Apprendre ailleurs, pour partager ici. C’est un peu la philosophie qui a guidé Hadi Mahihenni tout au long de sa vie. Cet ingénieur algérien est actuellement Responsable de production au sein de la cimenterie Lafarge Algérie. Il est également le co-fondateur de l’association ATLAS (Algerian Talents and Leaders Association). Avant d’accéder à ce haut poste chez Lafarge Algérie, Hadi a dû faire preuve de persévérance dans ses études et le monde du travail. Né en Algérie, il avait choisi de faire une partie de son parcours en France, pour finalement revenir sur sa terre natale. Récit.
« C’est bien mon petit fils d’être deuxième mais la prochaine fois j’aimerais que tu sois premier. Et même premier ce n’est pas suffisant. Il faut être excellent, et l’excellence tu la trouveras à l’international. » Cette phrase du grand-père de Hadi a été son moteur durant toute sa vie et surtout durant sa carrière. Le haut cadre, originaire de Tenes, une ville de l’ouest de l’Algérie située à 215 km d’Alger, a grandi dans une famille issue de la classe moyenne. Il fait alors partie de la première génération qui réussira de grandes études. Ce fameux conseil de son grand-père, il a 12 ans lorsqu’il l’entend pour la première fois.
« Il m’a conseillé d’obtenir un bac avec mention très bien, pour obtenir une bourse d’excellence pour partir à l’étranger. Au départ je n’avais pas saisi le sens de cette phrase, il me parlait de bac, d’obtenir la mention très bien pour obtenir une bourse. Tout cela était trop loin pour moi ». Ce n’est que plus tard alors qu’il est étudiant que Hadi comprend ce que son grand-père, un « cultivateur-bâtisseur », comme il aime l’appeler, attend de lui. L’enfant devient un homme et comprend que la fin justifie les moyens, et que son grand-père qui « avait vendu des tuiles de sa maison pour acheter un livre de médecine à son fils » lui évoque la notion de sacrifice mais aussi de travail et surtout d’une chance qu’il n’a pas le droit de rater.
Sur les conseils de son grand-père, Hadi travaille d’arrache-pied pour décrocher cette fameuse mention qu’il permettra d’obtenir cette bourse, un tremplin pour son avenir. Mais c’était sans compter sur une décision politique qui le bouleversera, le jour de l’obtention de son baccalauréat. « Ce jour-là le Président de la République avait décidé d’arrêter les bourses d’excellence, nous étions tous très déçus ». Hadi décide qu’il poursuivra alors sa scolarité en Algérie, « si j’étais parvenu à devenir un bon élève à l’école algérienne, je pouvais devenir un bon ingénieur dans ce pays, m’étais-je dit », raconte le jeune homme. Toutefois « mes rêves d’enfant de devenir « quelqu’un » se sont vite effondrés lorsque j’ai vu les conditions dans lesquelles devaient vivre et étudier les étudiants algériens », confie-t-il. Le manque de moyens dans l’enseignement supérieur le déçoit et lui laisse peu d’espoir quant à sa quête de l’excellence. Mais heureusement le Président est revenu sur sa décision de suspendre les bourses d’excellence, leur l’arrêt est repoussé.
« Nous avons toutefois été la dernière génération à profiter de ces bourses », se souvient-il.
Grâce à cette aide financière, il s’envole alors pour la France où il entame un parcours classique pour devenir ingénieur. D’abord une prépa scientifique à Lyon puis la fameuse « Ecole des mines de Paris », l’une des meilleurs du pays. Diplômé, le jeune algérien voit très vite des portes s’ouvrir à lui dans les plus grandes entreprises. Il débute sa carrière chez Air Liquide en France, où il est amené à gérer des groupes de chercheurs à l’international. Grâce à cette fonction, il a voyagé partout dans le monde « en Amérique du nord, Amérique du sud, en Europe, en Asie et enfin en Afrique ». Justement l’Afrique, ce continent il ne l’a jamais oublié, car c’est là qu’est son pays, ses origines et surtout ses valeurs et celles de son grand-père.
Il décide alors de revenir sur sa terre natale, même si cela « peut paraître fou, de quitter mon confort parisien, mon poste. Mais je croyais en mon pays, je croyais en mes valeurs alors j’ai décidé de revenir » raconte Hadi. Sa décision est appuyée par le fait qu’il y a de plus en plus de talents et de leaders algériens qui reviennent en Algérie. » Il est, alors, nommé responsable de la production chez Lafarge Algérie, au sein de l’usine de M’sila, « la plus grande du Maghreb. Une maison sur 4 en Algérie est construite grâce à notre ciment », reconnaît-il fièrement.
« Ici, j’ai des responsabilités, une équipe d’une cinquantaine de personnes que je dois gérer […] J’essaye de transmettre de la rigueur, mon expérience, mon savoir, mes connaissances, un certain nombre de valeurs, notamment l’excellence dans le travail », explique Hadi.
Son enthousiasme, il rêverait désormais le voir chez tous les Algériens. « Si tous les autres Algériens étaient comme les jeunes que je côtoie tous les jours à M’sila avec leur implication, leur envie de faire progresser leur entreprise, nous pourrions aller loin! », estime Hadi.
Ce dernier avoue qu’il « remercie mon pays pour la chance qu’il m’a donné. Grâce à cette bourse j’ai pu réaliser une partie de ma carrière. Je me rappelle que le jour où j’ai obtenu mon bac et que j’ai rencontré le Président Abdelaziz Bouteflika, il m’a dit droit dans les yeux qu’il ne fallait pas que j’oublie notre pays. Aujourd’hui je m’adresse au Président droit dans les yeux, et lui demande de ne pas oublier tous ces talents qui n’ont pas aujourd’hui l’occasion de partir et de se développer à l’étranger, parce qu’ils n’ont plus le droit à cette bourse. »
Certes, il est possible de mener de grandes études en Algérie. Ceci dit, Hadi Mahihenni estime qu’il est « plus difficile de se construire en Algérie », il ajoute que « le monde est devenu un village, le fait de parcourir le monde, de rouler sa bosse permet de revenir plus fort en Algérie. »
« Mon souhait le plus cher est le retour de cette bourse. Je trouve dommage que de nombreux talents s’éteignent en Algérie…»
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