La circulaire du premier ministre algérien Ahmed Ouyahia limitant l'investissement étranger ne se trompe t-elle pas d'objectifs et ne risque t-elle pas d'isoler l’Algérie des nouvelles mutations mondiales ?

Redaction

ouyahia270405 I- LA GESTION ADMINSITRATIVE AUTORITAIRE EST-ELLE EFFICACE ?

Quelles sont les conséquences des décisions du gouvernement algérien courant 2009 de postuler 51 pour cent aux algériens dans tout projet d’investissement et 30 pour cent des parts algériennes dans les sociétés d’import étrangères avec un effet rétroactif, ce qui serait contraire au droit international ? Et l’on peut se poser cette question : en cas d’amenuisement des réserves de change, dans la pratique des affaires n’existant pas de sentiments, les chinois (ou d ‘autres) viendraient–ils avec leurs fonds propres et investisseraient –ils en Algérie et surtout dans les segment à forte valeur ajouté ?

Les entrepreneurs algériens possèdent-ils le savoir faire pour enclencher une dynamique hors hydrocarbures s’insérant dans la logique des valeurs internationales sachant que la majorité des entreprises publiques croulent sous le poids des dettes et ont nécessité plus de 40 milliards de dollars entre 1991/2008 d’assainissement supportés par le trésor public sans résultats probants ( et encore un nouveau assainissement dans la loi de finances 2009). Et que plus de 80% des entreprises privées algériennes (industries, services BTPH notamment) sont de type familiales tissant des relations de clientèles avec les marchés publics ou le management stratégique est presque inexistant, certains espérant le passage d’un monopole public à un monopole privé tout aussi néfaste pour se partager une fraction de la rente ? Et comment intégrer loin des mesures autoritaires la sphère informelle produit de la bureaucratie, favorisant la corruption, qui draine plus de 40% de la masse monétaire en circulation afin d’encourager le tissu productif ?

Par ailleurs, il ne faut pas faire une fausse comptabilité au niveau de la balance des paiements : si un transfert de devises est de 20 milliards de dollars de la part d’entreprises étrangères, mais qu’elles créent 30 milliards de dollars de valeur ajoutée, cela est positif pour l’Algérie. Aussi évitons des mesures autoritaires administratives d’un autre age, et mettons en place des mécanismes pour encourager l’investissement productif ce qui suppose une autre gouvernance basée sur les compétences et non sur les intérêts rentiers destructeurs de richesses.

La gouvernance efficace en ce XXIème siècle doit reposer sur une communication transparente et un dialogue tant interne entre les partenaires économiques et sociaux non d’une minorité non représentative gravitant au niveau de la sphère du pouvoir mais avec l’ensemble de la société civile, mais également au niveau international pour éviter les conflits et préjugés ce qui suppose une nouvelle culture .

Il faut répondre lucidement et sans passion à ces questions stratégiques en privilégiant uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie. Car, les pays émergents (Chine, Inde, Brésil Turquie, Russie notamment) se sont insérées harmonieusement dans le cadre de la division internationale du travail tout en privilégiant leurs intérêts propres, défendant paradoxalement devant les pays développés comme cela a été le cas lors du dernier sommet du G20 à Londres, les principes fondamentaux des règles qui régissent l’organisation mondiale, du commerce et étant contre tout protectionnisme.

II- EFFETS DE LA CIRCULAIRE D ’OUYAHIA LIMITANT LE SECTEUR PRIVE

En fait l’objectif est de limiter tant le privé algérien productif qu’international en revenant aux méthodes de gestion des années 1970 à l’ère du socialisme bureaucratique triomphant grâce à la rente des hydrocarbures.

1- Premier effet : la réaction européenne de Catherine ASHTON, commissaire européenne au commerce extérieur qui a demandé dans une correspondance officielle au gouvernement algérien le 12 juin 2009, l’annulation de ces directives récemment dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien, souhait partagé récemment par les Etats-Unis d’Amérique, invoquant que l’Algérie aurait violé les articles 32, et 37, 39 et 54.

2-Deuxième effet : le 16 juillet 2009 la commission européenne de Bruxelles vient de faire savoir que l’Algérie approvisionnant déjà 10% de l’Europe est déjà un taux élevé et qu’il fallait faire jouer la concurrence.

3-Troisième effet : la Coface vient de déclasser en termes de risque rejoignant , le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian) dans son dernier rapport de la mi juillet 2009 relatif au climat des investissement en Algérie, pour qui l’attractivité de l’Algérie auprès des investisseurs s’est érodée en 2009 .

4-Quatrième effet : l’Algérie venant d’être classée selon le Forum Economique mondial regroupant les plus grands investisseurs et financiers mondiaux (2009) en termes d’ouverture économique la dernière en Afrique.

5-Cinquième effet : alors que l’on parlait d’un assouplissement de la part de l’Union européenne, et suite à ces décisions, contrairement à ce qui a été rapporté récemment, selon nos informations, la problématique de la dualité du prix du gaz en Algérie n’est pas encore résolu, par l’Europe/USA, qu’il n’y aura pas de révisions des clauses fondamentales de l’Accord et que l’adhésion à l’OMC n’est pas pour demain.

