Même si officiellement le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, refuse de reconnaître qu’un tel projet est actuellement en élaboration, les autorités algériennes préparent sérieusement une loi dans le but de décréter une amnistie fiscale générale. Cette information nous a été confirmée par plusieurs sources concordantes proches du ministère des Finances et de la Banque d’Algérie.
L’Algérie n’a plus le choix. Avec la chute brutale des prix du pétrole et l’assèchement de la masse monétaire dans les banques publiques et privées, en raison du financement de plusieurs projets d’investissement de grande envergure, les caisses de l’Etat algérien se vident dangereusement. Limiter la facture des importations, qui dépassent les 50 milliards de dollars, ou limiter le dispositif des subventions publiques ne permettra pas à l’Etat algérien de souffler. Et pour cause, l’Algérie a besoin de financer encore d’autres projets de développement pour assurer sa survie économique. « Deux solutions se proposent à nous : l’endettement extérieur ou un dispositif pour récupérer une partie des 40 milliards de dollars qui circulent dans le secteur informel », explique un cadre du ministère des Finances qui a requis l’anonymat. « Logiquement, nos autorités sont en train de pencher vers l’amnistie fiscale. C’est le moyen le plus sûr et le moins risqué pour récupérer du cash », confie notre interlocuteur, selon lequel les autorités algériennes demeurent très discrètes concernant ce projet pour bien piéger les barons de l’informel qui amassent de véritables fortunes depuis de longues années.
Un projet de loi dans ce sens devrait voir le jour d’ici la rentrée sociale. A la Présidence, Bouteflika et ses conseillers préfèrent aller doucement, mais sûrement. L’objectif est, d’abord, de boucler les mesures prévues par la Loi de finances complémentaire 2015 (LFC 2015). Des mesures qui instaureront un début d’austérité budgétaire en Algérie avec, notamment, la
limitation de la consommation de carburant et l’augmentation des taxes sur les véhicules neufs. Une fois ce virage négociée, le gouvernement Sellal sera instruit par la Présidence d’élaborer un projet d’amnistie fiscale.
Un projet qui va s’inspirer de l’exemple italien de 2002 et 2009, lorsque Silvio Berlusconi, avait lancé la plus grande amnistie fiscale de l’Italie, a-t-on appris de plusieurs sources proches du gouvernement. Comme en Italie, les autorités algériennes vont opter pour le versement d’une somme d’argent forfaitaire, généralement peu importante, et en contrepartie l’administration tire un trait définitif sur le passé des fraudeurs fiscaux. Concrètement, un baron de l’informel ou un gros bonnet de l’évasion fiscale qui exporte illégalement des devises du pays, s’il se rapproche des banques algériennes pour placer son argent, il paiera uniquement un forfait de 5 à 10 % de la valeur de ses fonds. Après ces démarches, il sera gracié fiscalement et les autorités ne vont pas le poursuivre ni l’inquiéter pour son passif.
Cette tactique pourra permettre à l’Etat algérien de récupérer entre 20 et 30 milliards de dollars, estiment des cadres du ministère des Finances. Pour séduire les caïds de l’informel, l’Etat algérien étudie la possibilité d’étendre l’amnistie fiscale à tous les fraudeurs. Et pour lui donner une « légitimité populaire », cette mesure devra concerner également l
es jeunes endettés du dispositif ANSEJ et CNAC. Le montant des dettes de ces derniers sont estimés entre 3 et 4 milliards de dollars.
En revanche, plusieurs banquiers algériens s’interrogent sur les cas de délit présumés à l’instar des personnes coupables de faux bilan, blanchiment d’argent, recel, banqueroute, etc. Ces opérateurs malhonnêtes vont-ils bénéficier de ce projet d’amnistie fiscale ? Aucune source au gouvernement n’a voulu apporter de réponse à cette question. Et c’est là où le bât blesse, car plusieurs observateurs craignent les retombées politiques de cette mesure à même de permettre aux mafieux impliqués dans les détournements des deniers publics de retrouver une vie normale, sans inquiétude et en jouissant de leurs fonds mal acquis. Face à ce constat alarmant, des responsables au ministère des Finances relativisent les appréhensions en estimant que l’Algérie n’a vraiment plus aucun autre choix. « Si on laisse ces milliards circuler encore dans l’informel, des réseaux terroristes peuvent les récupérer. Il vaut mieux donc laisser les barons les blanchir que de les laisser à la portée des personnes malintentionnées », analyse un inspecteur de la Banque d’Algérie.