Enquête de l'ADEM sur certaines mesures de la loi de finances complémentaire algérienne

Redaction

mebtoul SITUATION DU SECTEUR FINANCIER, PROBLÈME DU CRÉDIT A LA CONSOMMATION ET DU CRÉDIT DOCUMENTAIRE (CREDOC)

Nous n’avons pas attendu les remontrances de la communauté économique européenne dont notamment l’Allemagne, l’Italie, la France et récemment des États-Unis d’Amérique le 29 septembre 2009 principaux partenaires commerciaux de l’Algérie, sur la non visibilité et la non transparence de la politique socio- économique du gouvernement depuis la fin 2008 , début 2009, car nous avons attiré l’attention depuis des mois publiquement les pouvoirs publics algériens au niveau de la presse algérienne, sur la cacophonie et l’incohérence qui caractérisent certaines décisions gouvernementales , que le retour à l’étatisme des années 1970, est suicidaire pour le pays, étant une époque à jamais révolue qui risque d’isoler l’Algérie des mutations mondiales,– méditons seulement les expériences russes et chinoises fondateurs du communisme, à ne pas confondre avec l’Etat régulateur stratégique en économie de marché, un Etat surtout « moral » garant de la cohésion sociale.

Et c’est donc suite aux déclarations du 27 septembre 2009 du Ministre des Finances justifiant les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire, et pour un débat contradictoire productif ci-joint une enquête de l’Association Algérienne de Développement de l’Economie de Marché ADEM , en nous limitant aux opérateurs privés algériens de toutes les régions du pays PMI/PME qui représentent plus de 90% du tissu économique privé , enquête du terrain loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates qui élaborent des schémas contraires aux réalités sociales. Cette enquête a porté sur cinq questions fondamentales qui intéressent tout opérateur économique et d’une manière générale les décideurs du pays.

Question 1.-Quel est la situation actuelle du secteur bancaire algérien ?

Selon la banque d’Algérie, fin 2008 nous avons 29 banques et établissements financiers et ayant tous leur siège à Alger dont 6 banques publiques et une mutuelle d’assurance agréée par les opérations de banques, 14 banques privées dont une à capital mixte, trois établissements financiers et deux sociétés de leasing avec 1057 agences. Cependant existent une nette concentration au profit des banques publiques du fait que sur un nombre de guichets 1301 ( contre 1233 en 2007) le secteur privé totalise seulement 244 guichets contre 196 en 2007 ayant donc globalement un guichet pour 26.400 habitants contre 27.400 en 2007. Cette concentration est d’autant plus nette au profit des banques publiques qui rappelons le ont été assainies ces dernières années pour plus de 5 milliards de dollars( les banques publiques étant malades de leurs clients les entreprises publiques structurellement déficitaires) , assurant en 2008 la presque totalité du financement du secteur public et 77% du financement du secteur privé contre 79,4% en 2007. Il est utile aussi de signaler que récemment le gouvernement a rétabli l’ancien article 104 de la loi sur la monnaie et le crédit autorisant les banques à entrer dans le capital de leurs filiales, mesure qui avait été interdite depuis le scandale de Khalifa. Donc l’Etat au sein des banques publiques reste prédominant étant à la fois actionnaire, administrateur, dirigeant, emprunteur, déposant et régulateur et ce bien avant la crise mondiale d’octobre 2008. Ce qui explique depuis plus de deux décennies les différents gouvernements successifs parlent de la réforme bancaire mais cette dernière n’a pas lieu en profondeur car touchant des intérêts, les banques publiques étant le lieu de la distribution de la rente des hydrocarbures. Rappelons le projet de privatisation partielle de la BDL en 1996 au moment de l’ajustement structurel avec le FMI et récemment l’abandon de la privatisation partielle du CPA. C’est dans cet optique que s’inscrit le fonctionnement de la bourse d’Alger, une hérésie économique , une bourse totalement étatique ou des entreprises publiques potentiellement déficitaires achètent des entreprises déficitaires avec la bénédiction des banques publiques, leurs assainissements entre 1991/2008 ayant coûté plus de 40 milliards de dollars au trésor public, étant revenues à la case de départ dans leur majorité, donc ce n’est pas une question seulement d ‘argent..

Question 2- Le pourquoi de la faiblesse des investissements hors hydrocarbures ?