6-Sixième effet : de cette instabilité juridique, contrairement à ce qui a été rapporté récemment selon nos informations ( pourquoi induire en erreur l’opinion publique ) et suite à la déclaration du 16 juillet 2009 de la commission de Bruxelles, le fameux projet de gazoduc Nigeria Europe via Algérie ( Nigal) qui nécessite plus de 10 milliards de dollars toujours en gestion pour le financement au niveau de la commission européenne, du fait des tensions au Nigeria et des pays africains riverains n’est plus une priorité pour l’Europe.

A moins que l’Etat algérien finance la totalité (le Niger étant un pays très pauvre le Nigeria ayant d’importants problèmes de financement en plus des problèmes politiques (sabotage régulier des puits pétroliers et gaziers) supposant que l’Europe veuille recevoir ce volume de gaz additionnel alors qu’elle prévoit plus de 35 milliards de mètres cubes gazeux en provenance uniquement du Qatar. Et sans oublier les différents accords entre l’Espagne et Gazprom (Russie) et Italie/ Libye pour desserrer la dépendance vis-à-vis de l’Algérie (Medgaz et Galsi) et le projet Nabucco, qui vient d’être signé le 13 juillet 2009 destiné à fournir l’Europe en gaz d’Asie centrale et du Moyen-Orient fin 2014. D’un coût d’environ de 12 milliards de dollars au cours de juillet 2009, d’une capacité dans une première phase de 31 milliards de mètres cubes gazeux ( 5% de l’approvisionnement de l’Europe) mais pouvant être doublé, voire triplé si des accords sont trouvés pour une connection au réseau principal avec l’Iran (plus de 15% des réserves mondiales supposant la résolution des tensions actuelles qui je le pense sera à l’avenir un allié stratégique de l’Occident ), l’Irak( deuxième exportateur potentiel mondial de pétrole après l’Arabie Saoudite et avec des réserves de gaz importants qui vient de s’ouvrir aux compagnies étrangères), le Qatar ( plus de 10% des réserves mondiales de gaz) l’Egypte et d’autres pays riverains.

7-Septième effet : combiné à la crise mondiale, départ du groupe Emiraties Emaar qui avait prévu 50 milliards de dollars d’investissement (ayant fait la une dans tous les quotidiens du Golfe) et gel des projets d’investissement du groupe mondial indien d’Arcelor Mittal (notamment l’aciérie de Jijel).

8- Indépendant de la circulaire mais de la nouvelle stratégie gazière mondiale, l’américain Keystone Petroleum se retire du Sahara algérien ( tout en rappelant que l’Algérie n’a pas été associée au projet solaire du grand Sahara initié par les Allemands de plus de 560 milliards de dollars ), du fait que sur les six puits que compte la concession, cinq n’auraient pas révélé de potentiel justifiant une exploitation commerciale du gaz et comme je l’ai rappelé souvent ce n’est pas découverte de puits qui est important mais sa rentabilité financière fonction du coût d’exploitation et du vecteur prix le prix du gaz étant indexé sur celui du cours du pétrole mais en termes de volume et d’efficacité énergétique représentant environ 50% du cours du pétrole

CONCLUSION : S’ATTAQUER A L’ESSENTIEL – BONNE GOUVERNANCE ET ETAT DE DROIT

– La panne dans la réforme globale, l’absence de visibilité et cohérence dans la politique socio-économique,l’instabilité juridique, le terrorisme bureaucratique(mentalité rentière et dévalorisation du travail et du savoir), la sclérose du système financier, et les récentes circulaires expliquent pour l’essentiel le gel de bon nombre d’investissement tant arabes qu’occidentaux, le tout supporté actuellement sur fonds publics souvent à 100% avec clefs en main ( mais les 140 milliards de dollars de réserve de change risquent de s’épuiser rapidement) avec une confusion suicidaire pour l’Algérie de l’étatisme des années 1970 et l’Etat régulateur stratégique en économie de marché, risquant d’isoler l’Algérie de plus en plus de l’économie mondiale qui malgré la crise retrouvera un jour la croissance.

Du fait de la culture bureaucratique, on oublie souvent que l’entrepreneur qu’il soit algérien, arabe, chinois, américain ou européen est mu par la seule logique du profit, qu’en ce XXIème siècle les Etats ne peuvent contraindre un privé à aller dans tel ou tel pays, investissement de moins en moins, d’où l’importance de l’Etat régulateur afin de concilier les coûts sociaux/ coûts privés et concilier l’efficacité économique e tune profonde justice sociale ( les économistes parleront d’équité).

Nos responsables dans leurs déclarations se focalisent actuellement uniquement sur le cours du pétrole et l’évolution du cours du dollar oubliant que c’est une ressource éphémère, mus par l’unique dépense monétaire, oubliant que a création d’emplois ne se décrète pas, et il n’ y a pas de développement sans insertion au sein de l’économie mondiale et une gouvernance rénovée et sans la valorisation de la ressource humaine.

Personne ne pouvant se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre, privilégions les débats contradictoires constructifs en étant réaliste et uniquement les intérêts supérieurs de l’Algérie car dans 30 ans il n’y aura plus d’hydrocarbures et que nous serons dans un nouveau modèle de consommation énergétique.

Dr Abderrahmane MEBTOUL, algerie-focus.com

Voir Mebtoul- “ Algeria should adapt itself to new EU gas strategy, says expert Jul 19, 2009” (BBC Monitoring) reproduisant l’interview donnée au plus grand quotidien arabophone algérien El Khabar

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