Inondations meurtrières en Algérie entre chaos et héroïsme, un Sud dévasté

Redaction

Inondations meurtrières en Algérie entre chaos et héroïsme, un Sud dévasté

La pluie, rare mais meurtrière

C’est un drame aussi spectaculaire que tragique qui s’est abattu sur le sud de l’Algérie et les Hauts-Plateaux ces dernières 24 heures. Des pluies diluviennes ont transformé des oueds en torrents déchaînés, emportant tout sur leur passage, vies humaines et infrastructures. Avec des précipitations atteignant jusqu’à 70 millimètres dans certaines localités, des régions désertiques, habituées à la sécheresse, ont vu leurs rues se transformer en rivières, créant des scènes de chaos rarement observées dans cette partie du pays.

Les wilayas de Tindouf, Béchar, Naâma, El Bayadh, Ain Sefra, Tamanrasset, Illizi, El Oued, Sidi Bel-Abbès, Ghardaïa, Saïda, parmi d’autres, sont sous l’eau. Des crues impressionnantes ont rendu des axes routiers impraticables, isolant certaines régions du reste du pays. Mais au-delà des dégâts matériels, ce sont surtout les pertes humaines qui marquent cette catastrophe.

Des vies emportées, des familles dévastées

Le bilan humain s’alourdit d’heure en heure. Ce dimanche 8 septembre, la Protection civile a retrouvé les corps sans vie de trois personnes emportées par les crues dans les wilayas de Tamanrasset et Naâma. Deux victimes à Tamanrasset et une autre à Naâma viennent s’ajouter à une fillette dont le corps avait été repêché plus tôt à Illizi.

À Tamanrasset, l’un des épicentres du drame, les secouristes ont bravé des torrents déchaînés pour tenter de sauver les personnes prises au piège par les flots. Une personne est toujours portée disparue, emportée par les eaux de l’oued Tanghakli, à proximité de la ville. Les recherches se poursuivent, alors que l’espoir de retrouver des survivants s’amenuise à chaque heure qui passe.

À Boumesmghoune, dans la wilaya d’El Bayadh, les pompiers sont également à la recherche d’une autre personne disparue, emportée par les eaux alors qu’elle se trouvait dans un camion avec un autre passager, qui a miraculeusement été sauvé.

« Nous avons entendu un grondement sourd, puis l’eau a tout emporté. En un instant, tout ce que nous connaissions a été submergé », raconte Ahmed, un habitant de Tamanrasset dont le quartier a été particulièrement touché. « Mon voisin a tenté de sauver sa fille, mais les eaux étaient trop fortes. Il ne l’a plus jamais revue. »

Des sauveteurs héroïques dans un paysage de désolation

Si la tragédie frappe de plein fouet les familles des victimes, elle met aussi en lumière le courage sans faille des équipes de secours. La Protection civile, mobilisée en masse, a réalisé des sauvetages héroïques dans des conditions dantesques. Une vidéo partagée sur les réseaux sociaux montre un enfant de 8 ans, réfugié sur un monticule, entouré par des flots boueux et furieux. Les secouristes, défiant les torrents, parviennent à l’extirper de ce piège aquatique, au milieu des cris de soulagement de la foule.

« C’était une situation critique. L’eau montait rapidement et l’enfant était terrifié. Mais grâce à la coordination des équipes, nous avons pu le sauver », explique un membre de la Protection civile. Des dizaines d’autres personnes ont été sauvées d’une mort certaine dans les wilayas de Béchar, Sidi Bel-Abbès et Tamanrasset.

Face à l’ampleur des dégâts, les autorités ont envoyé d’importants renforts vers les régions les plus touchées. Des unités de la Protection civile basées dans le nord du pays ont été déployées en urgence pour prêter main forte à leurs homologues du sud, débordés par l’ampleur de la catastrophe.

Une situation météorologique exceptionnelle

Ces inondations sont d’autant plus surprenantes qu’elles se sont produites dans des régions arides, où la pluie est habituellement rare et bien loin des niveaux actuels. Météo Algérie avait émis un bulletin météo spécial (BMS) annonçant des précipitations pouvant atteindre 50 millimètres dans les wilayas de Tindouf, Béni Abbès, Béchar, Naâma, El Bayadh, Saïda, Tiaret, Djelfa, Laghouat et Sidi Bel Abbès. Cependant, la violence des précipitations a surpassé toutes les prévisions.

