Une montée en puissance inattendue
2023 aura marqué un tournant dans l’histoire économique de l’Algérie. Dans un contexte international incertain, marqué par les tensions géopolitiques et les ralentissements économiques post-pandémie, le pays a su tirer son épingle du jeu en attirant des investissements directs étrangers (IDE) records. Avec un flux d’1,21 milliard de dollars, l’Algérie s’est non seulement imposée comme le pays maghrébin le plus attractif pour les investisseurs étrangers, mais elle figure également dans le top 20 africain des nations les plus prisées en termes d’IDE, selon le rapport 2024 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
Pourtant, cette performance n’était pas écrite d’avance. En 2022, l’Algérie n’avait enregistré qu’un modeste flux d’IDE de 255 millions de dollars, ce qui rend d’autant plus impressionnante la hausse de 374 % enregistrée l’année suivante. Mais quels sont les facteurs qui expliquent cette ascension spectaculaire ? Et comment le pays a-t-il réussi à attirer des investissements étrangers dans un environnement concurrentiel intense ?
La réforme du cadre juridique : un déclencheur décisif
L’un des principaux moteurs de cette attractivité réside dans la loi sur l’investissement promulguée en 2022. Cette réforme a été conçue dans le but d’améliorer le climat des affaires en Algérie, en mettant en place un cadre juridique plus favorable aux investisseurs nationaux et étrangers. Parmi les dispositions phares de cette loi, figure la possibilité pour « toute personne physique ou morale, nationale ou étrangère, résidente ou non résidente » d’investir librement dans le pays. Cette mesure a permis d’instaurer un climat de confiance et de réduire les barrières bureaucratiques qui, par le passé, dissuadaient de nombreux investisseurs.
« La nouvelle loi sur l’investissement a joué un rôle crucial dans la réévaluation du risque pays par les investisseurs étrangers« , explique Rachid Khelifa, consultant en stratégie basé à Alger. « Elle offre des garanties, notamment en matière de rapatriement des capitaux et de protection contre l’expropriation, ce qui était un frein majeur auparavant.«
En effet, l’un des principaux défis pour l’Algérie avait été de rassurer les investisseurs internationaux quant à la sécurité de leurs investissements. La nouvelle loi garantit désormais la protection des biens et des capitaux des investisseurs, en plus de prévoir des incitations fiscales et des facilités administratives pour les projets jugés prioritaires pour le développement du pays.
Les secteurs clés de l’attractivité
L’Algérie a su diversifier son portefeuille d’opportunités d’investissement au-delà du traditionnel secteur des hydrocarbures, qui a longtemps été l’épine dorsale de son économie. Si le pétrole et le gaz continuent de jouer un rôle prépondérant – représentant encore environ 60 % des recettes budgétaires – de nouveaux secteurs émergent comme des moteurs d’attraction pour les investisseurs étrangers.
L’agriculture saharienne : une promesse verte
L’un des domaines les plus prometteurs est sans doute celui de l’agriculture saharienne. Le gouvernement algérien, conscient de la nécessité de réduire sa dépendance aux importations alimentaires, a lancé de grands projets pour exploiter les terres fertiles du sud du pays. L’un des plus ambitieux est le développement de fermes géantes dans le Sahara, où des technologies de pointe, telles que l’irrigation au goutte-à-goutte et les serres solaires, permettent de cultiver en plein désert.
Ce secteur a déjà attiré des investissements majeurs, notamment dans la production de tomates sous serre à El M’ghair et dans une ferme géante de 270.000 vaches à Adrar. « L’agriculture est un secteur qui offre un retour sur investissement rapide », précise Samira Bouchareb, économiste spécialisée dans le développement durable. « Avec les bonnes technologies et un accès à l’eau maîtrisé, l’Algérie peut devenir un exportateur net de produits agricoles, même depuis le Sahara.«
Les mines et les ressources naturelles : un potentiel inexploité
L’Algérie possède également d’immenses réserves minières, encore largement sous-exploitées. Le gouvernement a d’ailleurs intensifié ses efforts pour attirer des partenaires étrangers dans l’exploration et l’exploitation des mines de fer, de phosphate et d’or. Les récentes découvertes de gisements prometteurs dans les régions de Tindouf et de Tébessa ont suscité l’intérêt de groupes miniers internationaux.
