La crise au Sahel, une opportunité pour l’Algérie ?

Redaction

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Abdelkader Messahel, ministre algérien chargé des affaires africaines, à la tribune aux côtés de Mohamed Bazoum, ministre nigérien des Affaires étrangères, à Alger, le 7 septembre 2011. / DR

Le Sahel, situé aux confins du Maghreb et de l’Afrique sub-saharienne, symbolise à lui seul la majeure partie des défis sécuritaires mondiaux, qu’il s’agisse de trafic d’armes et de drogues, terrorisme, ou encore de conflits interethniques. La chute du Colonel Khadafi en Libye et l’occupation du Nord du Mali par des groupes salafistes rendent aujourd’hui la situation encore plus explosive. Comment le Sahel est-il devenu une menace pour la sécurité mondiale et quelle stratégie l’Algérie doit-elle adopter ?

Terre d’abondance, terre maudite

Commençons d’abord par l’abondance. Le phénomène est bien connu : une “malédiction” touche de nombreux pays africains qui, riches en ressources naturelles, sombrent les premiers dans la violence, les crises politiques et la pauvreté endémique. Avec un sous-sol qui regorge de richesses naturelles, le Sahel n’y échappe pas: pétrole, gaz, phosphates, uranium, plutonium, cobalt, diamants, cuivre, fer etc., la liste de ses attributs est longue. Hélas, il en va de même pour la liste des difficultés auxquelles sont confrontées les populations locales : famine récurrente, démographie galopante, illettrisme, corruption généralisée, criminalité, etc. Ce cocktail explosif pousse de plus en plus de jeunes dans les bras d’organisations religieuses radicales et mafieuses et ouvre la porte à la multiplication des ingérences étrangères.

Une radicalisation religieuse inquiétante

La multiplication des groupes religieux radicaux dans une région où l’islamisme est traditionnellement très peu ancré, à de quoi inquiéter à plus d’un titre. Davantage connus du grand public, AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique)  — dont beaucoup de cadres sont issus des rangs du GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) algérien — et la secte Boko Haram, qui sème la terreur dans le nord du Nigéria ne sont plus les seuls à opérer dans cette région immense s’étendant sur des centaines de milliers de km2. Le récent MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest) a fait de l’Algérie sa cible principale, au moment où le groupe salafiste et touareg Ansar Edine a quant à lui pour objectif d’instaurer la charia dans le nord du Mali. Ces mouvements, toujours considérés comme minoritaires, ne manquent pourtant pas de moyens financiers grâce à l’argent des rançons récupérées lors de prises d’otages et leur implantation dans la criminalité organisée.

Luttes d’influence

Dans un contexte d’accroissement de la demande mondiale en matières premières, le Sahel est devenu un espace de convoitise et de confrontation pour les puissances occidentales et les pétromonarchies, ainsi qu’un enjeu clé dans la lutte contre le terrorisme international. Au sein d’un complexe jeu d’acteurs, les États du Golfe sont accusés de jouer un jeu parfois trouble et souvent déstabilisateur. Depuis des années, l’Arabie Saoudite et le Qatar financent notamment des mosquées et des écoles coraniques dans la région avec pour objectif, selon certains observateurs, de favoriser la diffusion de l’idéologie wahhabite. Selon le Canard Enchaîné, le Qatar apporterait même un soutien financier aux groupes salafistes alors qu’il est en parallèle en négociation avec le groupe français Total pour l’exploitation des ressources pétrolières de la région. Ancienne puissance coloniale, la France, dont un tiers de l’approvisionnement en uranium pour sa filière nucléaire dépend du Niger, cherche également à protéger ses intérêts économiques et à sécuriser la zone. Bien qu’en perte d’influence, Paris maintient une présence militaire significative dans le Sahel et demeure un partenaire clé pour des pays comme le Mali ou le Niger, méfiants face aux ambitions régionales de l’Algérie.

L’Algérie, acteur clé de la sortie de crise

La chute du Guide libyen a provoqué une déstabilisation et un vide politique sans précédent pour l’ensemble de la région. Celui qui s’était autoproclamé “roi des rois traditionnels d’Afrique” menait une politique pro-africaine subtile qui lui avait permis d’asseoir la domination libyenne dans la zone sahélo-saharienne. Dans ce contexte de transition, Alger a l’opportunité de développer son leadership et renforcer sa présence sur la scène régionale et internationale. Forte de ses 200 milliards de dollars de réserves de change, l’Algérie dépense six fois plus d’argent pour son budget militaire que le reste des pays sahéliens réunis et s’est forgé une bonne réputation en matière de contre-terrorisme. Pourtant, en dépit de ses avantages, le régime algérien se perd trop souvent dans des prises de position figées autour de deux principes : respect de la souveraineté nationale et refus des ingérences étrangères.

Pour Alger, seuls quatre pays sont concernés par la crise saharo-sahélienne : l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie. Cependant, l’Algérie n’a jamais investi les moyens adéquats pour soutenir les initiatives de coopération entre ces quatre pays et refuse d’inclure les autres pays de la région, de peur d’en perdre le contrôle. In fine, cette stratégie hasardeuse pourrait desservir Alger qui risque de voir des politiques de coopération sécuritaires régionales se mettre en place en dehors de son champ d’influence. Et le temps presse : lors d’une réunion consacrée à la crise sahélienne à New-York le 26 septembre dernier, le Premier Ministre malien a demandé l’intervention militaire de la CEDEAO pour reconquérir le Nord. Or Alger considère cette organisation régionale ouest-africaine comme un outil de l’ingérence occidentale et s’oppose à toute intervention armée. L’Algérie doit donc s’investir pleinement et rapidement, ou les choses se feront sans elle.

Farah Outeldait

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