On a testé : (sur)vivre avec le smic algérien

Redaction

En Algérie, le salaire minimum légal s’élève à 18.000 da. Mais est-il seulement possible de vivre avec un aussi maigre budget ? Nous avons testé la vie avec un SMIC.

J’ai 25 ans. Je viens de décrocher mon premier emploi. 18.000 dinars. Le salaire n’était pas négociable. « C’est ça ou le chômage », m’a subtilement fait comprendre l’employeur. Alors j’ai accepté. C’est le minimum légal, mais est-ce seulement le minimum pour vivre ?

Quitter le cocon familial ou rester chez papa et maman ? C’est la première question que je dois trancher pour démarrer ma vie d’adulte. J’avais pensé, en acceptant cette offre, déménager au cœur de la capitale, à proximité de mon bureau. Après une petite tournée des agents immobiliers, j’ai très vite déchanté. Partout le même son de cloche : « vous ne trouverez rien en dessous de 25.000 dinars. Et encore ce sera un studio d’à peine 20 mètres carré délabré ». A cela s’ajoute les factures trimestrielles d’eau et d’électricité. Environ 350 dinars pour l’électricité et 1000 dinars pour l’eau, me suis-je renseignée. Dans ces conditions, il faudrait s’entasser à quatre ou cinq dans un étroit appartement pour rentrer dans mon petit budget. J’abandonne et finalement j’habite encore chez mes parents. Le choix de la facilité, dira-t-on. Un choix par défaut, plutôt.

J’ai la chance que mes parents résident à deux pas d’une station de métro. Alors, je paye 1.800 dinars un abonnement mensuel au métro d’Alger quand la plupart de mes collègues déboursent chaque semaine plus de 1.300 dinars d’essence. Et ce rien que pour les trajets professionnels. Et plutôt qu’une course en taxi, à 500 dinars voire plus, j’use mes semelles en marchant ou je prends le bus.

Des économies j’en fais jusque dans mon assiette. Quand on vit avec 18.000 dinars, même chez ses parents, on évite les étales de poissons frais, beaucoup plus chers que n’importe quel kilo de viande. Crevettes, crabes, merlans se payent à prix d’or entre 400 et 800 dinars le kilo, je me rabats donc sur un filet d’agneau à 150 dinars le kilo. Même tarif pour du gigot et des cotelettes. Celles qui font le moins mal à mon porte-feuilles sont sans conteste les merguez, vendues en ce moment à 80 dinars le kilo. En déambulant dans le marché aux fruits et légumes, je remarque très vite que certains produits sont hors de prix. Alors je fais le deuil de raisins, vendus en ce moment à 175 dinars le kilo, et je renonce aussi aux belles golden, une espèce de pommes importées  d’Espagne, vendues à 200 dinars le kilo.

Avec un tel budget mensuel, certains quartiers de la capitale me sont interdits. Qu’irai-je sérieusement faire à Hydra, Zeralda ou Sidi Yahia ? Là où le prix d’un cocktail avoisine les 500 dinars. Un cocktail que je payerais facilement moins de 100 dinars sur Hassiba.

Oui la vie d’un smicard algérien est faite d’économies. Une vie passée à scruter les étiquettes et les prix des menus dans les restaurants. Une vie réduite à la négociation avec les commerçants pour obtenir un maigre rabais. Et quand je suis fatigué de compter le moindre sou, las de ma misérable survie, je me réfugie dans un musée de la ville. Un petit plaisir qui ne coûte rien. Si l’entrée de la majorité des musées d’Alger est encore gratuite, cela ne va durer. Elle passera bientôt à 200 dinars dans chaque lieu d’exposition. Une fortune pour le pauvre smicard que je suis.