Ce lundi 30 novembre, les députés algériens devront adopter le projet de Loi de finances 2016 qui suscite de vives polémiques. Les dispositions de cette loi divisent les partis politiques et nourrissent un véritable malaise, y compris au sein des partisans du régime.
Pourquoi ce projet de loi de finances concentre-t-il tant de critiques ? Ce texte répond-t-il vraiment aux préoccupations de l’heure ? En réalité, ce projet comporte de nombreux articles accusant un énorme déficit en clarté. Pis, certains articles doivent être vraiment revus en urgence car ils peuvent générer des situations qui risquent de porter grandement préjudice à l’économie du pays.
C’est, sans doute, l’article 2 de cette Loi de finances 2016 qui inquiète les experts. Officiellement, cet article permet l’annulation de la disposition imposée par la loi de finances complémentaire 2009 aux investisseurs pour réinvestir la part des exonérations fiscales dont ils bénéficient dans l’objectif d’encourager les investissements et la création des richesses. L’intention est noble. Mais en réalité, il est opaque et dangereux. Pourquoi ? « Cet article traite des avantages fiscaux accordés par l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI). Sur une période de cinq ans, les investisseurs étrangers jouissent de ses avantages et ne paient pas plusieurs impôts à condition qu’ils développement leurs projets. Après cette période d’exonération, ils étaient obligés de réinvestir ses avantages fiscaux pour renforcer leur présence en Algérie, comme par exemple, en finançant la construction d’un nouveau siège. Par contre, la nouvelle loi de finances leur permet tout simplement de ne plus réinvestir les avantages fiscaux ! Ce qui va encourager les investisseurs étrangers à les transférer à l’étranger et l’Algérie sera la perdante« , regrette Mohamed Kessal, expert financier et consultant à l’étranger auprès de plusieurs institutions internationales. Pour notre interlocuteur, cet article de loi doit être rapidement rectifié pour éviter des dérapages dangereux liés à la fuite des capitaux.
L’article 76 est aussi l’autre pomme de discorde qui fait peur aux économistes. Cette disposition permet aux entreprises algériennes de céder leurs actifs via la Bourse d’Alger. Mais le droit de préemption n’est pas imposé à ces cessions et n’importe quel investisseur étranger peut s’approprier la totalité des actions, s’il passe par la Bourse. Là aussi, l’intention est noble. Mais le mécanisme de fonctionnement accuse des déficiences. « La cession des actifs via la Bourse doit être soumise à un seuil ne dépassant pas les 49 % », analyse Mohamed Kessal, selon lequel il est vital pour la transparence et la bonne gouvernance d’établir des seuils pour chaque actionnaire lors de la cession d’une entreprise algérienne. Cette mesure permettra surtout d’éviter des situations de monopole qui peuvent nuire gravement à la concurrence et à l’économie algérienne en général.
Enfin, l’article 71 pourrait menacer sérieusement les équilibres du gouvernement algérien. Et pour cause ! Cet article de loi donne au gouvernement la “latitude de décider, par décret motivé sur rapport du ministre des Finances, de l’annulation ou du gel de projets lorsque les équilibres budgétaires sont compromis”. En plus, le ministre des Finances dispose de toute la latitude de transférer des budgets non-consommés vers d’autres secteurs qu’il juge, lui-seul, comme vitaux ou approprié. Le ministre des Finances disposerait ainsi d’un grand pouvoir et n’aura nullement besoin de son propre patron, le Premier ministre ou même le Président de la République. Cette situation est jugée très dangereuse car elle risque de causer des dérapages incontrôlés. « Trop de pouvoir nuit au pouvoir. Un ministre des Finances ne peut pas être le seul à décider des gestions de ces budgets. Gérer un pays n’a rien à voir avec gérer une banque ou une associations d’établissements financiers », avertit, en dernier lieu, Mohamed Kessal.