Dans le cadre de l’exercice Nabni2020, l’initiative NABNI (Notre Algérie Basée sur de Nouvelles Idées) rendu publique ses propositions sur le thème « Education: savoir, compétences et capacités d’innovation », le 2 juin 2012 à Alger. Le coordinateur du thème, Zoubir Benhamouche, répond à nos questions.
– Quel est le principal enseignement de cette étude ?
L’enseignement majeur c’est l’absence de données sur le système éducatif, du moins de données accessibles au public. De deux choses l’une, ou les ministères en charge du système éducatif ne produisent pas de données, ou ils disposent de données suffisamment exhaustives mais ne les mettent pas à disposition de la société. Dans le premier cas, cela expliquerait les mauvaises performances de notre système éducatif, car on a du mal à imaginer une politique de l’éducation efficace sans données qui permettent de faire les bonnes réformes et surtout de mesurer leur impact. Dans le second cas, cela voudrait dire que l’on refuse la transparence, ce qui tout aussi grave, car l’absence de transparence est un frein majeur à une évaluation indépendante du système éducatif et donc à une redevabilité des institutions en charge de l’éducation.
Le premier chantier de notre projet pour l’éducation insiste sur la nécessité de mesurer la qualité du système éducatif, de développer des outils de pilotage par la performance et de créer des incitations pour l’ensemble des acteurs du système éducatif (ministères, administration, établissements, enseignants, élèves etc.). C’est un chantier que nous considérons prioritaire.
– La dernière partie de l’enquête soulève la mauvaise répartition des dépenses éducative, pensez-vous que cette mauvaise gestion est seule à la source du constat pour le moins négatif que vous dressez? Si non, quelles seraient les autres sources de ce constat?
Les dépenses par étudiant, ont doublé en 10 ans, passant de 1480 dollars à 3178 dollars. Elles demeurent cependant très inférieures à celles des pays de l’OCDE.
Ces efforts importants en matière de financement sont à contraster avec les faibles performances du système éducatif soulignées plus haut.
Ainsi, on peut en effet affirmer qu’il y a une très mauvaise gestion du budget de l’enseignement, et cela est du à de nombreux facteurs : absence de vision, absence de transparence, absence de mesure de la qualité et de la performance, absence d’incitations dans le système éducatif, centralisation excessive, etc. Malheureusement comme dans tous les domaines, nous avons une logique de la dépense et non de la performance. C’est ce qu’il faut urgemment changer. Songer qu’à budget égal on pourrait nettement améliorer la performance.
– A vos yeux, quelles solutions le gouvernement ou la société civile peut-elle apporter pour améliorer l’éducation en Algérie?
Il faut simplement créer les bonnes incitations dans le système et se doter d’outils de gestion par la qualité et la performance.
Mais, il y a quelque chose de fondamental à changer, c’est la façon dont les réformes sont conçues et mises en œuvre. L’innovation majeur à apporter c’est l’implication, dès le départ, dans l’élaboration des réformes, des acteurs du système éducatif, et notamment des enseignants. La « science » du management a clairement montré que lorsqu’on impose par le haut des règles sans en expliquer les objectifs et les impact, la coopération de ceux qui doivent agir selon ces règles est limitée.
Par ailleurs, la société civile a un rôle important à jouer. Elle peut d’elle même, sans l’Etat, se doter d’instruments d’évaluation des performances des établissements d’enseignement. Par exemple, des associations de parents d’élèves pourraient s’organiser à cet effet et avoir des impacts importants. Le patronat pourrait également avoir un effet disciplinant sur les universités et les établissements de formation professionnels en évaluant indépendamment la qualité des formations etc.
Pourquoi ne le font-ils pas ?
Il existe plusieurs raisons, selon les acteurs. Globalement il y a un problème de conscience collective du rôle que la société civile doit jouer aux côtés de l’Etat. Cela signifie à la fois une action concertée, un partage des rôles, mais également une action visant à discipliner les structure de l’Etat (redevabilité), et à faire en sorte qu’elles s’attèlent à résoudre les problèmes des citoyens. Nous continuons malheureusement à fonctionner avec un fort désir d’Etat – en fait réduit à une administration bureaucratique. Dans les propositions de Nabni, nous insistons sur le rôle déterminant de la société civile. Sans l’implication de l’ensemble des acteurs, nous n’arriverons jamais à relever les nombreux défis qui nous attendent.
Chiffres clés :
– Taux de scolarisation dans le supérieur : 31%
– Taux d’alphabétisation des adultes (2006) : 72,65%
– Part du budget de l’éducation dans les dépenses de l’Etat (2007-2009) : 20,27% (Maroc : 25,71% ; Tunisie : 22,6%)
Informations à retenir :
– Absence de données accessibles au public sur le système éducatif
– Malgré des dépenses importantes en matière d’éducation, la mauvaise gestion budgétaire pèse lourdement sur les performances scolaires et universitaires
– Nécessité d’améliorer la façon d’élaborer les réformes étatiques en matière d’éducation
Sarah Haderbache