Les derniers rapports internationaux semblent mitigés, et le changement de cadres juridiques semble constituer un des facteur à l’entrave affaires. Selon le nouveau rapport Doing Business 2010 de la Banque mondiale en matière de climat des affaires concernant les réformes menées en 2008/2009, l’Algérie est classé à la 112e place en matière de facilitation du commerce extérieur sur une liste comportant 121 pays devançant cinq pays pauvres africains, Burundi, Nigeria, Zimbabwe, Côte d’Ivoire, Tchad, avec une très mauvaise note pour le marché financier national qui se voit attribuer un score de 2,8 sur 7 avec la 132e position pour ce qui est de l’efficience et de la sophistication du système financier algérien . De ce fait la situation du système financier algérien ne peut être isolée de la réforme globale et donc du mode d’accumulation. Aussi selon ce rapport , l’Algérie doit d’améliorer sa compétitivité du point de vue de la sophistication des affaires (128e place), de l’efficience du marché du travail (127e place), de l’efficience du marché des biens ( 126e place), du développement technologique (123e place), du point de vue des institutions (115e place), de l’innovation (114e place) et de l’enseignement supérieur et de la formation (102e place) en rappelant le classement des Universités de l’Algérie en 2007 ayant été classées 6995ème sur 7000(baisse alarmante du niveau, les universités devenant une usine de fabrication de chômeurs) par le prestigieux Institut de Schangai. Par ailleurs, selon le FDI Intelligence, une division spécialisée du groupe britannique de presse «Financial Times LTD» de septembre 2009 dans une étude détaillée couvrant 59 pays africains et prenant en compte les critères comprenant les infrastructures, les stratégies visant à encourager les IDE, le potentiel économique, le niveau et la qualité de la vie, les ressources humaines et l’ouverture des marchés, l’Algérie a reculé en matière d’attractivité des investissements directs étrangers (IDE) étant largement devancée par l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie.

Le rapport note une détérioration du climat des affaires en 2009 où l’Etat algérien émet des signaux négatifs et contradictoires alors que ces quatre pays ne cessent de faire des progrès dans de nombreux domaines, particulièrement en matière de la promotion de l’investissement privé national et étranger et ce malgré sa proximité géographique avec l’Europe et ses réserves énergétiques pour attirer davantage de capitaux étrangers n’ayant même pas profité de l’afflux des pétrodollars du Golfe, contrairement au Maroc, Egypte, Turquie et Syrie, le Golfe étant devenu le deuxième émetteur d’IDE après l’Europe et devant les Etats-Unis. A part le secteur des hydrocarbures et lorsque le cours est élevé (car on peut découvrir des centaines de gisements mais non rentables financièrement), et celui des télécommunications, l’Algérie ne semble guère intéresser les investisseurs étrangers. L’entrave aux affaires toujours selon ces deux rapports est due surtout à l’accès aux financements, la bureaucratie d’ Etat, la corruption, l’inadéquation de la main-d’œuvre formée, la politique du travail considérée comme restrictive ainsi que le système fiscal et l’environnement dont la qualité de la vie. Ce qui vient d’être confirmé par une étude réalisée par le célèbre tabloïd anglais The Economist le 10 septembre 2009, une enquête qui mesure, selon plus de 30 indicateurs qualitatifs et quantitatifs, cinq grandes catégories, à savoir la «stabilité», les «soins de santé», la «culture et l’environnement», l’«éducation» et l’«infrastructure», catégories compilées et pondérées pour fournir une note globale variant de 1 à 100, où 1 est jugé intolérable et 100 est considéré comme idéal. La ville d’Alger, malgré toutes les dépenses a été classée au 138e rang sur les 140 métropoles pour 2009, classement inchangée par rapport à l’année dernière 2008 au même niveau que Dhaka (Bengladesh), obtenant un score de 38,7, l’Algérie devançant la capitale du Zimbabwe Harare.

