Une plongée émouvante et brillante dans l’Algérie d’aujourd’hui, sans concession mais pleine d’espoir.
Voyage : C’est une Algérie fragile et inquiète qui se prépare à l’après-Bouteflika, son président, hospitalisé à Paris depuis maintenant quarante-huit jours. Une patrie dans laquelle est retourné Akram Belkaïd, l’un des plus fins analystes du Maghreb, qui croque dans ce carnet de route admirable de sensibilité et de précision une société algérienne tendue, partagée entre espoir et déception, toujours sur le fil du rasoir cinquante ans après son indépendance. Extraits.
L’opinion : « Rares sont les Algériens qui sont contents de leur sort, mais, pour l’heure, ils sont attentistes, même si le pays connaît aussi son lot quotidien de grèves et d’émeutes isolées. Avec 200 milliards de dollars de réserves de change et plus de 70 milliards de dollars de revenus annuels, le pouvoir a, de plus, la possibilité d’acheter la paix sociale… Mais tôt ou tard, faute de volonté du système politique algérien de se réformer, je suis persuadé que la violence reprendra ses droits. »
La jeunesse : « Djamel n’a aucune protection sociale pas plus qu’il ne paie d’impôts. Il n’est que l’infime partie des activités commerciales illégales que les Algériens désignent simplement par « l’informel » et qui représente 40 % de l’économie du pays. Début septembre 2012… le gouvernement algérien a décidé de « nettoyer les rues » à la satisfaction des commerçants légaux furieux contre cette concurrence déloyale… Les dirigeants algériens ont-ils oublié que c’est la saisie de sa marchandise par la police qui a poussé le Tunisien Mohamed Bouazizi à s’immoler par le feu, inaugurant la première des révolutions du Printemps arabe ? »
Les Chinois : « C’est surtout l’arrivée massive d’une main-d’oeuvre chinoise qui a attisé les critiques et les rumeurs… Comme si l’Algérie manquait de bras, elle dont la moitié des moins de 30 ans, soit 65 % de la population, est au chômage… Certains de ces travailleurs ne sont pas rentrés en Chine. Parfois, ils se convertissent à l’islam et se marient à des Algériennes… la société algérienne refait l’expérience, cinquante ans après l’indépen-dance et le départ des Européens, de la coexistence avec une minorité non arabo-berbère. »
Les Français : « Après dix-huit ans de résidence en France, je suis convaincu que des oeillères façonnent la manière dont est répercutée l’information sur l’Algérie en particulier et des pays arabo-musulmans en général. Je ne nie pas qu’il existe des problèmes. Mais entre un moment d’amitié partagé entre Algériens et Français et les hurlements de quelques barbus hystériques, filmés de très près pour faire croire à l’importance du nombre, on sait vers où ira la préférence des télévisions. »
Lu sur Les Echos