec les pays voisins, tels le Maroc ou la Tunisie, voire les pays asiatiques, à l’exemple de la Corée du sud. Toujours est- il, qu’en matière de chiffres, à l’exception de (IDH) l’Indice du Développement Humain, relatif à la santé, l’éducation, le niveau de vie, souvent remplacé par le (PIB) qui lui, traite uniquement du développement économique, mais à part l’IDH, on ne signale jamais l’importance du capital humain.

Selon le grand penseur algérien, Malek Benabi, souvent ignoré par nos chercheurs, l’économie n’est pas seulement une science qu’on apprend, des courbes et des chiffres qu’on agite ou que l’on trafique à des fins démagogiques. Mais, c’est tout un comportement, pour tout dire, une véritable culture. L’économie n’est pas extérieure à l’homme, elle lui est consubstantielle. Elle est le premier et le principal résultat du phénomène social du mécanisme sociétaire et associatif.

Elle est la forme finale et achevée du processus d’imbrication des relations humaines lors des échanges entre les hommes, en vue d’assurer l’intérêt de chacun, en poursuivant celui de tous. Elle est une structure mentale, avant d’être affaire de matières premières, d’argent, de technologie, ou de parts de marché. L’ignorance par les économistes et les hommes politiques de l’équation sociale particulière à chaque peuple dans des conditions données, a conduit au gâchis, à la perte de temps, à l’endettement et au ratage de précieuses occasions historiques au cours des dernières décennies. Ces chercheurs ont toujours essayé d’importer des modèles, afin de les transposer, sans tenir compte de la réalité du terrain, qu’il y a des ressemblances entre tel pays et le nôtre.

Des exemples abondent à ce sujet sur l’échec de modèles, alors qu’une expérience comme celle vécue par l’Indonésie après son indépendance, bien qu’elle ait réussi dans des conditions du succès, qu’elles soient matérielles, humaines ou même techniques, grâce au plan du Dr Schacht, cerveau du programme de redressement économique de l’Allemagne avant la deuxième guerre mondiale, a débouché sur un échec patent. Si nous nous arrêtons au moins pour méditer les raisons de cet échec, nous tirerons profit de certaines conclusions économiques, que ni l’école libérale, ni l’école matérialiste, ne peuvent présenter.

Les plans économiques des conditions implicites ou tout au moins une condition implicite, qui ne relèvent pas du ressort des concepteurs de ces plans, ni du domaine de leur spécialité. Le Dr Schacht était en effet, sans conteste, le mieux placé pour concevoir un plan économique comparable au plan qu’il avait spécialement élaboré pour son pays avant la seconde guerre mondiale. Néanmoins il avait planifié pour l’Indonésie, en gardant implicitement son plan sur la base d’une équation sociale « propre au peuple allemand’’, donc forcément étrangère au peuple indonésien.

L’autre exemple, est celui du modèle japonais des années 70 qui avaient révolutionné le monde. Les Etats Unis d’Amérique, ainsi que la France voulant l’adopter, se sont vite aperçus que ce modèle obéit à une culture purement japonaise. Une notion de culture, que nous avons eu l’occasion de développer plus tard.

Quelle réflexion peut-on faire sur la jeunesse algérienne ?

Tout le monde a pu constater le comportement de notre jeunesse durant le déroulement des matchs des éliminatoires combinées CM/CAN, de notre sélection nationale, et finalement l’exploit réalisé, en battant la meilleure équipe d’Afrique, en l’occurrence l’Égypte. Cette réalisation a été le fruit d’un renversement de tendance, marquée par un nationalisme, jusque là latent, devenue l’expression par une jeunesse qui, dans un passé récent n’éprouvait aucun sentiment d’appartenance à la ‘’mère- patrie’’.

Cette jeunesse qui voulait et qui veut toujours quitter le pays par n’importe quel moyen, quitte à risquer sa vie dans des embarcations de fortune. Cette jeunesse qui a perdu de son arabité, de sa religion, l’Islam, de son algérianité, retrouve toute son identité. Mais cette jeunesse a montré qu’elle porte l’Algérie dans son cœur. Cette jeunesse qui a manifesté un grand intérêt pendant et après les évènements qui ont marqué les fins de matchs de l’Equipe nationale.

