Grande-Bretagne : la saga judiciaire sans fin d’Abou Qatada

Redaction

Après plus de dix ans, la saga judiciaire de Mohammed Othman, plus connu sous le nom d’Abou Qatada, n’en finit pas. A tel point que le premier ministre britannique, David Cameron, qui disait en 2012 en avoir « ras-le-bol que cet homme soit toujours en liberté dans notre pays », a d’autres migraines en perspective.

Mardi 23 avril, le gouvernement britannique a subi un nouveau revers pour obtenir l’extradition du prêcheur islamiste en Jordanie, la Cour d’appel d’Angleterre lui ayant refusé le droit de saisir la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays. Ce refus a été suivi, mercredi, par un débat devant les députés lors duquel la ministre de l’intérieur, Theresa May, a déclaré que la quasi ultime option judiciaire du gouvernement, « demander l’autorisation de faire appel directement auprès de la Cour suprême », avait été rejetée.

Qu’a cela ne tienne, Mme May a également annoncé que son gouvernement avait conclu un nouvel accord avec la Jordanie garantissant un procès équitable à Abou Qatada, qui fut l’un des chefs spirituels d’Al-Qaida en Europe, s’il est extradé en Jordanie. C’est précisément un des points qui ont bloqué à plusieurs reprises l’extradition de l’islamiste. Le 27 mars, la chambre civile de la cour d’appel de Londres, qui avait déjà bloqué son extradition, avait ainsi estimé que la qualification de « dangereux terroriste » ne suffisait pas pour s’exonérer des règles de droit en matière de « procès équitable » édictées, notamment, par la Cour européenne des droits de l’homme. La Jordanie a pourtant affirmé à plusieurs reprises avoir « fourni les garanties nécessaires pour assurer à Qatada un procès équitable ».

UN RETRAIT TEMPORAIRE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Selon Mme May, ce nouvel accord d’assistance judiciaire mutuelle « comprend un certain nombre de garanties pour un procès équitable » qui « offriront aux tribunaux l’assurance que lors d’un nouveau procès en Jordanie, Qatada ne sera pas confronté à des preuves qui auraient pu être obtenues sous la torture ». L’accord, qui doit encore être ratifié par les Parlements britannique et jordanien, n’entrera pas tout de suite en vigueur. Et quand ce sera le cas, a précisé la ministre, cela ne signifiera pas qu’Abou Qatada « sera renvoyé dans un avion en Jordanie dans les jours suivants », puisqu’il pourra faire appel de ces nouvelles décisions.

 Abou Qatada est arrivé en 1993 au Royaume-Uni, qui lui a accordé le droit d’asile au motif qu’il avait été détenu et torturé par les autorités jordaniennes en 1989 et 1990. Il a obtenu le statut de réfugié en 1994 et a été autorisé à rester dans le pays jusqu’en 1998. Puis, il a été condamné par défaut, à Amman, pour sa participation à deux complots à caractère terroriste en 1998 et 2000. D’après l’accusation, il aurait du Royaume-Uni encouragé ses partisans à commettre des attentats sur le sol jordanien. Arrêté une première fois en 2002 au Royaume-Uni, il a passé depuis la majeure partie de son temps en prison, sans avoir jamais été inculpé. Il avait déjà été remis en liberté sous caution, le 12 novembre 2012, par la Cour spéciale de l’immigration, avant d’être réincarcéré pour non-respect de son contrôle judiciaire.

Theresa May a assuré à plusieurs reprises, mercredi, « étudier toutes les options »pour obtenir l’extradition d’Abou Qatada, y compris la possibilité que le Royaume-Uni « se retire temporairement de la Convention européenne des droits de l’homme ». Cette option semble sérieusement envisagée par David Cameron, mais, comme le souligne le Guardian, elle ne ferait qu’éloigner un peu plus la possibilité d’extradition. Car les libéraux-démocrates, membre de la coalition aupouvoir, la refuse catégoriquement, ce qui signifierait que la décision serait repoussée à 2015.

Lu sur LeMonde.fr

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