Question 3- Le crédit à la consommation dont celui de l’automobile est –il à l’origine de l’envolée de la valeur des importations

En 2008, le marché algérien de l’automobile a connu une forte croissance de près de 50% durant l’année 2008 par rapport à 2007, selon les données du Centre national de l’informatique et des statistiques dont le nombre a été de 352 315 pour une valeur de 286,907 milliards de dinars, soit l’équivalent de 3,81 milliards de dollars, contre 236 795 véhicules pour 204,531 milliards de dinars en 2007 (2,92 milliards de dollars) et selon ces mêmes statistiques , 327 506 véhicules ont été introduits par les concessionnaires pour un montant de 256 501 milliards de dinars, contre 117 166 unités pour 178,859 milliards de dinars durant la même période de 2007, soit une hausse de 50,8%, mais ne concernant pas seulement les ménages mais les achats surtout des administrations et entreprises publiques qui ne sont pas concernés par les crédits à la consommation payant en cash sur leur trésorerie . Fait confirmé par le rapport de l’ABEF de fin 2008 en notre possession, les crédits à la consommation ont été de 100 milliards de dollars soit au cours de 75 dinars un dollar 1,3 milliard avec seulement 3% d’insolvables ( voitures et autres dont 70% pour les voitures selon nos enquêtes) soit le montant dérisoire de 900 millions de dollars ou 600 millions d’euros au cours actuel. Les 40 milliards de dollars d’importation de biens plus 11 milliards de dollars des services trouvent son essence surtout dans l’envolée et la non maîtrise de la dépense publique. Quant à l’endettement des ménages, selon le récent forum tenu à El Moudjahid ( septembre 209) en présence de banques publiques( le cas de la BEA étant un cas exceptionnel donc ne reflétant pas un indicateur fiable , ses surliquidités provenant surtout de Sonatrach qui est son client principal) , ce sont les crédits à l’immobilier où avec 36 millions d’habitants fin 2008 et un rythme de 250 000 nouveaux ménages par an, la demande en logement est forte mais insolvable et le risque à l’instar de la crise des prêts hypothécaires déclenchée en août 2009 ( bas taux d’intérêt puis hausse des taux ) qui risque d’accroire l’insolvabilité des ménages algériens . Aussi et surtout pour respecter la loi sur la monnaie net le crédit fallait-il non pas, ce qui a suscité des débats contradictoires et nuisibles à l’image de l’Algérie, l’instar de la Chine récemment qui a respecté les règles fondamentaux de l’économie de marché, faire jouer uniquement les relations banques clients et non pas introduire cela dans une loi de finances. En fait pour paraphraser les militaires, le gouvernement se trompe de cibles passant par une politique cohérente du transport poumon vital de l’économie, liée à la politique globale notamment le nerf du développement la valorisation de la ressource humaine, les réserves de change (capital argent) n’étant qu’un moyen, évitant par exemple ce mythe d’une voiture à 100% algérienne.

Question 4.- Le crédit documentaire ( CREDOC) instaurée par la loi de fiances complémentaire 2009 peut-il être opérationnel face au fonctionnement du système bancaire algérien ?

AM- Le système documentaire est une procédure normale lorsque existent des banques qui fonctionnent normalement au sein d ‘une véritable économie de marché concurrentielle, étant dans cette interminable transition depuis 1986, ni véritable économie de marché , ni économie administrée qui ont leurs propres règles de fonctionnement expliquant les difficultés de régulation économique et sociale et que les banques sont souvent soumises à des interférences politiques sont actuellement avec leurs lourdeurs bureaucratiques des guichets administratifs qui favorisent l’import au lieu d’être un partenaire actif pour l’investissement productif . D’ailleurs cela est confirmé par les déclarations officielles du Ministre des Finances algérien qui nous a habitué à des informations contradictoires tous les mois, qui a expliqué que si l’Algérie a été épargnée partiellement par la crise mondiale, elle le doit au fait que le système financier algérien est déconnecté des réseaux internationaux et que le dinar n’est pas convertible, comme s’il fallait s’en réjouir , l’importance des réserves de change étant due à une ressource éphémère , les hydrocarbures, l’Algérie exportant hors hydrocarbures depuis des décennies moins de 3% . Or, l’efficacité du CREDOC s’inscrit dans le cadre justement d’une connection au réseau mondial de la finance car le temps c’est de l’argent alors que souvent et les citoyens algériens le savent, des mois d’intervalle séparent la réception d’un virement bancaire d’une wilaya à une autre. Un conseil pour le gouvernement : faites donc les réformes financières et introduisez progressivement le crédoc.

Question 5.-Le CREDOC ne risque t-il pas d’étouffer les PMI/PME majoritaires actuellement en Algérie ?

