Français et algérien, Henri Sanson, décédé en octobre 2010, s’est penché sur la relation de l’ancien président algérien Houari Boumédiène à l’Islam. Son étude, intitulée “L’Islam de Houari Boumédiène”, analyse la vie de l’homme politique sous une perspective religieuse.
Houari Boumédiène, qui est le successeur du premier président de la république algérienne démocratique et populaire Ahmed Ben Bella, devient chef de l’Etat le 19 juin 1965. C’est à cette date que Sanson remarque un basculement dans la façon dont l’homme politique envisage l’Islam.
Avant 1965, Boumédiène a un rapport très personnel à la religion. Il est né de parents musulmans, a étudié à Constantine puis en Tunisie avant d’être étudiant à la célèbre l’université El Azhar du Caire. Là, il devient “musulman de connaissance” en approfondissant ses savoirs sur sa propre croyance. Pendant ses années universitaires, le jeune Boumédiène milite sans relâche pour la cause de l’indépendance et devient rapidement un des théoriciens de la révolution les plus connus.
Pour lui, Islam et révolution sont deux notions reliées : c’est par l’un que l’autre se réalise, et inversement.
Lorsqu’il accède au pouvoir présidentiel en 1965, sa pratique de l’Islam se modifie drastiquement. Tout en restant musulman, Boumédiène renvoie sa religiosité à la sphère privée. Ses discours, paroles et même ses actes sont “déconfessionalisés”. Il s’en prend à l’utilisation de la religion à des fins nationalistes et s’en prend aux fanatiques. Un détail intriguant est qu’il s’adressera toujours aux chefs d’Etats musulmans en ayant un langage différent de celui qu’il utilise en s’adressant au peuple algérien. Boumédiène réintégré les codes confessionnaux lors des rencontres officiels.
Loin de rejeter la pratique religieuse, l’ancien président la renvoie dans la vie privée. Il ne se pose jamais en réformateur de l’Islam qu’il dit devoir dépasser pour se concentrer sur la révolution sociale.
Lors de l’adoption de la constitution de 1976, il approuve l’Islam comme religion d’Etat, définissant ainsi l’Algérie dans une perspective religieuse. Au travers du texte de la constitution, on comprend alors la philosophie de Boumédiène : l’Etat a deux sources, l’Islam et la Révolution.
Ces deux sources correspondent néanmoins à des fois différentes. Il ne s’agit pas de confondre engagement politique et pratique religieuse. La révolution n’est pas une religion et l’Islam n’est pas un combat politique. Selon Sanson, Boumédiène entend garder chaque chose à sa place.
En 1976, c’est également lui qui créé le Haut Conseil Islamique ainsi que le ministère des affaires religieuses.
Islam et Révolution, deux notions au coeur de la pensée de Boumédiene, qui a voulu construire une nation nouvelle et différente, islamo-révolutionnaire. On peut se demander, en 2012, à la lumière de l’histoire, si cette conception, datée de plus de 30 années déjà, trouve encore une légitimité dans la pensée philosophico-politique de l’Algérie contemporaine.
Sarah Haderbache