Pays émergent / Ce que l’Algérie peut apprendre de l’Inde

Redaction

Le pays d’honneur de la 48è foire internationale d’Alger n’est autre que l’économie la plus dynamique du monde. L’Inde a détrôné son voisin chinois cette année, grâce à une économie diversifiée, qui fait de nombreux envieux en Algérie, engluée dans une crise latente, suite à la chute vertigineuse des prix du pétrole.

Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’Inde. Dans la nuit du 23 au 24 septembre dernier, la sonde Mars Orbiter Mission (MOM), conçue en un temps record, était mise en orbite autour de la planète rouge. Ce soir-là, l’Inde devenait le premier pays d’Asie à placer une sonde dans le champ gravitationnel de Mars. Une prouesse réalisée jusqu’alors par la Russie, les Etats-Unis et l’Europe seulement. Double exploit pour le géant asiatique puisqu’il y est parvenu à coût réduit, ayant même recours au recyclage technologique.

À des années lumières, l’Algérie. Une centaine de cadres indiens a débarqué en début de semaine pour participer à la 48è foire internationale d’Alger (FIA 2015), qui prend ses quartiers à la Safex jusqu’à lundi. Invités d’honneur de l’événement, ces hommes d’affaires effectuent, pour la plupart, leur premier voyage dans le pays nord-africain et ne cachent pas ne pas savoir exactement où ils mettent les pieds.

L’ambassadeur indien à Alger le reconnaît lui-même, les deux pays se connaissent peu. La faiblesse des liens économiques en témoignent : l’Inde est seulement le 17è client de l’Algérie, avec un volume de 625 millions de dollars, et son 12è fournisseur, avec 1,2 milliard de dollars en 20114. Le potentiel des échanges entre l’Algérie et l’Inde n’est « pas très important », a ainsi confessé Kuldeep Singh Bahrdwaj, lors d’une conférence de presse animée conjointement avec le ministre du Commerce, Amara Benyounes, le 21 mai dernier.

L’Algérie, un pays fermé 

Dans le hall Saoura du palais des expositions, où plus de 80 firmes indiennes présentent leurs produits et services, certains entrepreneurs indiens évoquent la « barrière de langue », d’autres le « faible intérêt » de leur pays pour un « territoire aussi fermé que l’Algérie ». « Elle manque cruellement de s’ouvrir, de se libéraliser », estime Nausha Hahi, directeur général de Rayban Foods, convaincu que l’essor de l’Algérie passera par « une ouverture de marché » et « plus de flexibilité ».

À l’instar de la mue indienne du début des années 1990. Après quatre décennies de dirigisme, l’Etat indien s’initie au libéralisme économique, en adoptant une série de réformes structurelles. Le secteur industriel est dérégulé, les taxes douanières abaissées et certains réflexes protectionnistes oubliés.

Longtemps pays agraire, l’Inde tire désormais plus de la moitié de son Produit national brut (PNB) du secteur tertiaire, porté par des pôles d’excellence bien connus : la biotechnologie, l’informatique, l’industrie spatiale et pharmaceutique. Premier producteur de génériques au monde, l’Inde s’est imposé comme la pharmacie des pays pauvres, notamment en Afrique.

À côté, la production pharmaceutique algérienne, à l’état embryonnaire, fait pâle figure. Si les volumes d’importations de médicaments ont baissé, la facture, elle, continue d’augmenter. D’après les Douanes, les autorités algériennes ont importé en 2014 pour près de 2,6 milliards de dollars, soit une hausse de 10,44% par rapport à l’année passée.

Les fleurons de l’industrie algérienne, présents à la FIA 2015, partagent le même avis que leurs homologues indiens. Il y a urgence à abandonner le modèle rentier et libéraliser l’économie du pays d’autant plus qu’il y a péril en la demeure. Sur les marchés boursiers, les cours du baril de pétrole connaissent une légère embellie depuis le mois de mai, repassant au-dessus de la barre des 60 dollars. Mais, les économistes s’accordent sur un point : il faut oublier l’idée d’un pétrole à 100 dollars. Or, l’Algérie, dont les hydrocarbures représentent 98% des exportations totales, a besoin d’un baril de pétrole à 120 dollars pour ne pas être dans le rouge.

« L’ouverture à la concurrence permettra une production de meilleure qualité à des coûts abordables », considère Imène Sayah, responsable de communication de Iris Sat, qui regrette la quasi-absence de compétitivité dans le marché algérien : « Les producteurs algériens ne cherchent pas vraiment à améliorer la qualité de leurs produits car il n’existe pas vraiment de concurrence nationale ».

Autre problème soulevé par les industriels algériens exposant à la FIA 2015 : la crise de confiance des consommateurs algériens dans le savoir-faire national. « L’Algérien est complexé. Il ne devrait pas car le produit algérien est conçu en priorité pour lui d’un point de vue fonctionnel et climatique », observe un responsable commercial, qui a requis l’anonymat. « Il faut encore convaincre les consommateurs algériens que les produits fabriquer localement n’ont rien à envier aux produits importés de l’étrangers. Des événements comme la foire internationale d’Alger, nous aide à nous rapprocher de nos clients, qui ont alors l’occasion de tester nos offres et de les comparer avec la concurrence internationale. Ils se rendent compte alors d’eux-même que nos produits sont à la hauteur », explique Imène Sayah.

À la foire internationale, les exposants voient donc d’un bon œil la création prochaine d’un label « Origine Algérie Garantie », dans le prolongement de la campagne de sensibilisation « Consommons algérien ». « Il y a enfin une prise de conscience des décideurs mais pas encore chez les consommateurs », estime un responsable commercial.

La corruption, un système à démanteler 

Cependant, pour s’inspirer du modèle indien, l’Algérie devra faire plus que d’appliquer des réformes libérales. « On ne progressera pas tant qu’on ne démantèlera pas le système de corruption qui règne sur toute l’économie algérienne. Il faut en finir avec les mauvaises habitudes, les pots-de-vin, les fonctionnaires à soudoyer », interpelle Nour-Eddine Chehilita, directeur régional de Climat’Eco. Après 38 ans passés en France, l’entrepreneur vert est inquiet de voir que la « résistance au changement » est toujours aussi forte sur sa terre natale. « Ceux qui profitent de ce système, et ils sont nombreux, sont frileux. Il sera difficile de les déloger ». Ils sont beaucoup à le penser au palais des expositions d’Alger. L’économie algérienne ne décollera pas tant que le pays ne sera pas doté d’une bonne gouvernance. Vaste chantier…

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