Dimanche dernier, les représentants du mouvement citoyen contre l’exploitation du gaz de schiste d’In Salah s’attendaient à une délégation présidentielle conduite par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, ou par le directeur de cabinet à la Présidence, Ahmed Ouyahia. Cela n’a été point le cas.
Contre toute attente, c’est le directeur général de la sûreté nationale (DGSN), le général-major Abdelghani Hamel qui a finalement incarné le rôle d’émissaire de Abdelaziz Bouteflika. Quoique son mandat d’envoyé personnel du chef de l’Etat n’a pas été assumé officiellement, c’est tout le monde qui l’aura compris à l’issue de sa rencontre avec les délégués des manifestants, à commencer par ces derniers. Mais cette mission très spéciale confiée au chef de la police nationale, ayant suscité moult lectures et interprétations, n’est que la face visible de l’iceberg.
En effet, le DGSN était accompagné de tout une délégation. Qui étaient donc ses accompagnateurs? Que se sont dit les dialoguistes? Ce que l’on sait pour l’instant se résume en l’engagement de Hamel à transmettre les revendications des manifestants « en mains propres » au Président de la République. On sait aussi que le comité de coordination du mouvement citoyen contre l’exploitation du gaz de schiste d’In Salah s’est félicité de l’oreille attentive que leur a prêtée l’émissaire de Bouteflika. Les deux parties se sont également mises d’accord pour garder le calme, préserver le caractère pacifique de la manifestation et éviter tout risque de débordement.
Cependant, une source sûre , ayant requis l’anonymat, rompt le silence et ajoute de l’eau aux moulins des acteurs politiques et de la société civile ayant interprété l’intermédiation du DGSN comme une « gestion sécuritaire » de cette crise de gaz de schiste. « Hamel était accompagné par un fils du cheikh de la zaouïa de Reggani d’Adrar. Le DGSN a présenté son accompagnateur comme un fakih en Islam. Or, Moulaï Abdelkader Reggani que Hamel a fait passer pour le chef spirituel de la très influente zaouïa du même nom a été engagé depuis plusieurs années dans le corps de la Garde Républicaine en récompense à son soutien à Bouteflika durant les élections présidentielles », affirment nos sources.
En prenant la parole lors de la rencontre, Moulaï Abdelkader Reggani a versé dans la morale pour secouer la fibre religieuse des représentants des manifestants d’In Salah, une région très conservatrice. « Abdelkader Reggani a voulu nous enseigner la parole de Dieu en nous sermonnant quant à la participation des femmes à nos actions de protestation. Pour lui, cela est contraire aux préceptes de l’Islam », ajoutent nos sources. Pour battre en brèche ce qu’ils considèrent comme une « tentative d’affaiblissement du mouvement », les protestataires ont fait appel à un Reggani, d’In- Salah celui-ci, mais proches de ceux d’Adrar. « En fin religieux, il (Reggani d’In-Salah) a démontre à son cousin lointain (Abdelkader Reggani) que la présence des femmes ne constituait nullement un péché. Il lui a cloué le bec et Hamel est resté bouche bée », témoignent enfin nos sources.