Les oueds, souvent à sec, sont soudainement devenus des torrents dévastateurs, emportant véhicules, maisons et ponts. « Ce sont des phénomènes que nous n’avions jamais vus auparavant », explique Fatima, une habitante de Béchar. « Il y a toujours eu des oueds, mais jamais de telles crues. Nous avons vu l’eau monter en l’espace de quelques minutes. C’était terrifiant ».

Les experts pointent du doigt le changement climatique, qui perturbe les régimes météorologiques traditionnels de la région. Les pluies torrentielles qui se sont abattues sur le sud de l’Algérie ces derniers jours pourraient n’être qu’un avant-goût de catastrophes climatiques à venir si des mesures d’adaptation ne sont pas mises en place rapidement.

Des infrastructures insuffisantes face à la catastrophe

L’ampleur des dégâts matériels témoigne d’une autre réalité : celle de l’insuffisance des infrastructures face à de telles catastrophes naturelles. Dans de nombreuses localités, les systèmes de drainage sont inexistants ou inadaptés. Les habitations précaires, souvent situées dans des zones à risque, n’ont pas résisté à la puissance des flots. Les routes, qui constituent le seul lien entre les villes et villages du sud, ont été coupées, isolant des communautés entières.

« Nous avons vu des voitures emportées comme des jouets », raconte Mohamed, chauffeur de bus à Naâma. « Les routes sont devenues impraticables en quelques heures, et des dizaines de véhicules ont été bloqués. Sans les secouristes, de nombreuses vies auraient été perdues. »

L’urgence de la situation a poussé les autorités à prendre des mesures immédiates pour sécuriser les infrastructures essentielles. Des opérations de pompage d’eau ont été effectuées dans plusieurs quartiers inondés, notamment à Béchar et Sidi Bel-Abbès, afin de limiter les dégâts et permettre aux habitants de regagner leurs domiciles.

Le bilan humain, un rappel tragique

Le bilan actuel est lourd : au moins quatre personnes ont perdu la vie, des dizaines d’autres ont été sauvées in extremis, et des disparus sont toujours recherchés. Pour les familles touchées, la douleur est immense. « Nous n’avons plus rien. Mon frère a été emporté par les flots. Nous ne savons pas s’il est encore en vie », raconte, les larmes aux yeux, Hana, une habitante de Tamanrasset.

La Protection civile a multiplié les appels à la prudence, exhortant les citoyens à ne pas traverser les oueds en crue, que ce soit à pied ou en voiture, et à surveiller les enfants. Mais dans une région où la pluie est rare et les crues imprévisibles, la vigilance seule ne suffit pas toujours à éviter le drame.

Une mobilisation nationale nécessaire

Face à l’ampleur de la catastrophe, des voix s’élèvent pour réclamer une meilleure préparation aux catastrophes naturelles. « Ce n’est pas la première fois que des inondations frappent l’Algérie, mais il est évident que nous manquons de moyens de prévention efficaces », souligne Rachid Merzouk, expert en gestion des risques climatiques. « Il est urgent d’investir dans des infrastructures résilientes et d’améliorer la sensibilisation des populations ».

Le changement climatique, combiné à l’urbanisation rapide et à la déforestation, rend les régions du sud de plus en plus vulnérables à ce type de phénomènes météorologiques extrêmes. Il est impératif que les autorités algériennes prennent des mesures pour adapter les infrastructures et renforcer la résilience des communautés face à ces nouveaux défis.

Un avenir incertain

Les inondations qui frappent actuellement le sud de l’Algérie ne sont pas seulement un événement météorologique dramatique. Elles sont le symbole d’une région qui se retrouve de plus en plus exposée aux caprices d’un climat en mutation. Si la mobilisation des services de secours et de la Protection civile a permis de sauver des dizaines de vies, le bilan humain et matériel reste lourd.

Dans les jours à venir, les recherches se poursuivront pour retrouver les personnes disparues, tandis que les efforts de reconstruction commenceront à peine. Mais la question demeure : l’Algérie est-elle prête à faire face à un futur où les catastrophes climatiques pourraient devenir de plus en plus fréquentes ?

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