Alger gronde. Une marée humaine à déferlé à partir de 10 heures du matin, sur la Grande poste, d’où devait s’ébranler la marche des étudiants. Le pari est réussi, et les dizaines de milliers d’étudiants frondeurs ont définitivement cassé le mur de la peur, celui du silence aussi. Les cordons de sécurités imposés dès les premières heures de la matinée, tout autour de la Grande poste, n’ont pas résisté assez longtemps. Le nombre impressionnant des étudiants armés de détermination, a vite fait la différence. Et les cordons de sécurité ont volé en éclat laissant ainsi les rangs des forces anti-émeute à la prise de la zizanie.
Changement de dernière minute. L’itinéraire de la procession -annoncé dans un premier temps, de la Grande poste au palais du gouvernement- a été revu : Cap sur la présidence ! Le mot a très vite fait le tour des lieux, et la marche s’est instantanément ébranlée vers El Mouradia. (Un lieu qui cherche, depuis quelques temps, à s’habiller de la toute symbolique, place de la protestation).
L’Etat d’urgence n’est plus !
Si les slogans repris en chœur par la jeunesse estudiantine tout au long de la marche, ont été favorables à un changement en profondeur de la vision sur l’Université algérienne, il n’en demeure pas moins que l’autre objectif atteint est incontestablement celui d’avoir brisé définitivement et concrètement la loi de l’interdit : L’état d’urgence.
En effet, bien que sa levée a été officiellement annoncée par le président de la République himself il y a quelques semaines de cela, sur le terrain de la réalité c’en était une toute autre histoire. Avant cette date du 12 Avril, faut-il le souligner, la matraque faisait office de loi. Toutes les marches, tous les rassemblements, ont été tout simplement empêchés. Désormais l’état d’urgence n’est plus, et les étudiants viennent de le prouver.
Une leçon à retenir
Il y a lieu de souligner que les étudiants ont fait preuve hier d’une maturité sans conteste. Annoncée pacifique, les étudiants ont bien tenu parole et la marche s’est bien déroulée, parfois même sous un air festif. Sous l’œil scrutateur des quelques policiers en bleu, l’encadrement par les étudiants, a été sans faille. La majorité des forces anti-émeute et de tous les corps de sécurités confondus, a été vacante tout au long de la procession. Hormis quelques policiers discrets et qui surveillaient de loin, les forces anti-émeute ont tout simplement disparu. Un ordre qui vient d’en haut ? Ou alors, nos dirigeants ont-ils enfin compris qu’il ne fallait pas se mettre en travers de toute une société engagée dans la dynamique du changement ? Pour le savoir, il faut attendre la réaction prochaine des plus hautes autorités de l’Etat face à tout ce bouillonnement de la société algérienne. Pour l’instant, les pouvoirs publics jouent plutôt la carte de l’apaisement. Jusqu’ici, ils n’ont fait que puiser dans l’argent de la rente pour venir à bout d’un mécontentement généralisé. Le message vient d’être lancé par les étudiants, demain le peuple aussi éprouvera le besoin de dire son mot. En face, les autorités du pays doivent faire preuve plutôt d’intelligence et enclencher un réel changement aussi bien sur le plan politique, économique que socioculturel. Sans quoi, le risque d’un embrasement total serait inéluctable.
Benamar Karim