Quinze ( 15) recommandations pour l’Afrique face à la crise mondiale

Redaction

Par Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International

I . La crise mondiale et l’Afrique

Le G20 s’est réuni à Londres le 02 avril 2009 pour examiner les solutions face à la crise mondiale , la situation dramatique du continent Afrique à peine abordée alors que sa population est estimée à 922 millions en 2005, à 944 000.000 habitants ( 2007) a doublé depuis 1980, pratiquement quintuplé depuis 1950 et s’oriente vers un milliard et demi ( 1,5) horizon 2020. En été 2007, au lendemain de l’éclatement de la crise, plusieurs responsables africains affirmaient, « nous n’avons rien à craindre. Grâce au sous-développement nous sommes immunisés ».Mais à terme, la crise ne menace t-elle pas d’attiser surtout les conflits sur le continent, d’autant plus que la croissance mondiale qui, pour la première fois depuis 60 ans, sera négative ?Même si la crise a été lente à atteindre les rivages de l’Afrique, nous savons tous qu’elle arrive et que son impact sera sévère a averti le FMI dans son dernier rapport de mars 2009, prévoyant une chute drastique des échanges commerciaux et de services avec les pays africains, une baisse des transferts de capitaux par la diaspora, l’amenuisement des investissements étrangers et de l’aide avec une récession, la croissance économique du continent ne devant pas dépasser les 3% en 2009, loin des 5,4% de croissance enregistrés en 2008. Aussi, après une croissance appréciable les années passées, la crise risque de freiner cet élan, d’autant plus que les services et les infrastructures sont dégradées ; la fonction publique mal payée et donc gangrenée par la corruption avec l’inégalité entre les régions, l’insécurité dans les villes. es conséquences à plus long terme sont attendues car la situation de l’Afrique est des plus inquiétantes, car même si elle ne subit pas une conséquence directe de la crise financière, , l’impact se fait ressentir par d’autres biais. Les conséquences de cette crise, peuvent varier selon le niveau de développement des pays. L’effet de contagion peut donc atteindre des Etats dont les systèmes financiers sont plus intégrés au système international Pour les autres, c’est une période d’incertitudes, avec paradoxalement, de nouveaux risques comme l’augmentation des interventions de l’armée dans la vie politique, des crises sociales et des grèves liées aux inégalités, l’injustice et à la corruption, la dévalorisation du savoir qui explique l’exode de cerveaux. Car, l’Afrique perd chaque année 20.000 professionnels..
Aussi je recense trois impacts essentiels. Premier impact, la crise devrait se manifester au niveau de l’aide et l’investissement au développement qui pourrait en souffrir. Après avoir promis d’accroître fortement le montant de l’aide au développement, les pays riches ont réduit leur soutien financier à l’Afrique et n’ont rien fait pour améliorer les termes des échanges commerciaux avec ce continent, selon une étude d’ African Monitor, une organisation indépendante créée en 2005 pour surveiller l’application des promesses faites par le G8. Deuxième impact à terme sur le système et flux financiers et l’équilibre macro-économique. Parmi les effets indirects de la crise, on peut citer : la contagion de notoriété, la mauvaise réputation des autres marchés, la psychose et le besoin de liquidité de certains acteurs économiques non résidents peuvent les amener à vendre leurs titres investis. Les pays pionniers et les pays émergents d’Afrique sont particulièrement touchés du fait de leurs liens financiers plus étroits avec le reste du monde, notamment par le biais des marchés d’obligations et d’actions, selon le FMI. Un autre élément le tarissement des flux financiers opérés par les émigrés africains par l’intermédiaire d’institutions financières très présentes et actives en Afrique. Largement financé par ces fonds, fruit du labeur de nombreux émigrés le bâtiment en Afrique connaît une crise parallèle à celle du niveau de vie des diasporas. D’une manière générale, du fait que des fonds occidentaux en quête de diversification de leurs investissements ont injecté beaucoup d’argent sur des marchés africains, le risque est de voir des banques africaines touchées par la crise. Troisième impact sur le cours des matières premières exportées, la crise financière devant modifier la position de l’Afrique sur le marché mondial c’est-à-dire à l’achat et à la vente de certains produit, donc la demande en matières premières, essentiellement en provenance d’Afrique. Les marchés de matières premières sont essentiellement des marchés à terme. Ils organisent le marché des produits dérivés, constituant un contrat dont la valeur dérive de la valeur anticipée d’un actif ou d’un taux d’intérêt. Ils représentent une promesse de vendre ou d’acheter à terme une action, une obligation, une marchandise ou une devise. Avec la crise financière, on pourrait assister à un revirement des investisseurs des marchés occidentaux vers les marchés des matières premières. Les importations des pays d’Asie et les exportations des pays occidentaux vers cette partie du monde connaîtront une baisse qui se traduirait inéluctablement par une réduction de la demande mondiale des matières premières.

