Khelil, un américain bien tranquille

Redaction

Les Algériens suivent avec un intérêt mêlé de scepticisme les nouvelles sur le mandat d’arrêt contre Chakib Khelil, son épouse, ses deux enfants et son «homme» à Sonatrach, Rédha Hamche, et son «intermédiaire», Farid Bedjaoui. 

Le procureur général, Belkacem Zeghmati, a affirmé que la justice algérienne n’a pas «suivi» les autres mais a agi, par elle-même, en suivant la procédure. Mais au sein de l’opinion publique, l’idée est répandue que la justice algérienne ne pouvait plus éviter de passer à ce stade en raison de la multiplication des informations scabreuses pour l’ex-ministre en provenance d’Algérie. L’annonce du mandat d’arrêt international contre le «patron» du secteur de l’énergie en Algérie depuis 1999 est intervenue le jour même où la cheville ouvrière du système de corruption de Saipem, Pietro Varone, se retrouvait face aux juges. Et les attendus du juge d’instruction du parquet de Milan en charge du dossier sont accablants pour l’ancien ministre. Le système Verone-Bedjaoui est en fait le système Khelil, le «patron» qui avait le pouvoir d’octroyer des contrats. Et se faisait ainsi rétribuer par la compagnie italienne via «le jeune» ou le «neveu du système».

Le mandat d’arrêt algérien concerne désormais tous ceux qui, selon les actes de la justice italienne, ont profité des commissions de 197 millions de dollars perçus sur sept contrats de 8 milliards d’euros. Un taux de 2,5% qui paraît presque «minime» et qui donne à penser que l’on n’est que devant la partie immergée du scandale. La «lenteur» de la justice algérienne devenait un sujet de presse surtout qu’en Italie, les journaux n’en finissaient pas de donner des détails croustillants. Pietro Varone y explique que l’entreprise destinataire des commissions, la «Pearl Partners, et Bedjaoui sont la même chose». Mieux, «Bedjaoui a dit clairement qu’il donnait l’argent au ministre de l’Energie, Khelil», a-t-il affirmé. A sa femme, à ses deux enfants. On mange en famille chez les Khelil.

UNE MESURE CONSERVATOIRE RATEE 

Pour un observateur de la vie publique algérienne, «le mandat d’arrêt est devenu inévitable» en raison de ce flux irrépressible d’informations «sourcées» auprès de la justice italienne. Le procureur général, Belkacem Zeghmati, refuse ce «linkage» et affirme que la procédure judiciaire algérienne n’a pas été engagée «suite à la mobilisation de la justice internationale». Selon lui, «l’instruction du dossier +Sonatrach 2+ se veut le prolongement du dossier +Sonatrach 1+» et elle n’en est qu’à «ses débuts; elle se poursuit et se déroule dans de bonnes conditions». Selon lui, les résultats de l’enquête «constituent un important acquis pour la justice algérienne, car révélant l’existence d’un véritable réseau international de corruption dont les ramifications s’étendent à quatre continents». Des juristes font remarquer cependant que des mesures conservatoires d’interdiction de sortie du territoire de Chakib Khelil auraient pu être prises à temps pour garder l’ancien ministre à la disposition de la justice.

Les informations et les soupçons de corruption étaient suffisamment étayés depuis le début de l’année pour l’envisager sans porter atteinte au principe de la présomption d’innocence. Dans ce domaine, il est difficile de ne pas observer que la justice algérienne n’a pas pris en compte le risque, plus que probable, que l’homme quitte le pays sans retour. C’est bien ce qu’il a fait. Le procureur Zermati a expliqué que malgré les perquisitions effectuées au domicile de l’ancien ministre, mais que ce dernier «n’était pas inculpé au moment où ses domiciles étaient fouillés».

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