Peut-il y avoir de paix sociale, de stabilité politique et de croissance économique sans sécurité alimentaire? La réponse est évidemment négative. Cela est d’autant plus valable pour les pays de la Méditerranée Sud et Est (MSE) qui traversent une conjoncture tant politique, économique que sociale des plus critiques de leur histoire. A l’effet d’étudier la question, un forum a été organisé, récemment à Barcelone, par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et l’Union pour la Méditerranée (UPM).
« La sécurité alimentaire est essentielle pour assurer la paix et la stabilité en MSE. Les preuves, qui démontrent que les pénuries alimentaires et les hausses des prix des denrées de base sont à l’origine de troubles d’ordre social et politique ancrés dans des revendications politiques plus larges, abondent », soutiennent, en effet, Laurent Thomas, sous-directeur général de la FAO, responsable du Département de la Coopération technique, et Mohamed Mansouri, Chef de service, Europe, Amérique latine et Caraïbes, Proche-Orient et Afrique du Nord au Centre d’investissement de la FAO, dans une réflexion autour du sujet, rendue publique dernièrement.
Les deux spécialistes en veulent pour preuve le Printemps dit arabe qui, analysent-ils, « a commencé dans les zones rurales pauvres, marginalisées et démunies avant de se transposer dans les villes. » « L’insécurité alimentaire et le taux de chômage élevé – en particulier chez les jeunes – sont en grande partie les conséquences de politiques ayant négligé les investissements dans l’agriculture et le développement rural », soulignent-ils encore.
« Les pays de la Méditerranée Sud et Est sont confrontés à un défi de sécurité alimentaire et nutritionnelle spécifique découlant de la pauvreté, à savoir des niveaux élevés de malnutrition et des problèmes d’obésité croissants », expliquent-ils. Et aux auteurs de cette réflexion d’alerter: « La pauvreté, alliée à la hausse des prix des produits alimentaires depuis 2008, menace la sécurité alimentaire et nutritionnelle des plus vulnérables, ce qui entraîne, à son tour, un climat d’instabilité sociale et politique. »
Ce constat est valable pour « tous les pays de la région, à l’exception de la Turquie », étant donné qu’ « ils ont de grands déficits commerciaux agroalimentaires et qui vont en s’aggravant ». Notre pays ainsi que l’Egypte sont plus menacés que les autres car ils figurent « parmi les plus grands importateurs de céréales dans le monde. »
Par conséquent, les pays de la MSE doivent relever des défis majeurs consistant, d’après les deux experts, « à produire de la nourriture en plus grande quantité et de meilleure qualité, à accroître la rentabilité de l’import-export sur la base des avantages comparatifs, à minimiser les pertes et à améliorer l’efficacité des ressources, en particulier l’eau. » Des défis très difficiles à relever tenant compte des aléas climatiques auxquels font face les pays de la rive sud de la Méditerranée. Pour pallier un tant soit peu ces contraintes naturelles, les auteurs de cette réflexions préconisent aux pays concernés de « promouvoir des politiques et des incitations appropriées offrant au secteur privé (fermes familiales, entreprises, PME ou sociétés) un meilleur accès à l’information, aux technologies, au savoir-faire et aux marchés. » « Les gouvernements et les parlementaires doivent, suggèrent-ils, établir un dialogue avec les acteurs privés (notamment les agriculteurs) dans le cadre des négociations politiques en vue de créer un environnement plus favorable aux investissements privés. » Et de conclure, tout en assurant les pays de la MSE du soutien de La FAO, en collaboration avec la BERD et d’autres institutions internationales et nationales: « Le dialogue peut être organisé autour de chaînes de valeur spécifiques en matière d’agriculture et d’alimentation tout en explorant les moyens d’investir plus et mieux afin de générer plus de richesse et d’emplois et améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition aussi bien des consommateurs que des producteurs. »