La suite logique de la rubrique aurait voulu que l’article de ce matin concerne les indicateurs de performance. Un bien grand mot qui veut juste dire, que pour gérer une entreprise, il faut se doter d’instruments de mesures pour mieux piloter et suivre ses résultats et non pas pour contrôler son monde.
Cependant, suite à vos commentaires, j’ai d’abord décidé de changer le titre. Au lieu des « nouveaux défis du manager performant », nous allons l’appeler « un algérien peut devenir un manager performant », s’il en fait le choix bien sûr ! (Dites- moi ce que vous en pensez) car j’ai bien envie d’écrire « doit devenir un manager performant’ au lieu de ‘peut devenir un manager performant ».
Changer le titre ne suffit pas, il faut oublier les indicateurs de performance pour ce jeudi. On va aborder le sujet qui revient dans 90% de vos commentaires qui se résume comme suit : « Ce que tu écris est une très belle théorie en management mais cela ne s’applique pas en Algérie ». (Pour information, les lecteurs du Patriote sont plus nombreux à soulever cette remarque que ceux de « Algerie-focus.com »).
La théorie demeure théorie tant que l’on refuse de l’expérimenter, non ? Je crois que tant que nous n’avons pas dissout le goulot suivant, nous n’irons pas loin.
« Ici nous ne sommes pas en Europe et encore moins en Amérique »
Ça veut dire quoi au juste ? Je refuse de comprendre par là que nous ne sommes pas aussi bons que ces gens là. Si j’étais le gouvernement, je recenserais tous les bons Algériens en Algérie et à travers le monde pour vous convaincre que nous sommes bons, mais je ne suis qu’un Homme (comme disait Brel), avec un grand H, cela s’entend. Cette barrière qui est devenue notre leitmotiv et que parfois nous nous surprenons à bercer amoureusement, nous empêche de nous intéresser au contenu et de bénéficier ainsi du savoir-faire ou être, de tout ce que nous pouvons découvrir. Si nous continuons à nous vautrer dans notre malheur, et à le bichonner alors nous faisons le choix de nous diriger vers un mur (gare à celui qui viendra pleurer, de toute façon ce sera trop tard).
Le manager ne peut pas gérer à cause de l’Etat, l’Etat ne peut pas avancer à cause du peuple qui ne travaille pas. L’employé n’assure plus car le boss est dictateur. Le boss ne s’implique pas car l‘employé est ingrat. Les rues sont sales car l’Etat ne nettoie pas bien. L’Etat nettoie mais c’est le peuple qui ne sait pas utiliser les poubelles. Le juge est corrompu mais qui le corrompt ? Serait-ce ce même peuple qui maudit la corruption ? Je pourrais remplir les 8.000 caractères qui me sont octroyés et je ne finirais pas de vous citer tous les exemples que je vois et que vous voyez. Qui est plus responsable que qui dans ce marasme ? Si on ne brise pas ce cycle vicieux qui me rappelle celui de l’œuf et la poule, on risque d’avoir le tournis et d’attendre longtemps avant de participer à la vraie vie (s’épanouir dans son travail, bâtir un avenir pour nos enfants et la satisfaction de bien- faire les choses).
« Ils l’ont fait parce qu’ils ne savaient pas que c’était impossible »
On peut décider d’entamer une thérapie en tant que pays pour revenir vers notre histoire (nos diverses colonisations, notre pétrole, notre situation géographique, notre socialisme, notre terrorisme, notre fuite de cerveaux, notre maghrébité, notre arabité et notre islam), revenir sur tout notre vécu, et essayer de comprendre le pourquoi de la chose, mais cela risque de prendre des siècles avant guérison et d’enrichir tous les psychologues de la planète qui, peut être, eux même feront appel à ceux de la lune.
Il existe, heureusement pour nous, une autre solution plus pratique et plus efficace dans le temps. On peut décider que nous avons identifié notre problème, celui-là même qui nous empêche d’avancer, nous le reconnaissons, nous l’acceptons, travaillons dessus, tout en l’affrontant pour continuer. Quand notre pays aura atteint la vitesse de croisière exigée naturellement par toute cette mondialisation, nos enfants ou petits enfants iront se faire psychanalyser.
Le pattern (problème récurent) qui est commun à la majorité des acteurs de notre pays, le peuple inclus, est que ce n’est jamais de notre faute ? Essayez de vous rappeler la dernière fois que vous ou une autre personne s’est excusée en affirmant que la faute lui incombait et qu’elle assumait les conséquences ? J’ai bien peur que vous risquez de fouiller longtemps dans vos méninges ! Les Américains nous en veulent, les Egyptiens nous détestent, les Marocains nous jalousent, les Saoudiens nous espionnent, les Français nous dénigrent, l’arbitre nous a calé au match, le professeur nous a coulé à l’examen, notre boss ne nous motive pas, notre conjoint(e) ne nous comprend pas, nos enfants ne sont pas comme les autres enfants, le voisin nous porte le mauvais œil, même le bus est méchant, il part sans nous !
