Durant des décennies, les classes moyennes nationales ont été les grandes oubliées d’un dispositif fondé sur la « distribution » administrative de l’offre de logements disponible et un système de financement basé sur le recours massif aux ressources de l’Etat. Il s’est traduit par une offre dominée par les diverses variantes du logement social, locatif ou « participatif ». A peine lancée en 2001, le formule AADL, explicitement destinée à la classe moyenne algérienne, a provoqué un engouement considérable et enregistré, avant la suspension des inscriptions, plus de 300 000 demandes.
Le gouvernement Sellal semble s’être inspiré largement de ce constat à travers la relance du programme AADL, bloqué et finalement abandonné par le gouvernement Ouyahia, puis désormais renforcé et qui affiche déjà un programme de plus de 230 000 unités. Un programme qui suscite beaucoup d’espoirs et en même temps de nombreuses interrogations.
De l’avalanche de chiffres publiés au cours des derniers mois on retiendra tout d’abord une réévaluation accélérée du montant de ce programme qui est passé en quelques mois de 100 000 à 150 000 puis aux dernières nouvelles à 230 000 unités. Des objectifs qui apparaissent évidemment très ambitieux en comparaison des 55 000 logements de type AADL qui ont été livrés au total depuis le lancement de la formule voici plus de 10 ans. Les délais de livraison de ce programme ont également déjà donné lieu à quelques cafouillages officiels. Finalement les premières livraisons devraient, si on en croit la plus récente intervention sur ce sujet du ministre de l’habitat, intervenir fin 2015 ou début 2016.Ce qui ne veut évidemment pas dire que la totalité du programme annoncé sera réalisé à cette date…
Rassurer d’abord.
En dépit de ces informations « rassurantes », la comparaison entre le nombre de demandes cumulées des programmes AADL 1 et 2, qui avoisine les 900 000 ,et le programme annoncé donne une idée de l’importance des attentes des algériens dans ce domaine .Rassurer c’est d’ailleurs, pour l’heure, ce qui semble être devenu le credo des pouvoirs publics. La quasi-totalité des 700 000 demandes déposées en quelques semaines ont reçu un « avis favorable »et les candidats concernés ont été invités à constituer leurs dossiers. Les demandeurs du programme AADL1 qui attendent depuis plus de 10 ans ? « On va essayer de les faire passer en priorité », annonçait, après quelques hésitations, le DG de l’AADL voici quelques jours.
Les « classes moyennes supérieures » aussi
Un autre volet de la nouvelle doctrine des autorités algériennes en direction des classes moyennes est plus récent. Il a déjà conduit à la naissance en juin 2009 de l’ENPI, une structure publique chargée d’absorber les 17 anciens EPLF et de promouvoir le logement de type promotionnel « destiné aux catégories de personnes qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité pour le logement social ou autres formes d’aide ». Une démarche suivie par l’annonce de la création de la nouvelle catégorie des logements promotionnels publics (LPP) dont les bénéficiaires seront les ménages dont le revenu mensuel est compris entre 6 et 12 fois le SMIC. Une clientèle potentielle appartenant à la « classe moyenne supérieure », dont les effectifs se sont renforcés à la faveur des récentes augmentations de salaires de beaucoup de professions (médecins , enseignants du supérieur, cadres de l’administration et des entreprises des secteurs publics et privés) que le gouvernement tente d’intégrer dans une nouvelle stratégie sociale en cours d’élaboration et dont de nombreux aspects ne sont pas encore clarifiés. Selon les dernières informations disponibles, la formule LPP pour laquelle les inscriptions restent ouvertes et sont toujours en cours, a déjà, en dépit de son caractère « élitiste », enregistré plus de 40 000 demandes dont 33 000 ont été acceptées. Pour cette clientèle réputée aisée aussi le gouvernement se montre rassurant et conciliant. Le montant de la première tranche du versement exigé vient d’être réduit de moitié.
Vers une augmentation sensible de l’offre ?
Au regard de l’importance des besoins formulés il est clair que l’un des enjeux essentiels de la politique du logement au cours des prochaines années concernera donc la quantité de logements mise sur le « marché ». Dans ce domaine, on n’a pas produit au cours des 2 derniers plans de développement les millions de logements annoncés. Un bilan décevant qui a fait dire ouvertement au nouveau ministre de l’habitat que les capacités nationales annuelles de production de logements (comprendre en milieu urbain) ne dépassent pas 100 000 unités.
C’est ce qui explique l’option la plus vigoureuse adoptée jusqu’ici par le gouvernement Sellal . Le recours massif au partenariat international aurait pu, en d’autres temps, soulever un tollé. Le gouvernement le justifie par la nécessité de sauver le bilan du quinquennat en livrant au total, logement rural compris, un peu plus d’1 million de logements à fin 2014 tout en lançant la totalité des programmes en attente. Les contacts se sont multipliés depuis la fin de l’été 2012. Ils ont abouti en un temps record à la signature de protocoles d’accords et à la création de très nombreuses sociétés mixtes avec des partenaires italiens, espagnols et portugais notamment. Le principal effet attendu de ce changement de cap est une augmentation sensible de l’offre ainsi qu’une modernisation accélérée de l’outil de réalisation national avec à la clé une réduction des délais ainsi que l’amélioration de la qualité des logements. On jugera sur pièce les effets de cette nouvelle politique qui semble aux dernières nouvelles déjà se heurter à de nombreux obstacles et ne pas susciter l’enthousiasme attendu des partenaires étrangers.
Un nouvel enjeu, la gestion immobilière.
Qui a entendu parler de Gest – Immo ? C’est le nom de la filiale spécialisée de l’AADL dans le domaine de l’entretien du parc immobilier relevant de l’Agence. Le programme AADL, désormais renforcé, affiche déjà un programme de plusieurs centaines d’unités. Le LPP, logement promotionnel, se positionne sur le créneau du « logement de standing ». Les 2 formules se distinguent du « logement social participatif » et de ses limites bien connues par la qualité présumée de la construction et des charges « élevées » destinées à assurer l’entretien et la maintenance du parc. L’une des principales innovations des logements destinés à la classe moyenne nationale est en effet l’insistance sur l’entretien des nouveaux immeubles qui est censée répondre à une attente formulée par une population plus exigeante sur le chapitre de l’hygiène et du confort .Pour l’instant les résultats obtenus par la filiale spécialisée de l’AADL ,en dépit de ses 1500 employés, ne semblent pas à la mesure des attentes et de la contribution des copropriétaires. La croissance accélérée du parc de logements au cours des prochaines années va faire émerger un nouvel enjeu, pour l’instant largement négligé par les pouvoirs publics, celui de la gestion immobilière.