Visite du ministre français du redressement industriel, Arnaud Montebourg au mois d’octobre, suivie de celle de Jean Pierre Raffarin, le «Monsieur Algérie» désigné par le gouvernement français au mois de novembre, échange, ces jours ci, de délégations entre Renault et la SNVI.
Le scénario à suspense du feuilleton Renault qui fait la «une» de l’actualité économique depuis près de 18 mois ressemble de plus en plus, ces dernières semaines, à un forcing de dernière minute destiné à préparer l’annonce d’un accord à l’occasion de la visite du Président français prévue pour le 19 décembre prochain. Une impression renforcée par l’annonce d’une réunion du Conseil national de l’investissement (CNI) qui a planché jeudi dernier sur les avantages fiscaux dont pourra bénéficier le projet du constructeur automobile.
Depuis le printemps dernier le ciel semble s’être éclairci au dessus des négociations pour l’installation d’une usine Renault en Algérie. Un « accord- cadre » a été signé le 25 mai dernier et l’arrivée du constructeur automobile français est quasiment donnée pour sûre…moyennant le règlement de quelques problèmes considérés comme mineurs. Les nombreux retournements de situation qui ont déjà marqué ce dossier ainsi que les vicissitudes propre à notre histoire économique récente sont pourtant de nature à nous inciter à une certaine prudence…
Une question de «culture industrielle»
A priori toutes les conditions paraissent réunies pour l’arrivée de Renault et la conclusion d’un partenariat « gagnant- gagnant » avec les autorités algériennes. La plus importante est un marché national d’une taille respectable et qui représente désormais plus d’un demi-million de véhicules par an. Sur ce marché, le constructeur automobile français est déjà numéro un. Ses ventes ont même augmenté de façon très spectaculaire et devrait atteindre le niveau sans précédent de 120 000 véhicules en 2012. Cette part de marché déjà très respectable, Renault pourrait la consolider et même l’augmenter sensiblement en raison de l’engagement des autorités algériennes de rétablir le crédit automobile en faveur de la production nationale. Il s’agira pour les débouchés de la future usine d’un avantage comparatif déterminant sur le marché algérien.
Pas d’obstacles non plus du coté de la règle du 51/49 qui a été acceptée par le constructeur français et qui devrait logiquement permettre au partenaire algérien, la SNVI , dont on parle curieusement assez peu dans cette affaire, d’apporter une connaissance des arcanes de l’administration algérienne et un réseau de sous traitants et au Fonds National d’Investissement de contribuer au financement.
Toutes les conditions réunies ? Pas forcément. Restent d’abord quelques « détails » à régler. Au premier rang d’entre eux la capacité de production de l’usine et le nombre de modèles produits. Pour l’instant les chiffres communiqués par les deux parties ne sont pas du tout les mêmes. On s’en sortira sans doute par quelques effets d’annonce.
Culture économique et investisseur de référence.
La citation est attribuée à Réda Hamiani : « On n’a ramené que des aventuriers ».Le patron des patrons algériens fait le bilan en raccourci de la politique d’ouverture à l’investissement étranger mise en œuvre depuis une décennie. Il pointe du doigt de façon un peu caricaturale la « culture économique » qui a conduit, au cours de la décennie écoulée, les dirigeants algériens à choisir des partenaires en dehors du cercle des entreprises reconnues dans leur secteur. Orascom dans la téléphonie. Orascom encore dans la pétrochimie. Qatar Steel dans la sidérurgie…
Un cadre de l’Andi commente : «c’est une option qui a fragilisé notre démarche de partenariat. Elle sous-estime l’effet de démonstration et d’entrainement que représente l’arrivée dans le pays des investisseurs de référence qu’elle semble s’ingénier à vouloir éviter». Notre interlocuteur poursuit : «Notre politique d’ouverture à l’investissement étranger est, en particulier depuis 2008, à la recherche d’une nouvelle crédibilité. Un accord avec Renault, qui plus est dans le domaine industriel, pourrait de ce point de vue constituer une avancée importante». Une analyse partagée aujourd’hui par beaucoup d’opérateurs économiques et de spécialistes mais qui reste à contre courant des « pratiques» privilégiées jusqu’ici par le personnel dirigeant.
Quand la politique conditionne l’économie
Culture économique, culture politique…Le dossier technique de l’accord avec Renault aura beau avoir été bouclé, il lui faudra encore obtenir un «visa» politique. La presse étrangère, française particulièrement, s’étonne régulièrement de l’imbrication des décisions politiques et économiques qui caractériserait et «parasiterait» le climat des affaires dans notre pays.
Dernier épisode en date de ce mélange des genres , l’affaire Mohamed Ziane Hasseni, diplomate algérien arrêté à Marseille en Août 2008 et soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat de l’opposant Ali Mecili à Paris, en 1987.Une affaire qui aurait plombé» les relations entre Paris et Alger pendant près de 2 ans . Le non- lieu prononcé en 2010 en faveur du diplomate algérien aurait débloqué une série de dossiers au nombre desquels figurent notamment l’installation d’une usine pharmaceutique par Sanofi et l’accord entre Alstom et l’Etat algérien sur une usine d’assemblage et de maintenance de tramways. Un peu plus tard, Saint-Gobain était autorisé à mener à bien la reprise à 100% de deux verreries et le groupe Axa s’installait en Algérie. En affirmant de concert, voici quelques jours, que les annonces d’éventuels accords industriels seraient réservées aux chefs d’Etat, Chérif Rahmani et Jean Pierre Raffarin ont confirmé une nouvelle fois cette «spécificité» tenace de la coopération économique entre l’Algérie et la France.
Hassan Haddouche