Non l’équipe nationale algérienne n’a pas démérité. Et quelque soit le résultat le mercredi 18 novembre 2009, elle aura réalisée ce qu’aucun gouvernement depuis plus de 40 ans n’a réussi : réconcilier les Algériens avec eux mêmes. Jamais de mémoire depuis l’indépendance politique une fièvre de liesse populaire en faveur du drapeau national n’a eu lieu comme en ces journées à la veille du match de football Algérie Egypte, de l’Est à l’Ouest en passant du Centre au Sud. Des immeubles, des maisons, des voitures, bus et camions décorés de drapeaux.
Qu’elles sont belles ces petites filles et qu’ils sont beaux ces petits garçons, innocents et sans calculs monétaires, habillés du drapeau Algérie. Jamais, même pendant les fêtes de l’indépendance on n’a pas vu cela et cela a été constaté le dernier 01 novembre 2009, fête passée presque inaperçu auprès de la population, les autorités d’un coté et la population de l’autre. Cela ne signifie pas que les Algériens n’accordent pas une importance à cette importante fête mais qu’ils la fêtent à leur manière, la plus sure et la plus sincère dans le cœur. Et au soir du 14 décembre 2009, comment ne pas contempler avec tristesse, ces enfants, ces adultes larmes au yeux de toutes les régions du pays, tout en espérant pour le 18 novembre.
Ainsi, l’Algérie se trouve réconcilier avec elle-même, grâce à cette jeunesse dynamique bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures. Cette jeunesse qui renoue avec celle de 1962 (le même age bien que l’Algérie soit indépendante depuis plus de 47 ans) qui avait fêté l’indépendance nationale ou celle de la guerre de libération nationale, en brandissant avec fierté également le drapeau Algérie. L’équipe nationale réconcilie également l’Algérie avec sa communauté émigrée puisque plus de 90% est constituée d’émigrés montrant qu’un Algérien sportif, intellectuel, ou opérateurs économiques, évoluant dans un autre environnement , loin des tracasseries bureaucratiques s’épanouit. On ne peut faire revenir les « génies », il ne faut pas se tromper de cibles, que si on améliore d’abord le sort de ceux qui sont sur place pour éviter également leur départ par leur revalorisation et surtout par la considération supposant un renversement des échelles de valeur reposant sur l’intelligence et non sur les rentes, hélas les pratiques sociales contredisant souvent les discours si nobles soient-ils.
Cette mobilisation citoyenne est donc sans pareille et que ni les déclarations des autorités , ni les injonctions administratives du Ministre de l’éducation nationale ou celui du Ministre de la solidarité n’avaient permises , démontrant malheureusement un divorce croissant Etat- citoyens que les autorités devraient méditer avec une extrême attention au lieu de se contenter d’une distribution passive de la rente des hydrocarbures, pour une paix sociale éphémère,car ne relevant pas d’une bonne politique socio- économique hors rente, ni d’une bonne gouvernance, partage de surcroît inégalitaire comme en témoigne les enrichissements sans efforts et la course aux rentes : voyez la course déplorable récente au poste de sénateurs d’une minorité de rentiers coupée de la population .
Je n’oublierai pas cette scène du 11 novembre 2009 où 10 jeunes filles et garçons âgés de 15 à 20 ans sont venus me voir en déclarant je les cite «monsieur Mebtoul , nous sommes des jeunes sans argent et nous sommes venus pour vous demander de nous aider à cotiser pour l’achat de drapeaux. Vous devez nous aider si vous êtes nationalistes. Nous nous adressons à des citoyens bénévoles. Nous ne voulons pas nous adresser aux Partis et aux organisations gouvernementales ».
Et oui qui a dit que les Algériens n’aimaient pas leurs pays puisque la leçon vient de jeunes qui donnent des leçons aux adultes. Or, la leçon que l’on peut tirer de ces déclarations de jeunes sans arrières pensées, est que ce serait une grave erreur politique de certains partis politiques ou responsables en mal de publicité de faire de cette mobilisation spontanée une adhésion à leur politique et s’il y a eu cette immense mobilisation, c’est que le politique est hors jeu. Car, selon l’adage l’espoir fait vivre, la majorité des Algériens s’attache, faute de mieux avec la détérioration de leur niveau de vie sur le plan socio-économique, à des signes d’espoir et que la leçon des harragas témoigne d’une situation de désespoir que certains responsables malveillants tentent de banaliser alors qu’ils constituent un social profond.
Aussi, comment ne pas penser à donc à l’avenir de cette jeunesse car l’Algérie dans 20 ans c’est -à dire demain, avec une population qui approchera 50 millions d’habitants avec l’épuisement des ressources en hydrocarbures, l’âge moyen de nos filles et garçons d’environ 20 ans en 2009, sera dans 20 ans de 40 ans et entre temps ayant une exigence comme tout Algérien avoir un emploi, un logement, se marier , avoir des enfants, donc une demande sociale croissante, donc une obligation, gouverner supposant de prévoir, pour tout gouvernement de préparer l’ère de l’ après pétrole pour les générations futures. Le mach passera et l’Algérie sera toujours confrontée au même problème c’est-à-dire un problème avant tout de développement lié à la bonne gouvernance. Comme on ne peut isoler le sport d’une vision d’ensemble: les joueurs la majorité étant des émigrés retourneront à l’étranger , et où est donc cette équipe locale témoignant de l’échec de la politique sportive , malgré des sommes folles dépensées, ayant favorisé ,comme pour d’autres secteurs , le départ de l’élite qui à l’étranger étant informée au jour le jour par Internet est surtout attentive au vécu de ses compatriotes .
Au vu de cette immense énergie de la population, femmes et hommes, l’Algérie a toutes les potentialités pour devenir un pays pivot et relever les défis du développement face à la mondialisation, en ce monde en perpétuel mouvement, impitoyable où toute Nation qui n‘avance pas recule. En fait, la population algérienne à travers cette mobilisation unique depuis l’indépendance demande plus de liberté, plus de justice sociale récompensant le travail et l’intelligence et non les rentes en contrepartie de soumissions de clientèles, en un mot un Etat de droit et la démocratie sans renier ses valeurs culturelles.
En résumé, je tiens à remercier vivement l’équipe nationale pour ce renouveau d’espoir qu’elle a suscité au profit exclusif de l’Algérie et quelque soit le résultat le 18 novembre 2009. Je souhaite, que le prochain match Algérie- Egypte se déroule dans la sérénité et l’esprit sportif quia toujours animé notre équipe nationale. Car, la leçon principale que l’on peut tirer est que la population algérienne d’une manière générale et notre jeunesse d’une manière particulière ( 70% de la population) est capable de miracles pour peu que on lui tienne un discours de vérité grâce à une nouvelle communication et une gouvernance rénovée, et ce grâce à une mobilisation citoyenne, condition pour le développement de l’Algérie. Car face à des mesures autoritaires bureaucratiques centralisées sans adhésion et concertation, l’autosatisfaction source de névrose collective, la faiblesse de contrepoids politiques et économiques, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner dans un Etat de non droit, le dialogue permanent et le respect du contrat gouvernants/gouvernés étant la seule voie du dépassement du statut quo et de la crise multidimensionnelle qui secouent actuellement l’Algérie.
Docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert International Professeur des Universités