Lors de l’inauguration du Mucem, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, Zaman France a rencontré Bruno Ulmer, l’un des organisateurs de la grande exposition sur le thème des mobilités. L’occasion de parler des relations entre Istanbul et Alger, l’un des sujets à l’honneur.
Qu’est-ce qui a dicté le choix des mobilités en Méditerranée comme thème de l’exposition ?
Je suis réalisateur de documentaires, parfois aussi de fiction. Tous les films que j’ai réalisés traitent de migrations en Europe de l’Est ou ailleurs. Je suis né au Maroc de parents eux-mêmes émigrés. Les questions de mobilité et d’identité m’intéressent. J’étais d’abord médecin et j’ai un jour décidé de tourner des films, car j’avais des histoires à raconter. Dans cette exposition, on oblige les visiteurs à la confrontation. Restituer la dimension humaine est essentiel. Même dans les relations marchandes, cette réalité n’est jamais très loin. On propose non pas une image mais une expérience.
On appréhende vite la dimension populaire de l’exposition…
C’est politique et assumé comme tel. Le fait que ce soit populaire ne veut pas dire que ce soit réservé aux Marseillais. Cela signifie que celui qui vient d’Algérie ou de Turquie et qui ne parle pas le français peut comprendre le sens de l’exposition. Le sens du populaire appartient à l’émotion commune.
Un de vos sujets est un film sur les relations commerciales et portuaires entre Alger et Istanbul. Pourquoi cette route-là ?
Le sujet est le thème des mobilités. La Méditerranée, c’est 0,7 % de la surface maritime et 30 % des échanges économiques mondiaux. Je ne voulais donc pas être dans les généralités. J’ai une affection toute particulière pour ces deux villes. Je connais assez bien Istanbul et je m’y sens bien. J’aime cette ville car elle est vivante, j’aime ses habitants et sa modernité. Je trouve aussi un vrai plaisir à y marcher, à la différence de Marseille. Le désordre d’Istanbul est aussi un moment de surprise. Je souhaite beaucoup qu’un lien fort se tisse entre le Musée d’Art moderne d’Istanbul et le Mucem.
Comment les Algériens perçoivent-ils Istanbul ?
Les jeunes d’Algérie ne me parlent plus de Marseille mais d’Istanbul. Il y a de plus en plus de marchands turcs à Alger et on entend parler turc. Dans l’un de mes films, un Turc explique qu’il s’est marié avec une Algérienne, que tout se passe bien, qu’il est très heureux à Alger. Le business les a réunis. Il y a une relation forte entre l’Algérie et la Turquie. En Algérie aujourd’hui la Turquie fait plus rêver que la France.
Lu sur Zaman