L’élection présidentielle en Algérie du 7 septembre a finalement livré son verdict définitif ce 14 septembre 2024, avec la confirmation de la victoire écrasante du président sortant Abdelmadjid Tebboune. La Cour constitutionnelle, après avoir examiné les recours introduits par ses deux rivaux, Abdelaali Hassani Cherif et Youcef Aouchiche, a annoncé que ceux-ci ont été acceptés dans la forme mais n’ont pas modifié l’issue du scrutin. Tebboune a ainsi été déclaré vainqueur avec 84,3 % des voix dans une élection marquée par un taux de participation de 46,1 %.
Les Résultats Officiels : Tebboune Confirme sa Suprématie
Abdelmadjid Tebboune, au pouvoir depuis 2019, a été réélu pour un second mandat présidentiel avec 7.976.291 voix, soit 84,3 % des suffrages exprimés, selon les résultats définitifs annoncés par Omar Belhadj, président de la Cour constitutionnelle. Cette réélection, marquée par une large avance sur ses rivaux, est perçue par ses partisans comme une preuve de sa popularité et de la continuité politique recherchée après plusieurs années de crises économiques et sociales.
Le Vote et la Participation
Le corps électoral algérien compte 24,5 millions d’électeurs. Sur ces derniers, un peu plus de 11 millions se sont exprimés lors de ce scrutin, soit un taux de participation de 46,1 %. Ce chiffre, bien que supérieur aux attentes de certains observateurs, reste relativement faible comparé aux scrutins précédents. Il soulève des questions sur l’implication réelle des Algériens dans le processus électoral, notamment en raison du climat de méfiance et de désillusion envers la classe politique. La participation, bien qu’elle dépasse les 50 % dans certaines régions du nord, reste très faible dans le sud du pays, où la mobilisation électorale est souvent difficile à susciter.
Tebboune, qui avait obtenu 58,13 % des voix en 2019, voit ainsi sa popularité confirmée à travers ces 84,3 % des suffrages, bien que cette victoire soit jugée « écrasante » par ses détracteurs, qui dénoncent un climat de contrôle et de manipulation de l’électorat.
Abdelaali Hassani Cherif et Youcef Aouchiche : Deux Rivaux aux Résultats Décevants
Les deux autres candidats principaux, Abdelaali Hassani Cherif du Mouvement de la société pour la paix (MSP) et Youcef Aouchiche du Front des forces socialistes (FFS), n’ont pas réussi à concurrencer Tebboune de manière significative.
- Abdelaali Hassani Cherif a obtenu 9,5 % des suffrages, soit 940.642 voix, se classant loin derrière le président réélu.
- Youcef Aouchiche, pour sa part, a récolté 6,14 % des suffrages, avec 580.495 voix.
Ces résultats montrent la difficulté des partis d’opposition traditionnels à mobiliser et à convaincre un électorat de plus en plus critique vis-à-vis de la scène politique algérienne.
Des Recours Acceptés dans la Forme, mais Pas dans le Fond
Abdelaali Hassani Cherif et Youcef Aouchiche, contestant les résultats provisoires publiés le 8 septembre par l’Autorité indépendante des élections (Anie), ont déposé des recours auprès de la Cour constitutionnelle. Ces deux candidats ont notamment critiqué le processus de dépouillement et soulevé des questions sur la transparence de l’élection. Selon eux, le scrutin aurait été entaché de multiples irrégularités, allant du bourrage d’urnes à des pressions exercées sur les électeurs dans certaines régions.
Le 10 septembre, la Cour constitutionnelle a accepté ces recours « dans la forme et dans le fond », sans pour autant en modifier les résultats. Les observations soulevées par les candidats n’ont pas permis de remettre en cause l’écart substantiel entre Abdelmadjid Tebboune et ses rivaux.
Omar Belhadj, président de la Cour constitutionnelle, a indiqué dans une déclaration publique que « les deux recours, bien que recevables, ne sont pas suffisants pour modifier l’issue du scrutin ». Il a ajouté que le processus électoral, bien qu’imparfait, avait respecté les critères de transparence exigés par la Constitution algérienne.
