Le syndicat des pilotes de ligne d’Air Algérie (SPLA) est sorti de son habituelle réserve pour alerter sur « l’imminence d’un accident grave » au sein de la compagnie nationale. Quelques semaines après le crash du vol AH 5017, le syndicat fait état d’une « situation catastrophique, jamais connue de mémoire de pilote ».
« Nous, membres du Syndicat des pilotes de ligne algériens (SPLA), alertons une fois de plus sur l’imminence d’un accident grave au sein de notre compagnie. Depuis plusieurs mois déjà, nous avons dénoncé et tiré la sonnette d’alarme, au sein d’Air Algérie et sur la place publique, concernant les risques importants qu’encourt notre compagnie », a déclaré mercredi 13 août le syndication des pilotes de ligne d’Air Algérie (SPLA).
Les pilotes d’Air Algérie craignent le pire
Dans un communiqué publié sur le site du quotidien El Watan, le SPLA dénonce « le comportement de certains responsables et le climat de travail qui règne au sein de la compagnie », affirmant « craindre le pire ». Ils mettent en lumière « la mauvaise gestion et le non-respect du régime de travail des pilotes », deux éléments qui « mettent en danger immédiat la sécurité des passagers ».
En particulier, le syndicat alarme les autorités publiques sur les modalités de recrutement des pilotes. « La direction générale s’entête à recruter des pilotes (self-sponsor) dépourvus du niveau requis (bac+2) avec des formations douteuses, ce qui entraînera forcément une atteinte grave à la sécurité », peut-on lire dans le communiqué.
Les pilotes se disent également « fatigués », car les refus de congé ont atteint des summums : 14 mois de reliquat de congé pour certains, avec un total de plus de 132 années de reliquats pour l’ensemble des pilotes explique le SPLA.
Confrontés au mutisme de la direction d’Air Algérie, qui « continue dans sa démarche anarchique », les pilotes en appellent aux autorités, afin qu’elles engagent « une démarche sérieuse avec les professionnels de l’aviation pour essayer de sauver le pavillon national ».
Air Algérie n’a pour le moment pas souhaité réagir. La direction de la communication de la compagnie nationale nous a expliqué par téléphone qu’elle ne pouvait pas encore se prononcer. « Si nous avons des informations à transmettre, elles paraîtront sur l’APS [l’agence de presse officielle] », a affirmé notre interlocutrice, qui a indiqué que la compagnie communiquerait sur ce sujet « dans les jours qui viennent, Inch’Allah ».
Appel à témoins pour identifier les dysfonctionnements de la compagnie nationale
Contacté par téléphone, le porte-parole du collectif contre la cherté du transport vers l’Algérie (CCTA), Salah Hadjab, a salué la prise de parole du SPLA. « Le collectif CCTA salue que le syndicat sorte de son silence pour dévoiler un des points noirs de la compagnie. « L’alerte de sécurité lancée par le syndicat de pilotes est importante. Nous, de notre côté, avons déjà pu constater des manquements graves. La seule raison pour laquelle Air Algérie se conforte à certaines directives, c’est par peur que la France cloue ses avions au sol « , nous a-t-il déclaré.
Hadjab a appelé à des précisions sur certains éléments du communiqué diffusé par le SPLA. « Nous trouvons étrange que le syndicat dénonce le manque de personnel quand on sait qu’Air Algérie emploie plus de 10 000 salariés pour seulement 42 appareils », a-t-il expliqué, reprenant des estimations datant de 2011. « Nous aimerions donc que le syndicat précise le ratio du nombre de pilotes par rapport au nombre total de salariés », a poursuivi Hadjab. Il a indiqué que le collectif avait été contacté, il y a 2 semaines, par un salarié qui a souhaité rester anonyme et qui a expliqué que la cause des fréquents retards des vols d’Air Algérie était le manque de pilotes.
Le collectif CCTA a par ailleurs lancé un appel à témoins pour identifier et comprendre les dysfonctionnements majeurs de la compagnie nationale. En particulier, le collectif souhaite obtenir des informations sur le nom des « parachutés » qui travaillent chez Air Algérie, l’ « entente » entre Air Algérie et la compagnie française Aigle Azur, ainsi que sur les « liens » entre Sidi Saïd, président de l’Union des travailleurs algériens (UGTA) et le PDG d’Aigle Azur, Arezki Idjerouidène.
Seules les instances étrangères peuvent sauver Air Algérie
Interrogé sur les possibilités d’une sortie de crise, Hadjab a affirmé que seule la pression internationale permettra de remédier aux dysfonctionnements d’Air Algérie. « Nous n’avons aucun espoir que la solution vienne du côté algérien », a-t-il déclaré. Selon lui, Air Algérie doit subir un audit et un plan de redressement indépendant, afin de faire toute la lumière sur les pratiques de la compagnie.