Cette jeunesse qui est devenue avide à la moindre information sur son équipe nationale, par l’achat de journaux, par l’attention de tout ce qui se disait sur l’Algérie. Surtout après que les Egyptiens aient commencé leur cinéma, utilisant plusieurs chaînes satellitaires, insultant le peuple algérien, le qualifiant de tous les maux. Cette pratique, pas du tout digne d’un pays prétendant être supérieur historiquement et intellectuellement. Pouvons- nous dire qu’il y a eu une sorte de réconciliation entre le pouvoir et cette jeunesse? La réponse peut être, oui, tout comme elle peut être, non. Le ‘’oui’, si on essaie de trouver des solutions, afin que l’intérêt manifesté par la jeunesse soit exploité dans le bon sens. Cette énergie débordante doit être canalisée à la réalisation de plusieurs défis.

Les ressources humaines ne sont pas limitées comme le sont les kilowatts ou les kilos de sel. Elles constituent, au contraire un réservoir d’énergie physique et intellectuelle presque sans limites.
L’essentiel est de savoir comment utiliser les capacités de chacun, ou plutôt comment motiver les hommes pour qu’ils se consacrent entièrement à leur travail.

Quant au « non », que nous souhaitons pas, par rapport aux pratiques néfastes tel que: le népotisme, le laisser- aller, la lenteur bureaucratique, le mensonge administratif, tout cela, psychologiquement parlant, a des conséquences qui peuvent conduire au refus d’apporter des solutions à l’ambition, au désir de travailler, à l’implication et enfin pour être un citoyen exemplaire.

Culture et efficacité

Lorsque nous posons les questions relatives au – « comment se fait une culture et que fait- on » ? – des questions intéressante mais non essentielles pour notre sujet. La première peut intéresser le sociologue dans un pays où le temps s’est chargé de cristalliser au cours des siècles les valeurs culturelles qui ont imprégné les générations successives, transformant leurs habitudes en automatismes du comportement. La seconde peut intéresser tout ce qui a trait à la critique littéraire, la critique d’art, l’orateur de folklore etc.

Quant à la question que nous posons d’une façon systématique, elle doit être précisée davantage, de manière à formuler explicitement l’objet de notre culture. Elle doit être posée en fonction de cet objet, sous la forme : comment fait- on une culture appropriée à un comportement efficace ? L’individu ne doit pas ses qualités sociales à sa formation scolaire, mais à des conditions propres à son milieu, dont notre comportement négatif à l’égard de tel ou tel problème en est la cause d’inefficacité propre à notre milieu, et qui nous rend inefficace.

L’interprétation que nous pouvons dégager après ce que nous venons de voir, c’est que la culture n’est pas un phénomène d’école ou d’université, mais l’ambiance est donc la matrice des valeurs culturelles. Ce qui nous permet dans une première définition globale, de considérer la culture comme une ambiance faite de couleurs, de sons, de formes, de mouvements, de choses familières, de paysages, de figures, d’idées diffuses. C’est une ambiance qui exerce son action sur le berger et le savant à la fois.

L’école est un agent de culture, mais on se trompe sur sa fonction quand on croit qu’elle peut à elle seule résoudre le problème, et ne peut donc jouer ce rôle dans les grandes lignes d’un projet de culture, comme on essaye de le faire en ce moment dans le cadre de l’enseignement algérien qui pose tous les problèmes en termes de formation plutôt qu’en termes de connaissances.

Essayons maintenant d’étudier les cas de figures existant chez nous et qui sont en relation avec notre quotidien. Le premier peut être lié à la propreté de nos villes. Du coup, tout le monde essaye de se justifier par le manque de poubelles, de camions de ramassage, la mauvaise gestion de la commune etc., alors que le problème réside bel et bien ailleurs. C’est dans nos mauvaises habitudes, même avec les poubelles qui existent, l’algérien préfère jeter au sol tous types d’objets, bouteilles d’eau minérale, mouchoirs en papier, verres jetables, sachets en plastique, papiers de bonbons et la liste est longue.

