Imaad Rahmouni est un architecte algérien âgé d’une quarantaine d’années. Inspiré par les plus grands architectes de la mouvance moderne, dont le défunt Oscar Niemeyer, il a collaboré avec Philippe Stark avant de créer sa propre agence. De Bangkok, en passant par New York, Tokyo, Londres, Bali ou Marrakech, il a laissé sa marque architecturale en concevant des maisons, des hôtels, des bars et même des avions, des abribus et des bateaux. L’Algérie reste néanmoins la grande absente de son parcours exceptionnel.
Imaad est un natif de la wilaya de Tlemcen, dans la ville de Marnia plus précisément. Mais il est surtout un enfant d’Alger. Il n’est âgé que de quelques mois lorsqu’il s’installe dans la capitale qu’il ne quittera pas avant les années 90. Peu après avoir obtenu son diplôme de l’Ecole polytechnique d’architecture d’Alger, il s’envole vers d’autres cieux et d’autres terres. La France, tout d’abord. « Je suis allé à Paris pour suivre un cours avec l’architecte Henri Ciriani qui est l’un des plus grands théoriciens de l’architecture moderne », explique Imaad Rahmouni. Le jeune homme se retrouve alors étudiant à l’Ecole d’architecture de Belleville pendant 4 semestres, uniquement pour suivre l’atelier de ce maître qui, dans sa carrière, a notamment conçu le musée archéologique d’Arles et le musée de la première Guerre mondiale à Péronne.
Un parcours exemplaire : chance ou talent ?
Une fois son deuxième diplôme en poche, en 1995, le jeune architecte entre rapidement dans la cour des grands. Il travaille pendant plusieurs années aux côtés du célèbre designer et architecte Philippe Starck. Une expérience intense et formatrice. « Je travaillais sur des projets avec comme seule limite, l’imagination », se souvient Imaad. Naviguant entre Paris, Londres, New York et Miami, il conçoit plusieurs lieux, surtout des hôtels, et s’initie au design d’intérieur. Au bout de cinq ans, il quitte le grand Starck pour créer sa propre agence, basée dans le quartier parisien cosmopolite de Belleville. Et là, tout s’enchaîne. Restaurants, bars, loft, maisons, hôtels. « J’ai eu beaucoup de chance, car j’ai eu très vite des demandes, notamment pour des espaces publics, ce qui m’a permis d’obtenir une visibilité rapidement », explique-t-il. De la chance, il semblerait en effet qu’il en ait. D’ailleurs, à l’écouter, Imaad Rahmouni lui doit presque entièrement son succès. « Mon parcours c’est 100% de chance. Enfin non, plutôt 90% de chance, 5% d’humour et 5% d’amour », s’exclame sur un ton léger Imaad. « Bien sûr je n’étais pas mauvais, mais je n’étais pas le meilleur non plus ! », ajoute-t-il.
Mais à la chance s’ajoute indéniablement le talent et la qualité du travail fourni à chaque prestation. Imaad explique que lorsque son agence propose un projet, elle s’en occupe du début jusqu’à la fin. De l’architecture au design d’intérieur. « Il suffit d’un rideau moche pour polluer l’architecture d’un bâtiment », souligne-t-il. Et l’amour qu’il porte à ses réalisations y est certainement pour beaucoup dans la beauté du résultat final. « Mes projets, c’est comme mes enfants, je les aime tous ! », précise-t-il sur un ton rieur.
Un architecte globe-trotteur
L’agence que Imaad Rahmouni crée en 2000 se tourne très rapidement vers l’Asie. La Thaïlande, le Japon, l’Indonésie et la Chine accueillent ses réalisations et en redemandent. L’engouement est réciproque. L’architecte avoue l’amour qu’il porte à ce continent : « L’Asie c’est mon rêve. Je rêve de vivre à Lambok en Indonésie, mais ma femme n’est pas d’accord ». C’est finalement bien moins loin que Imaad a posé ses valises il y a quelques années. Juste de l’autre côté de la Méditerranée, au Maroc. « On m’a appelé pour un projet à Marrakech, au départ je devais y rester un an et puis je suis resté », raconte-t-il. Pourquoi ? L’accueil des gens, le climat et sûrement un petit air de son pays natal.
En 2005, en parallèle de son agence parisienne, il ouvre un autre bureau dans la ville de Marrakech qui compte aujourd’hui 20 employés. De nombreux projets sont réalisés au Maroc, mais Imaad et son équipe continuent de travailler en Asie. Un nouveau marché s’est également ouvert au Qatar et aux Emirats.
Et l’Algérie dans tout ça ?
Imaad Rahmouni a travaillé presque partout dans le monde, mais jamais dans son pays natal. « On ne m’a jamais appelé pour faire un projet en Algérie », déplore-t-il. Dans tous les autres pays, ce sont soit des instances publiques soit des acteurs privés qui le sollicitent. Pourquoi n’est-ce pas le cas ici ? « Le public ne valorise pas la matière grise et le privé reste uniquement dans la rentabilité économique immédiate », lâche l’architecte.
Il regrette par ailleurs que les priorités architecturales aient changé en Algérie. « A une époque, on était heureux de construire de belles écoles, des universités et des hôpitaux. Aujourd’hui on préfère les stades de foot et les mosquées au coût exorbitant ». Mais ce que déplore par-dessus tout Imaad c’est la non exploitation des talents nationaux. « Il y a de très bons architectes algériens et pourtant on préfère faire appel aux Chinois pour construire ». De plus, il juge le résultat insatisfaisant : « Alger est l’une des plus belles villes du monde. Mais sa porte d’entrée, c’est-à-dire l’aéroport, est moche et non fonctionnelle ».
Le regret de ne rien avoir conçu à Alger semble d’autant plus grand pour Imaad, lui qui a visité des dizaines de villes et qui continue à leur préférer la capitale algérienne. Au quotidien, il s’inspire de son architecture, de son esprit et de ses bâtiments qui datent du courant moderne, pour ses propres réalisations. Et si il y a un projet qu’il rêve de faire, c’est de concevoir une maison sur les hauteurs d’El Biar, moderne (au sens idéologique du terme) et avec une splendide vue sur la baie d’Alger. Un jour, peut-être.
Crédit Photo : Imaadrahmouni.com