II- Face à la crise – les quinze ( 15) actions pour l’Afrique

1.- Créer un comité de crise au plus niveau de chaque l’Etat africain avec une structure de coordination régionale , composé d’experts indépendants africains , loin de toute injonction politique, pour l’évolution de la crise mondiale afin d’être prêt à agir promptement si nécessaire. La crise actuelle peut une occasion d’encourager un consensus national en faveur de réformes dont le continent a cruellement besoin ( conférence nationale à laquelle seraient conviés tous les partis politiques y compris l’opposition , syndicats,le patronat ,des organisations économico- sociales,les chercheurs universitaires). L’injustice au niveau mondial est due à une répartition inéquitable des richesses mais aussi à la gouvernance, des plus discutable, qu’exercent les élites politiques des pays du tiers-monde et particulièrement africaines.

2- Etablir des conditions favorables au développement en assurant la paix et la sécurité, la démocratie, l’Etat de droit, par une lutte efficace contre la corruption (bonne gouvernance), la promotion des droits de l’homme, de la condition féminine, la protection de l’enfance, en fait la bonne gouvernance politique, économique et d’entreprise, avec un accent sur la gestion financière publique, la coopération et l’intégration sous-régionales.

3- Favoriser l’intégration économique de l’Afrique en évitant cette vision ultra nationaliste égoïste largement dépassée au moment de la consolidation des grands ensembles, parler d’une même voix pour lutter par exemple contre le danger du protectionnisme et relancer de cycle de Doha afin d’empêcher une contraction globale des échanges et des flux commerciaux qui lui serait préjudiciable. Aussi, pour que les actions de l’Afrique deviennent plus efficaces en termes de politique de développement, assurer que les besoins du continent sont pris en considération, dans les négociations de l’OMC .

4-Lier la dynamique économique et la dynamique sociale par une politique par une lutte efficace concrètement ( loin des textes juridiques et des discours démobilisateurs) contre une concentration excessive du revenu national au profit de rentiers destructeurs de richesse, dont la bureaucratie qui est parfois le pouvoir numéro en Afrique

5- Lié au pont précédent, tout en respectant la rigueur budgétaire afin d’éviter un taux inflation à deux chiffres qui pénaliserait les plus pauvres, il faut que les subventions et filets de protection sociale visent en priorité les catégories de population vulnérables qui en ont le plus besoin et en encourageant les activités productives et de soutien et revaloriser le savoir, contribuer ainsi à créer et partager de la richesse et en conséquence réduire la pauvreté de manière pérenne avec des occupations et des emplois décents.

6- Tout en évitant les options à caractère populiste qui ne feraient que rendre leurs populations encore plus vulnérables à longue échéance , s’organiser au niveau supranational et continental pour signer un pacte de soutien au pouvoir d’achat afin d’opter et d’organiser collectivement les processus permettant d’aboutir à une croissance économique partagée au sein de grands ensembles avec un rôle accru à l’ ’Etat régulateur stratégique en économie de marché qui doit assurer la cohésion sociale .qui ne saurai se confondre avec l’étatisme

7-Continuer les réformes institutionnelles et micro économiques, tout en tenant compte de l’anthropologie culturelle de l’Afrique (concilier modernité et son authenticité) qui a permis à l’Afrique de renouer avec la croissance, car la stabilisation macro-économique est éphémère sans des réformes en profondeur institutionnelles et micro-économiques, difficiles car déplaçant des segments de pouvoir.

8- De ce fait continuer une politique monétaire active corrélativement avec une politique budgétaire ciblée en misant sur l’efficacité de la dépense publique renvoyant d’ailleurs à la réforme de l’Etat des pays africains. La politique budgétaire doit être adaptée au contexte particulier de chaque pays.

9-Une politique active du taux de change de la monnaie, en cohérence avec le rééquilibrage du niveau de la croissance( politique par palier progressif ) afin d’éviter une spirale dévaluation- inflation, tout en pensant à une banque centrale africaine et une monnaie unique .

10- Mobiliser les ressources en renforçant l’épargne et les investissements nationaux par l’intégration, loin de mesures autoritaires, de la sphère informelle dominante en Afrique.

11- Accorder une priorité au développement humain, particulièrement la santé, l’éducation, les sciences et technologies et le développement des compétences en favorisant la création, de deux ou trois grandes universités africaines reliées aux réseaux mondiaux impulsant des pôles d’excellence pour les managers de demain ;

12-Renforcer l’amélioration des infrastructures, y compris l’eau, le gaz, l’électricité, la technologie d’information et de communication (TIC).

13-Promouvoir diversification de la production et des exportations, y compris la promotion de l’agro-industrie, des usines, des mines, des profils minéraux et du tourisme.