La Controverse Autour du Taux de Participation
Le taux de participation de 46,1 % est un sujet central dans le débat post-électoral. Bien que le chiffre soit supérieur à certaines projections pessimistes, il reflète tout de même une certaine désaffection des Algériens envers la classe politique et le processus démocratique. De nombreux observateurs ont pointé du doigt le boycott de l’élection par certains segments de la société, notamment dans les régions de Kabylie, où la méfiance envers les autorités centrales est historiquement forte.
Pour Youcef Aouchiche, ce taux de participation est « artificiellement gonflé » par les autorités pour légitimer la victoire de Tebboune. « Les citoyens ont montré par leur abstention qu’ils ne croient plus en ce système », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse post-électorale.
En réponse, Tebboune et ses partisans défendent la légitimité du scrutin, arguant que la participation, bien que moindre que lors de précédentes élections, reste un signe de confiance dans les institutions algériennes.
L’Opposition Face à une Élection Considérée comme « Jouée d’Avance »
La victoire d’Abdelmadjid Tebboune était largement anticipée, ce qui a contribué au sentiment de résignation parmi certains électeurs et candidats. Pour Abdelaali Hassani Cherif, ce résultat est une confirmation d’un système verrouillé, où les marges de manœuvre pour une opposition réelle sont limitées.
« Le pouvoir a verrouillé toutes les issues possibles d’alternance », a-t-il déclaré après la publication des résultats provisoires. Il a notamment pointé du doigt les médias publics, qu’il accuse de biais en faveur de Tebboune, ainsi que le climat de pression exercé sur certains électeurs dans les régions plus éloignées.
Les critiques de l’opposition visent également l’Autorité indépendante des élections (Anie), mise en place après les manifestations populaires de 2019 qui ont conduit à la démission d’Abdelaziz Bouteflika. Bien que cette instance ait été créée pour garantir la transparence du processus électoral, ses détracteurs la considèrent toujours sous l’influence du pouvoir en place.
Un Contexte Politique Sous Haute Tension
Le second mandat d’Abdelmadjid Tebboune s’inscrit dans un contexte politique et social tendu. Le pays est confronté à des défis économiques majeurs, avec une économie encore fortement dépendante des revenus des hydrocarbures. Les conséquences de la pandémie de Covid-19, combinées à la volatilité des prix du pétrole et à une inflation galopante, ont exacerbé la précarité de nombreuses familles algériennes.
Sur le plan politique, les manifestations du Hirak, mouvement de protestation né en 2019, continuent d’alimenter les débats, bien que leur intensité ait diminué ces dernières années. Tebboune, malgré ses promesses de réformes et de dialogue, reste une figure controversée pour une grande partie de la société civile qui réclame une refonte complète du système politique.
Une Réélection Vue comme un Signe de Continuité
Malgré les critiques, la réélection de Tebboune est interprétée par ses partisans comme un signal de stabilité et de continuité pour l’Algérie. Dans ses premières déclarations après l’annonce de sa victoire, Tebboune a réitéré sa volonté de « poursuivre les réformes » et de « redresser l’économie nationale » en mettant l’accent sur le développement du secteur industriel et la diversification des sources de revenus.
Il a également promis de s’attaquer aux inégalités régionales et de renforcer les services publics, deux thèmes centraux de sa campagne.
« Le peuple algérien a fait son choix, et c’est un choix en faveur de la stabilité », a déclaré l’un de ses proches collaborateurs.
Conclusion : Une Élection qui Laisse un Goût Amer
Si la réélection d’Abdelmadjid Tebboune marque une continuité politique évidente en Algérie, elle soulève aussi des questions cruciales sur l’avenir du processus démocratique dans le pays. La faible participation électorale, le sentiment d’une élection « jouée d’avance » et les tensions persistantes avec une partie de l’opposition montrent que le chemin vers une véritable stabilité politique est encore long.
Pour de nombreux observateurs, l’Algérie entre dans une phase où les réformes promises devront rapidement se concrétiser si Tebboune veut réellement s’inscrire comme un président capable de rassembler, et non de diviser. Le défi pour son second mandat sera non seulement de redresser l’économie, mais aussi de restaurer la confiance entre le peuple et ses institutions.