Elu coordinateur national du Mouvement démocratique et social (MDS) lors du dernier congrès, Hamdi Ferhi indique dans cet entretien accordé à elwatan.com que « ce n’est pas la Constitution élaborée par le pouvoir de Bouteflika qui remettra le pays dans la voie de la démocratie, du progrès et de la justice sociale ».
Le MDS vient de tenir son congrès. Cela signifie t-il que la crise est derrière vous ?
Le MDS a tenu son congrès avec la majorité des membres du conseil national de 1999. Si la crise organique est derrière nous, il reste à construire un MDS toujours plus démocratique dans son fonctionnement et porteur des aspirations de liberté et de progrès social. La direction issue de notre congrès a la volonté pour l’un est l’autre de ces objectifs.
Que pense le MDS des évènements qui se sont déroulés en Egypte ?
Ce qui se passe dans ce pays nous concerne directement et doit interpeller tous les patriotes et démocrates. Les Frères musulmans qui n’avaient pas participé au soulèvement du peuple égyptien contre Moubarak le despote, ont préféré négocier avec l’armée. Et c’est ce compromis trouvé, avec l’aide des USA, des saoudiens et des qataris, qui les a porté au pouvoir. Une année après, Morsi, privilégiant son camp, voit se liguer contre lui tous ses alliés d’hier. Sans diminuer de l’importance de la mobilisation des forces vives de l’Égypte, force est de constater que l’armée, avec le soutien ouvert de l’Arabie saoudite, des Emirat arabes unis et des USA, est intervenue promptement pour sauver ses intérêt étroits et ceux des puissances qui la sponsorisent et stopper de ce fait tout le potentiel démocratique et du changement radical que pouvait porter cette mobilisation citoyenne. Je dirais que ce qui se passe en Egypte depuis une année obéit à un agenda international.
C’est-à-dire ?
Les islamistes en général, les Frères musulmans en particulier, ont toujours désigné Israël comme leur ennemi principal. On a vu une année après, comment le président Morsi protégeait l’ambassade d’Israël et maintenait l’embargo contre Gaza. Il n’a pris aucune initiative pour remettre en cause les accords de Camp David. Par contre, on a vu comment il s’est empressé de rompre les relations avec la Syrie au moment même où ses sponsors parlent d’un règlement politique de la crise syrienne. Les islamistes sont les meilleurs garants des intérêts néo-coloniaux et impérialistes dans le monde arabe. Et c’est la raison principale de leur accession au pouvoir.
Mais Morsi a été élu démocratiquement et a été déposé par un coup d’Etat militaire…
Cela tient à la nature de l’islamisme, même l’islamisme dit modéré veut tout pour lui. Il n’est pas capable de représenter tous les intérêts qui l’ont porté au pouvoir. Ce qui se passe en Egypte est donc le résultat contradictoire de la lutte entre les aspirations populaires et les frrères musulmans, mais aussi de la lutte interne au sein du pouvoir de l’après Moubarak. La seconde venant contrarier la première, voire la dévoyer.
Comment voyez-vous la suite des événements ?
L’internationale islamiste des quatre coins du globe se mobilise. Même le « modéré » Rachid Ghannouchi appelle les islamistes égyptiens à l’insurrection. Il est très hasardeux de pronostiquer les formes que prendront les luttes à venir en Egypte. Une chose est certaine, les événements vont s’accélérer et les luttes s’aiguiseront. L’armée va essayer de revenir sur les espaces de liberté concédés à la société, car la démocratie et les démocrates sont les véritables ennemis des systèmes politiques arabes. Tout en essayant de trouver un compromis avec certains islamistes pour les soumettre à sa stratégie. Pour les démocrates égyptiens le réveil sera dur. La participation de certains d’entre eux aux élections présidentielles a permis la promotion de l’islamisme. Ils ont permis de barrer la route au candidat de l’armée pour ensuite applaudir la destitution de Morsi, cela paie.
La situation en Egypte aura-t-elle des répercutions sur l’Algérie ?
Sans aucun doute. Si l’islamisme « modéré » a été porté par le printemps arabe, c’est que la tombe de l’islamisme radical a été creusée chez nous. Aujourd’hui, les algériens qui continuent à penser que l’islamisme est une sensibilité politique comme une autre, doivent méditer les exemples des pays où ils sont arrivés au pouvoir. L’islamisme, en plus d’être la négation de la démocratie et des droits de l’homme, est le représentant des intérêts néolibéraux des puissances occidentales. La leçon première des événements qui secouent la région doit être la disqualification de l’islamisme politique des processus politiques en cours.
En Algérie, alors que le pouvoir continue a manipuler l’islamisme et l’islam, les partis démocratiques gardent intact leurs illusions sur l’islamisme. Il n’y a pas d’autres solutions que la disqualification de l’islamisme politique. Il faut consacrer définitivement la victoire acquise sur l’islamisme au prix de sacrifices inouïs. Une nouvelle Constitution doit être rédigée et qui interdit toute utilisation de la religion à des fins politiques, y compris par le pouvoir.
Payer les frais de séjour du conseiller de l’ex FIS, Rachid Ghannouchi, avec les deniers publics, le faire accompagner par un conseiller de la présidence pour aider les islamistes à s’entendre et s’unir en vue de la présidentielle, démasque la stratégie cachée du pouvoir en place, à savoir maintenir le socle du pouvoir entre les mains des rentiers en association avec les intérêts néolibéraux occidentaux, au détriment d’une stratégie de développement durable, des travailleurs ainsi que des capitaines d’industrie publics et privés et de toutes les forces vives du pays.
Avec l’absence du chef de l’Etat, la révision de la Constitution semble différée ?
L’absence du président de la République s’ajoute à la déliquescence de l’Etat, qui n’a que ses services de sécurité à opposer aux nombreux mouvements de contestation des politiques socio-économiques du pouvoir. Le MDS refuse de s’inscrire dans la logique que veut imposer le système en place. Nous nous inscrivons en porte à faux avec tout ce qui se dit et se fait dans les conciliabules sans principes de la classe politique. Le président Bouteflika n’est qu’une partie du problème, qu’il soit présent ou absent. C’est sa politique de réconciliation nationale qui a tourné le dos aux sacrifices du peuple algérien, et qui est la source de tous nos problèmes. C’est l’impunité de crimes innommables qui est à la source de toutes les dérives, dont la corruption qui atteint tous les segments de l’Etat et de la société. Et ce n’est pas la Constitution élaborée par le pouvoir de Bouteflika en vase clos qui remettra le pays dans la voie de la démocratie, du progrès et de la justice sociale.
Préparez vous une initiative en vue des présidentielles de 2014 ?
Le MDS refuse d’être soumis à un quelconque agenda qui ne soit élaboré en concertation avec les forces démocratiques. Cela est d’autant plus vrai quand les manœuvres du pouvoir et de ses relais politico-médiatiques visent à contrarier les aspirations de ces forces. Le MDS travaille avec toutes les catégories en lutte, chômeurs, gardes communaux, syndicats, les démocrates les plus conséquents pour construire un large front politico-social afin d’édifier une 2ème République qui exclut toutes les forces de la régression et liées au néolibéralisme mondial. Et nous le faisons quelques que soient les pressions. Nous ne changerons pas nos objectifs même si le siège national est en permanence encerclé par les forces de sécurités. Notre pays n’a pas besoin seulement d’un Président, l’Algérie a besoin de retrouver espoir. Le MDS travaille dans ce sens.
Propos recueillis par Mehdi Bsikri
Lu sur El Watan