Cette procédure normale sous d’autres cieux risquent d’étouffer le peu d‘entreprises opérant sans la sphère réelle et les poussant à aller dans la sphère informelle, dont les PMI/PME qui constituent la majorité des entreprises privées algériennes déjà soumises à d’importantes contraintes bureaucratiques. Car peu d‘entreprises sont insérées dans le cadre des valeurs internationales comme le montrent les données au niveau du registre national du commerce pour fin 2008, la structuration des entreprise y compris publiques étant la suivante : -49,90% personnel -32,14% SNC -13,32% SARL -4,64% SPA dont Sonatrach et Sonelgaz, donc plus de 95% des entreprises sont des PMI/PME . Aussi selon nos enquêtes, auprès des opérateurs privés, pour la majorité , nous ne parlons pas d’une minorité de monopoleurs qui trouvent avantage auprès des banques publiques,mais que représentent t-ils dans la valeur ajoutée du produit intérieur brut du pays, une goutte dans un océan, fonctionnant surtout avec des inputs importés, le Credoc qui vient d’être instauré par la loi de finances complémentaires , ne facilite pas la tâche, du moment qu’on doit payer avant de recevoir la marchandise, sans les moyens de contrôle de la marchandise. Et en plus étant contraints de mobiliser le montant de la transaction au niveau de la banque qui garantit le paiement pour le fournisseur, ne pouvant pas dans la grande majorité des cas assumer cette trésorerie d’où les risques de rupture des stocks pour les entreprises n’ayant pas de fonds de roulements importants, surtout de jeunes entrepreneurs qui sont l’avenir de l’Algérie de demain. Car, la lettre de crédit, pour ces entreprises est coûteuse et profite davantage au fournisseur, le gouvernement invoquant la traçabilité supplémentaire, mais qui ne garantit en rien la possibilité de fraudes. Or, avec un transfert libre, ou de remise documentaire (remdoc), il y a domiciliation à la clé de la même façon que la lettre de crédit et donc enregistrement sur les livres comptables avec transfert et assainissement dans les six mois par la Banque centrale, la lettre de crédit n’étant l’antidote du transfert libre, car dans les deux cas de figure des circuits bancaires sont utilisés, connus et répertoriés par les banques. Par ailleurs toujours selon certaines organisations patronales privées, le crédit documentaire (crédoc) outre qu’il ne garantit en rien les surfacturations invoquées par le gouvernement, ne répond pas à ceux des clients avec cette décision sans transition ou les étrangers qui souvent ne font pas confiance à la banque algérienne et demande une confirmation de cette lettre de crédit par un établissement bancaire étranger. Enfin, la lettre de crédit répondrait à un risque pays puisque la confirmation vient également annuler toute dévaluation de la monnaie et tout risque de non-paiement lié au transfert d’argent, et donc avec l’application de cette lettre de crédit, l’Algérie serait revenue en arrière. Et là on revient à l’efficacité du système financier qui a certes des cadres valables qui n’ont rien à envier aux managers étrangers, mais évolue dans un environnement paralysant.

Question 6- Quelle conclusion de l’enquête ?

Un texte juridique que contredit souvent les pratiques sociales, car la société comme l’a démontré avec des enquêtes internationales précises , le grand spécialiste Hernando De Soto, enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner dans une sphère sociale de non droit et ce afin de contourner la myopie de certains gouvernants, n’a pas les mêmes effets dans une économie où existe un Etat de droit, la transparence, une économie structurée et un pays comme l’Algérie dominée par le monopole qu’il soit public ou privé et une bureaucratisation étouffant toute énergie créatrice. L’intelligence suppose en cette période de difficile de s’adapter aux situations spécifiques en prévoyant des paliers successifs de transition. En fin de compte tout cela renvoie à l’urgence d’une gouvernance rénovée s’adaptant tant aux mutations internes qu’ aux mutations mondiales afin de lutter efficacement contre la corruption, l’insécurité juridique qui sont des phénomènes qui entravent l’émergence d’un climat des affaires transparents en Algérie dont la valorisation du savoir,( l’accumulation organisationnelle et technologique locale impliquant de revoir le code des marchés publics car l’apprentissages a un coût mais bénéfique pour le pays ) , un système bancaire performent et la réhabilitation de l’entreprise créatrice de richesses , sont l’épine dorsale des réformes et d’un développement durable hors hydrocarbures. L’objectif stratégique est que la logique enterepreeuriale l’emporte sur la logique rentière. Et ce n’est pas en imposant aux sociétés étrangères une participation minoritaire que l’on attirera des investissements étrangers porteurs mais en valorisant la ressource humaine la richesse la plus pérenne et en établissant des mécanismes transparents de régulation.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Expert International, Président de ADEM, algerie-focus.com

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