Plutôt que d’utiliser les poubelles, quoi qu’on puisse dire qu’elles ne sont pas nombreuses, mais la question n’est pas celle des moyens ou des possibilités. Elle est en nous. Elle nous incombe d’emblée pour étudier notre appareil social. Le deuxième cas serait lié à notre élite, en prenant le cas de l’enseignant universitaire et le médecin algérien, les comparant à leurs confrères français. Ces deux antagonistes que nous venons de décrire, peuvent suivrent la même formation universitaire, le même cursus, la même qualification, ils assistent parfois aux mêmes séminaires et colloques, partagent parfois les mêmes bancs dans de prestigieuses universités, mais qui se comportent différemment lors de l’exercice de leurs métiers respectifs.

Il va sans doute se dire que les français ont les moyens, nous ne sommes pas de cet avis. On parle de l’homme. Laissons de côté les poubelles et les autres moyens. Si l’homme bouge, c’est la société et l’histoire qui bougera avec. S’il s’immobilise, c’est la société et l’histoire qui se figent, puisque l’Algérie s’est modernisée en infrastructures hospitalières et universitaires qui répondent aux mêmes normes internationales et qui sont dotées de matériels didactiques et médical sophistiqués.

En se constituant dans une société donnée, la culture crée machinalement un réseau de liaison culturelle et l’efficacité de l’individu se forge dans cette même société. La question qui se pose, est : « quelle est la culture qui crée des relations culturelles dans la société et qui forme l’individu efficace. Et comme le réseau des liaisons culturelles est une expression des relations personnelles à un certain niveau, ce réseau ne peut se constituer sans « le principe éthique ». Cet aspect de la question est devenu maintenant clair, le réseau des liaisons culturelles perd fatalement son équilibre si le principe éthique est ébranlé.

Cette réalité est la seule qui est à même de nous expliquer l’échec de l’expérience dont nous avons parlé dans le deuxième cas de figure. Elle explique, en outre comment l’efficacité des sociétés s’accroît ou diminue en fonction de l’augmentation ou de la baisse de l’effet du principe éthique. Nos attitudes face aux problèmes sont définies sur la base de ce principe qui est la condition essentielle de ces actes. Il y organise les rapports entre les personnes, une organisation qui sert l’intérêt général.

Il n’existe aucune autre base qui assure cette mission, c’est précisément le principe éthique qui assure l’édification du monde des personnes. Sans lequel on ne peut assurer au monde des moyens, ni des idées s’il faisait défaut. A partir de là, on mesure la grande importance dans la détermination de la culture dans une société donnée. Au niveau de la précision de la différence fondamentale entre culture -qui comporte comme condition première, la définition des rapports entre les individus – et la science, la science elle, ne s’intéresse qu’aux rapports particuliers des concepts, des moyens et des objets.

Le scientifique peut avoir une perception du problème en tant qu’idée, mais ne dispose pas de mécanismes qui l’incitent à le concevoir comme une action. Alors que l’homme cultivé se considère comme poussé par le principe éthique qui fonde sa culture sur la base de deux opérations. Une opération qui n’est qu’une simple science et une autre qui comporte l’exécution et l’action. C’est ainsi que se clarifie la différence fondamentale que nous explique l’image que nous avons donnée.

Ces dernières considérations traduisent un deuxième fondement sur lequel repose la culture. On parle du goût esthétique qui imprime les relations sociales d’un sceau particulier, à qui il confère une image conforme au sentiment et un goût général de tout ce qui touche aux couleurs et aux formes. Si le principe éthique définit l’orientation générale de la société en fixant les motivations et les finalités, le goût esthétique façonne son image. Il s’agit là d’un autre aspect de la différence entre la science et la culture. La mission de la première s’achève en créant les choses et en permettant leur compréhension.

