Trafic d’influences et mainmise sur des secteurs stratégiques : l’étrange silence du célèbre homme d’affaires Ali Haddad

Redaction

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Le PDG du Groupe ETRHB HADDAD, Ali Haddad, essuie ces derniers mois de nombreuses accusations. Des personnalités politiques, des hommes d’affaires, des économistes et des analystes lui reprochent une allégeance aveugle au clan présidentiel, qui serait à l’origine des nombreux investissements très juteux attribués ces dernières années à son groupe dans les secteurs des travaux publics, du bâtiment et de l’hydraulique (BTPH).

Quelques semaines avant le limogeage, en juillet dernier, de l’ex-PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, avait averti  l’opinion publique quant à « des pressions qu’exerce un homme d’affaires » ayant des accointances avec le cercle présidentiel. Ces « pressions » visaient, selon Hanoune, à remplacer M. Zerguine par un responsable proche de l’homme d’affaires en question, afin que ce dernier puisse bénéficier de projets de la compagnie nationale des hydrocarbures. Tout le monde avait pensé à Ali Haddad, homme d’affaires réputé pour avoir « des liens solides » avec le frère cadet et conseiller du président, Saïd Bouteflika.

Mardi, lors d’une conférence de presse tenue en marge de la tenue de la réunion du bureau politique du parti, Mme Hanoune a disculpé l’« homme d’affaires » mis en cause. Elle a déclaré que ses « investigations » lui ont permis de « confirmer que l’homme d’affaires dont [elle avait] parlé n’a pas atteint ses fins ». Se basant sur des explications qu’elle aurait eues du ministre de l’Énergie, elle affirme que « l’homme d’affaires » n’y est pour rien dans le remplacement de M. Zerguine par M. Sahnoun, « pour le moment ». Cette précision temporelle laisse entendre que le « verdict » de la patronne du PT n’est pas définitif et qu’elle poursuit toujours ses investigations. « Tout de même, cet homme d’affaires est une pieuvres dont les tentacules atteignent tous les secteurs », a-t-elle nuancé. Par cette inflexion, la secrétaire générale du PT insinue-t-elle que le bras de M. Haddad est si long qu’il peut même atteindre les plus hautes sphères où les décisions se prennent ? Tout porte à le croire.

Nombre d’analystes estiment en effet qu’Ali Haddad est « très proche » du « plus haut » conseiller du président Bouteflika, son frère Saïd Bouteflika. D’autant que ce dernier est qualifié par d’anciens hauts officiers des services de renseignement, comme « le véritable décideurs au palais d’El Mouradia depuis la dégradation de l’état de santé du chef de l’État ». Les liens qu’entretient le magnat Haddad avec le frère du président sont apparus au grand jour à la veille de l’élection présidentielle d’avril dernier. En mars, quelques semaines avant le scrutin, une réunion « informelle » a regroupé les deux hommes forts dans un hôtel appartenant à la famille Haddad, situé à Azeffoun en Kabylie, d’où est originaire le patron du groupe ETRHB. Une réunion tenue secrète à laquelle auraient pris part un bon nombre de hauts responsables, dont le ministre de l’Industrie et président du MPA, Amara Benyounès.

Le duel Rebrab versus Haddad

La patronne du PT n’est pas la seule à avoir tiré sur le patron du groupe ETRHB. Un homme d’affaires, et pas des moindres, a, lui aussi, accusé à demi-mots l’ « ami » du frère du président d’être derrière le blocage de ses projets. Dans un entretien accordé à notre confrère le quotidien électronique TSA, Issad Rebrab, patron du groupe Cevital, a expliqué sa démission en mai dernier du Forum des chefs d’entreprise (FCE, organisation patronale), par l’influence qu’auraient exercée certains de ses collègues sur le pouvoir politique afin de bloquer ses projets. « Cela dit, j’ai cherché à comprendre les raisons du blocage. J’ai fait mon enquête. Et il était vraiment triste de découvrir que certains confrères intoxiquent certains décideurs en leur rapportant des propos déformés. Des confrères qui sont très proches de certains décideurs. Et certains de ces confrères justement sont membres du Forum des chefs d’entreprise que j’ai finalement décidé de quitter », a-t-il affirmé.

À la question de savoir s’il visait Ali Haddad, Rebrab a répliqué : « Vous n’avez qu’à deviner. Vous connaissez ceux qui sont très proches des décideurs parmi les chefs d’entreprise… ». Tout le monde, y compris les citoyens lambda, auront deviné que le premier visé était Ali Haddad, dont la proximité avec le clan présidentiel est un secret de polichinelle. Une proximité que Haddad a consolidée à l’occasion de la dernière présidentielle, grâce notamment à son soutien affiché au quatrième mandat. Il était même l’un des principaux, voire le premier, bailleurs de fonds de la campagne présidentielle.

Accusé de toutes parts, le magnat Haddad se mure dans un silence de cathédrale. Aucune réaction à ces accusations, ce qui laisse libre cours aux rumeurs, interprétations, interrogations et lectures des uns et des autres. Le silence radio du puissant homme d’affaires ne fait que donner plus de crédit à ces accusations déguisées attribuant sa « mainmise » sur les gros marchés du secteur du BTPH à ses accointances avec le cercle présidentiel. « Les chiens aboient, la caravane passe », comme dit le proverbe.

À souligner enfin que toutes nos tentatives de joindre la direction du groupe ETRHB HADDAD, présidé par Ali Haddad, sur ses trois lignes téléphoniques fixes sont restées vaines.

Yacine Omar