L’immobilier flambe à Oran. Les prix de vente s’affolent. Tout comme ceux de la location. «Les habitations individuelles sont hors de portée. Si vous ne disposez pas d’au moins 2 milliards de centimes, alors mieux vaut s’abstenir», nous dit un agent immobilier bien au fait du marché local. Ce médecin reconverti en agent immobilier dit vouloir changer de travail. «On ne peut plus travailler dans ces conditions. On tourne en rond. L’activité est morose», soutient-il.
Notre interlocuteur, qui préfère témoigner sous couvert de l’anonymat, a sa propre théorie qui explique ce phénomène inflationniste. Pour lui donc, la spéculation et les soupçons de blanchiment d’argent dans le secteur de l’immobilier ne sont pas les principales causes de la flambée de l’immobilier à Oran. «Faut pas croire n’importe quoi. D’abord, on ne peut pas parler de spéculation alors qu’il n y a même pas de marché immobilier structuré. La spéculation ne peut exister dans l’anarchie. Ensuite, tous les Algériens ne sont pas des trafiquants de drogue qui blanchissent l’argent dans des apparts haut standing. Le phénomène existe, mais il est mineur», explique-t-il. «De plus, même ceux qui blanchissent l’argent ne sont pas dupes. Les prix exercés actuellement sur le marché local sont surréalistes. C’est-à-dire qu’ils ne répondent pas à des critères objectifs. Investir dans ces conditions seraient risqué», précise-t-il.
Pour notre agent immobilier, les vraies raisons de cette inflation sont à chercher du côté des vendeurs de biens immobiliers. «J’aimerais bien tomber dans la facilité et vous dire, comme tous les responsables le ressassent, que c’est la spéculation. Mais ma pratique quotidienne m’enseigne d’autres choses », précise-t-il.
Selon lui, la raison fondamentale à la folie de la mercuriale immobilière est un mélange d’auto-surestimation des prix des biens immobiliers par leurs propres propriétaires, combinée à un phénomène de rumeur qui impose les «fantasmes de certains comme donnée de marché».
Explications : Notre interlocuteur note que certains vendeurs n’hésitent pas à donner de fausses propositions d’achat pour leurs biens immobiliers. Cette pratique est connue dans les milieux des affaires pour déterminer la valeur exacte du produit. «Des personnes fantasment sur leurs biens en mentant sur les propositions faites. La somme indiquée, par la force de la rumeur, devient vite une donnée réelle pour la région dans laquelle se trouve le bien immobilier», explique-t-il.Avant de fournir quelques exemples concrets de cette pratique.
«Un acheteur est venu il y a peu chez moi pour me demander de lui trouver une villa à Gambetta en m’indiquant qu’il disposait de 5 milliards de centimes de budget d’achat. Il y a peu, on pouvait avoir une belle maison de 200 m2 dans ce quartier avec cette somme. J’ai appelé un particulier inscrit chez moi et je lui ai demandé combien il voulait vendre sa villa. Il m’a dit qu’il avait reçu une offre de 16 milliards ! Alors que ce n’était pas vrai. Cela fait 2 ans et cette même villa n’a toujours pas trouver d’acheteur puisque sa valeur est gonflée par le mensonge. Mais cette pratique s’est répandue et tous les autres vendeurs du quartier se sont alignés sur cette somme. Du coup, le marché s’est enflammé mais la vente reste au point mort».
Notre interlocuteur note que les prix de vente ont triplé depuis deux ans, alors que l’activité a pour sa part a stagné sérieusement. «C’est une bulle», pense-t-il. Une bulle qui nécessite une sérieuse régulation de la part de l’Etat.
Selon l’expert en question, cette régulation passe forcément par l’établissement d’un barème des prix de vente par région et par quartier. Une solution qu’il estime
nécessaire, mais très difficilement applicable.
Hicham A.