Pauvre de nous, nous sommes martyrisés de tous bords et perdus ! Mais nous, que faisons- nous ? Où est notre ambition ? Que faisons-nous pour nous en sortir ? C’est quand même fou que tout le monde soit fautif sauf nous, non ? Notre langage ne suit plus nos actes. Nous nous racontons des histoires à longueur de journées et d’années pendant que les autres pays travaillent pour leur futur. Nous nous complaisons dans notre victimisation, ce qui ne nous empêche pas d’être, et souvent d’ailleurs, en même temps, des abuseurs et des abusés ! Celui- là même qui vous dit, ici personne ne travaille, travaille t-il ? Combien de corrompus que vous connaissez parmi le peuple vont vous dire que c‘est devenu impossible à cause de la corruption. Mon meilleur exemple est en entreprise : le directeur des finances a organisé une réunion avec ses collaborateurs pour les sermonner : « Comment cela se fait qu’ hier pendant les heures de travail, j’ai rencontré 3 parmi vous sur une terrasse à la corniche ? » Je suppose que lui y préparait ses bilans. Ha !ha !ha ! Le ridicule ne tue pas et parfois c’est dommage !
Quand un directeur de finances affirme ne pas être au courant des fraudes qui se passent dans son département, on se demande où est l’erreur. Assumons, assumons et assumons, ce n’est que comme cela que nous y arriverons !
Fermez les yeux quelques secondes et imaginez que ce même directeur des finances, aurait dit : « Oui, j’assume et j’ai gaffé et j’affronte les conséquences et je suis le seul responsable » et que moi le directeur de production, j’affirme : «Oui, si la production est en retard, c’est de ma faute car je suis responsable de mon équipe », ce qui ne nous empêche pas, mon ami le directeur et moi d’aller investiguer et appliquer les conséquences pour tout le monde ! On assume, on paye, on rectifie le tir et on continue. Ce serait génial, non ?
Pour avancer, il faut avoir le courage de poser des questions
Pour avancer, en management ou dans n’importe quel autre domaine, je crois fermement qu’il faut d’abord avoir le courage de s’arrêter et se poser la question : Qu’est- ce que je fais de pas correct ? Où est- ce que je n’assure pas ? Je peux me regarder dans le miroir et me trouver parfait(e) et me dire, moi je suis bien, ce sont les autres qui sont nuls (et là je choisis de vivre dans le déni et en victime) ou alors prendre une grande respiration et regarder en face mes faiblesses, les accepter et me poser le défi de travailler dessus pour les améliorer (c’est plus difficile sur le moment mais la suite peut être très stimulante). C’est l’unique façon d’avancer.
L’évolution passe par la responsabilisation
Tout cela pour vous dire encore une fois que l’évolution passe par la responsabilisation (assumer ses propres actes et comportements) d’abord, et ensuite responsabiliser les autres. Un manager qui explique son retard de production par l’incompétence de ses employés et qui ne prend pas ses responsabilités, tout comme le financier qui a choisi d’ignorer ce qui se passait dans son département et qui pense se dérober, affichent un comportement de fuite et perdent leur crédibilité en clamant haut et fort leur incompétence. Celui qui assume le retard de son équipe ou la fraude de son département et qui assure que cela ne se reproduira plus a le droit à tout notre respect. Nous avons les employés et les patrons que nous méritons.
Pour finir, je tiens à vous souligner que je ne minimise pas le chaos qui règne au pays, mais je me dis que nous en avons vu d’autres. Nos grands-parents ont dû donner leur vie pour cette Algérie pendant la guerre contre les ‘frenchies’, nos amis ont péri pendant le terrorisme, et ce qu’il nous reste à faire nous autres, est juste de travailler, nous sommes chanceux par rapport à eux non ? Alors, pour eux, pour nos enfants, commençons par renverser la vapeur, travaillons ! Sortons de cette léthargie qui nous caresse sournoisement. Les formules gagnantes sont là, les exemples de réussite foisonnent. Nous avons juste à appliquer, c’est tout, ce n’est pas si difficile que cela, non ?
Saint-Exupery a dit cette phrase magique : « Ils l’ont fait par ce qu’ils ne savaient pas que c’était impossible »
Merci à vous tous !
Je veux vraiment vous dire que c’est stimulant de lire vos commentaires et réactions. Les débats me permettent de me réajuster et c’est un excellent défi pour moi. J’aime beaucoup l’interaction et mon objectif ultime est que nous fassions un bon petit bout de chemin ensemble !
Lire également:
Perspectives et management : Les nouveaux défis du manager performant (part 1)
Perspectives et management : Les nouveaux défis du manager performant (part 2)