14- Renforcer les investissement notamment l’agriculture qui est la priorité des priorités en raison de la famine croissante pour les cultures vivrières souvent délaissées en revoyant le foncier ( système de propriété) et en fixant un prix rémunérateur aux paysans . Car la production agricole est triplement handicapée: – par l’irrégularité des précipitations, problème (le pourcentage de terres arables irriguées n’est que de 7% pour le continent, 3,7% pour l’Afrique subsaharienne; comparativement, il est de 10,29% en Amérique du Sud et de 41% pour l’Asie de l’Est, du Sud-Est et du Sud); par la faiblesse des sols en éléments nutritifs: 16% des sols qui ont de faibles réserves en éléments nutritifs; à titre comparatif, 4% seulement des sols asiatiques sont touchés par ce problème, par la faible productivité des engrais qui serait inférieure à celle de l’Asie de 36% et à celle des pays développés de 92%.

15-Repenser tout le système économique mondial

Face à la crise mondiale, les nouvelles politiques des dépenses publiques dites néo-keynésiennes avec un rôle central à l’Etat régulateur s’avèreront-elles efficaces, le prix Nobel d’économie de 2001 Joseph Stiglitz estimant que ces actions ne sont qu’une solution à court terme le comparant à «une transfusion sanguine massive à une personne souffrant d’une grave hémorragie interne». L’objectif stratégique est de repenser l’actuel système économique mondial en intégrant le défi écologique, ce système actuel favorisant la bipolarisation Nord/Sud, la pauvreté préjudiciable à l’avenir de l’humanité, accéléré d’ailleurs par les gouvernances les plus discutables de la part de la plupart des dirigeants du Sud, sur les 7 milliards d’âmes les 2/3 étant concentrées au sein de la zone Sud avec moins de 30% des richesses mondiales. Or, il s’agit de repenser tout le système financier mondial issu de Breeton Woods en 1945 en moralisant le capitalisme (la véritable économie de marché repose sur l’entreprise créatrice de richesses et son soubassement le savoir et non sur la spéculation financière et ce dans un environnement concurrentiel , loin de tout monopole) et ce en donnant un rôle accru au FMI comme garant de la régulation mondiale et éviter cette suprématie du dollar, qui ne devra plus se limiter seulement aux équilibres macro-économiques (déséquilibre des balances des paiements), tout en élargissant la représentation aux pays émergents au sein des institutions internationales. Car ce début du 21ème siècle, des disparités de niveau de vie criantes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré. L’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. Sur plus de six milliards d’habitants que compte la planète, un cinquième – dont 44% en Asie du Sud – a moins d’un (01) dollar par jour de revenu. Si dans les pays du Nord, 5% de la population souffrent de malnutrition, ce taux monte à 50% dans les pays du tiers-monde. Le revenu moyen des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres qui appartiennent à l’Afrique sub- saharienne, à l’Asie du Sud et à l’Amérique Latine. Quand on sait que, dans les 25 prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards d’individus – dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement – on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l’humanité si rien de décisif n’est entrepris. Comme le note avec pertinence Jeffrey D. Sachs professeur d’économie et directeur de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia, à New York , «  la politique que doivent impérativement mener les pays riches aussi bien que les pays en développement pour surmonter la crise consiste à mettre en place les infrastructures adaptées au XXIe siècle : un réseau électrique efficace alimenté par les énergies renouvelables ; des réseaux en fibre optique et sans fil pour la téléphonie et l’Internet à haut débit ; des réseaux de distribution d’eau, d’irrigation, et d’assainissement qui permettent une utilisation efficiente de l’eau douce et son recyclage ; des systèmes de transport public urbains et interurbains ; des autoroutes plus sûres, etc.

Une telle approche mène également vers une débâcle mondiale, voire à des conflits futurs. Dans la quasi-totalité des propositions des pays riches au sujet des objectifs, des limites, des engagements et des permis d’émission de gaz à effet de serre, l’idée d’une assistance aux pays pauvres pour financer la transition vers les technologies durables n’est pas même évoquée alors qu’ils constituent un défi en vue de remettre sur pied l’économie mondiale en crise ».

En conclusion, l’Afrique reste un continent prometteur comme l’attestent les différentes rencontres USA/Afrique, Europe/Afrique, Chine/Afrique, Japon/Afrique Inde/Afrique Turquie/Afrique qui .s’insèrent dans le cadre d’une lutte pour la reconfiguration géostratégique du monde. Les sujets tels que l’intensification de la lutte contre la pauvreté et le sous-développement des pays africains ainsi que la constante marginalisation de l’Afrique nécessitent une nouvelle intervention radicale, qui auraient une nouvelle vision garantissant la régénération de l’Afrique, en intégrant le défi du XXIème siècle qui est celui de la protection de l’environnement et la revalorisation du savoir. Les circonstances sont en effet propices au lancement d’une initiative mondiale en faveur du développement durable dans l’activité économique. Faute de relever ce défi, la crise mondiale constituera une menace pour le monde au cours des années à venir. Tout cela renvoie à des enjeux géostratégiques de première importance, montrant l’importance du continent dont le développement doit être pris en compte lors de la prochaine réunion du G20 en septembre 2009 à New York..

Abderrahmane MEBTOUL pour algerie-focus.com

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