Dans un rapport publié en 2023, le ministère de l’Énergie et des Mines a estimé que les ressources minières algériennes pourraient générer des revenus annuels dépassant les 10 milliards de dollars si elles étaient pleinement exploitées. Ce potentiel attire désormais des entreprises du monde entier, notamment chinoises et turques, prêtes à investir massivement dans des infrastructures minières et de transformation.
Des IDE en forte hausse : l’Algérie domine le Maghreb
Avec un flux d’1,21 milliard de dollars d’IDE en 2023, l’Algérie a surpassé ses voisins maghrébins en termes d’attractivité pour les investisseurs étrangers. En deuxième position, le Maroc a attiré 1,09 milliard de dollars, se classant à la 16ᵉ place en Afrique, juste derrière l’Algérie. Quant à la Mauritanie, elle a enregistré un flux de 873 millions de dollars, clôturant ainsi le top 20 africain.
Mais cette domination régionale s’inscrit dans un contexte plus global. À l’échelle du continent, l’Afrique a reçu des IDE d’un montant total de 52,63 milliards de dollars en 2023, une baisse de 3 % par rapport à l’année précédente. Pourtant, l’Algérie a su maintenir une trajectoire ascendante, profitant de la hausse des prix des matières premières et des nouvelles opportunités offertes par sa réforme du climat des affaires.
Les défis qui persistent
Si l’Algérie se distingue par sa capacité à attirer des investissements étrangers, plusieurs défis structurels freinent encore son développement économique à long terme. Le climat des affaires, bien que nettement amélioré par la réforme de 2022, demeure marqué par une certaine opacité administrative et des lourdeurs bureaucratiques. De nombreux investisseurs étrangers continuent de se plaindre des délais pour obtenir des autorisations et des problèmes de corruption qui peuvent compliquer la réalisation des projets.
« Le gouvernement doit aller plus loin dans la simplification des procédures administratives« , estime Ali Mourad, PDG d’une société étrangère opérant dans le secteur des infrastructures en Algérie. « Le potentiel est là, mais le manque de transparence et les difficultés d’accès au financement restent des obstacles majeurs.«
La question de l’accès au marché financier algérien constitue également un frein à l’investissement. Malgré les efforts du gouvernement pour encourager l’émergence d’un secteur privé dynamique, les banques algériennes restent fortement dépendantes de l’État, et l’accès au crédit pour les investisseurs étrangers demeure limité. La modernisation du secteur bancaire et la promotion d’un système financier plus inclusif seront cruciales pour consolider les acquis de l’Algérie dans le domaine des IDE.
les investisseurs s’expriment
Malgré ces défis, certains investisseurs continuent de voir l’Algérie comme une terre d’opportunités. Martin Dupont, directeur des opérations d’une multinationale française dans le secteur de l’agro-industrie, confie : « L’Algérie a un potentiel énorme, notamment dans le domaine de l’agriculture et des énergies renouvelables. Les réformes récentes sont encourageantes, même si des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer la gouvernance. »
De son côté, Mehmet Kaya, un investisseur turc actif dans le secteur minier, estime que l’Algérie est devenue une destination incontournable pour les entreprises cherchant à se développer en Afrique du Nord. « Les gisements miniers du pays sont impressionnants. Avec les bons partenariats, il est possible de réaliser d’énormes profits tout en participant au développement local. »
Vers une diversification économique durable ?
L’attractivité croissante de l’Algérie pour les investissements directs étrangers pourrait constituer un levier essentiel pour diversifier une économie encore trop dépendante des hydrocarbures. Toutefois, la durabilité de cette stratégie repose sur la capacité du gouvernement à maintenir le cap des réformes et à créer un environnement stable et prévisible pour les investisseurs.
Le chemin reste semé d’embûches, mais les premiers résultats sont encourageants. Avec une politique proactive en faveur de la diversification économique et un engagement à améliorer encore le climat des affaires, l’Algérie pourrait non seulement se hisser parmi les pays les plus attractifs du continent africain, mais aussi affirmer son rôle de leader régional au Maghreb.
L’Algérie, entre promesses et réalités
Avec une hausse spectaculaire des IDE en 2023, l’Algérie a démontré sa capacité à capter l’attention des investisseurs étrangers, notamment grâce à sa réforme du climat des affaires. Toutefois, des défis structurels persistent et nécessitent des réformes profondes pour garantir la durabilité de cette dynamique.
L’avenir dépendra de la capacité du gouvernement à surmonter les obstacles administratifs et financiers qui freinent encore le plein potentiel économique du pays. Si ces défis sont relevés, l’Algérie pourrait bien devenir une destination phare pour les investisseurs dans les années à venir.