La culture continue à les enjoliver et à les parfaire sur le même plan. L’esthétique est considéré comme l’un des éléments dynamiques dans la culture. Il remue les volontés au delà de la seule utilité et il réalise l’une des plus importantes conditions de l’efficacité. Il ajoute, en effet, à la réalité éthique chez l’individu d’autres motivations positives à même de corriger certaines motivations négatives qui pourrait provoquer un principe éthique frustré dans le comportement, lorsque ce même comportement qui procède d’un goût esthétique est dépourvu de sentiment humain et de goût général. En témoignent certains dits du prophète (QSSL) qui, non seulement exprime la vérité des choses mais l’exprime à travers une parabole acceptable également. Il est évident que dans la société qui enregistre le plus grand nombre de mouvements et d’idées se constituent une moisson sociale plus importante.

Un autre niveau sur la définition d’un principe spécifique à la production sociale est qui est le principe de la logique pragmatique lorsque nous joignons ce troisième principe au concept de la culture. Nous l’utiliserons pour constituer une des conditions fondamentales de l’efficacité chez l’individu au sein de la société.

Il nous est inévitable de noter que sa mise en application comporte l’idée du temps et des moyens pédagogiques pour diffuser cette idée dans le comportement de l’individu et dans le style de vie dans la société. Nul doute que ce principe accroît la clarté de la différence lointaine entre la culture et la science, et par voie de conséquence, entre l’individu cultivé et le simple homme de science ou l’instruit.

Dans notre propos, nous avons évoqué que furtivement les choses, alors que nous ne pouvons pas concevoir la vie de l’homme sans aspect matériel, tout comme on ne peut imaginer quelque chose qui ne découle pas l’idée donnée liée par sa nature au monde des concepts. Ce qui nous impose de définir un quatrième élément dans la culture. Le principe éthique.

L’esthétique et la logique pragmatique ne peuvent rien construire seuls, en l’absence de moyens et c’est la science ou la technique (Es Sinaa), selon le terme d’Ibn Khaldoun, qui constitue un élément important dans la culture qui ne se constitue pas et qui n’a pas de sens en son absence. C’est son quatrième élément.

La culture est déterminée ainsi d’une façon qui nous évite de penser à tout autre élément. Tout rajout à ces quatre éléments n’est que discours creux et inutile. Les quatre principes que nous avons arrêté sont à même de réunir les conditions de l’efficacité que nous poursuivons à travers le terme « culture ».

En effet, si nous analysons une action donnée, en tant qu’organisme composé, doté de motivation psychologique, nous verrons que ces motivations procèdent de l’éthique, tant et si bien qu’il n’est pas facile d’imaginer cette action en tant qu’acte volontaire, sans ces motivations. Cette action provient d’une certaine façon définie par le goût esthétique. Ainsi s’accomplit une partie de l’efficacité. D’autre part, nous noterons que cette action est accomplie au profit de l’intérêt social ; corrélativement, ce qu’il comporte de logique pragmatique qui sous-entend la rapidité de son exécution et achève l’autre partie de l’efficacité.

L’action demande enfin l’application des théories et des moyens matériels présentés par la science. Après la détermination des motivations, de l’action, de son image, de la rapidité de son exécution et ses moyens, restera t-il quelque chose sans que cette action n’atteigne sa plénitude?

Conclusion

Si nous voulons un avenir meilleur pour notre pays, il est grand temps que nous cessions de nous comporter négativement afin de ne plus transmettre à notre génération future des maladies sociales, par des idées pathogènes, des idées qui détruisent des sociétés ou gênent leur développement. Si nous voulons avoir une jeunesse qui pratique le principe éthique, il est aussi grand temps que nous changions nos mauvaises pratiques telles que:

le partage et non pas le monopole, l’individualisme et l’égoïsme.
la diversité et non pas le régionalisme et l’exclusion sociale.
l’équité et non l’injustice.

Notes
-Malek Bennabi: Le musulman dans le monde de l’économie (2005)
-Malek Bennabi: Le problème de la culture (2006)
-Malek Bennabi: Propos sur l’édification nouvelle (2007)
-F Harmoun, G Jacobs: Ces entreprises qui tiennent la forme!

Chernaoui Zine-Eddine, Economiste

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