La multinationale BP est en train de quitter l’Algérie

Redaction

Comme quelques autres compagnies pétrolières, le groupe britannique BP est en train de quitter l’Algérie et rendre sa licence.

1.- Comme je l’avais annoncé dans une contribution parue le premier trimestre 2012, le recours qui avait été initié en août 2011 dans le cadre de la renégociation de contrats de gaz à long terme par le groupe italien Edison qui a été repris par le groupe français EDF, Sonatrach a perdu en mars 2013, une affaire d’arbitrage où le groupe italien a obtenu la révision à la baisse des prix d’un contrat de fourniture de gaz naturel et ce sur décision, rendue par la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale avec un impact estimé à environ 300 millions d’euros (390 millions de dollars) sur l’Ebitda (excédent brut d’exploitation) du groupe Sonatrach en 2013. Parallèlement, selon, l’agence Reuteurs en date du 02 mai 2013, le groupe pétrolier britannique BP, a décidé de retarder deux projets gaziers importants. Il est bien entendu qu’il s’agit d’un gel avant de voir plus clair et non d’un abandon comme vient de le préciser au site maghreb émergent, Robert Wine, responsable du département communication à British Petroleum. Toujours selon cette agence, la société américaine Hess Corp a vendu une de ses deux participations en Algérie à l’espagnol Cepsa à cause de trop mauvais rendements et le groupe britannique BP est également en train de quitter l’Algérie et rendre sa licence, qui arrive à expiration en septembre 2013, sur le bloc d’Hassi Ba Hamou et une très grande compagnie américaine – dont le nom n’a pas été dévoilé – qui avait décidé de s’installer en Algérie, a choisi d’investir ailleurs.

2.- BP invoque deux raisons. Premièrement, les frais liés à la sécurité qui auraient triplé, pour atteindre 15% des dépenses d’exploitation. Cet argument est non convaincant car d’une part les installations algériennes sont plus sécurisées que celles du Nigeria par exemple et par ailleurs puisque la nouvelle loi des hydrocarbures dont la fiscalité repose sur la profitabilité pouvant déduire les charges. Deuxième argument le peu d’attractivité de la nouvelle loi par rapport à d’autres pays notamment en Libye et certains pays d’Afrique et du Golfe, et la nouvelle loi étant plus du replâtrage selon également le Financtial Times invoquant la règle des 49/51%. Concernant cet aspect, je pense qu’il faille se démarquer de l’ancienne culture il y a cette volonté du gouvernement de devenir majoritaire, grâce à l’aisance de la rente des hydrocarbures, généralisant les 49/51% alors qu’il y a lieu de réaliser un ciblage pour les secteurs stratégiques rentables dont la règle est applicable, et les subventions toujours sans ciblage avec un gaspillage des ressources financières. Devant éviter toute solution à résonance populiste et nous en tenir aux indicateurs de rentabilité, devant privilégier la valeur ajoutée interne, l’Algérie étant appelé à vivre au sein d’une économie ouverte. D’autant plus qu’excepté certains secteurs dont le bâtiment et travaux publics, logements où certains segments non stratégiques où les partenaires étrangers ont accepté la règle des 49/51% prenant peu de risques, l’éventualité d’une non rentabilité étant prise en charge par l’Algérie. Je pense qu’il existe un troisième argument de taille non évoqué par BP qui est la situation sociopolitique de l’Algérie avec ses scandales de corruption étalés dans la presse internationale et nationale ne voulant pas être la prochaine victime, les grèves généralisées et le manque de visibilité quant à la situation politique surtout après la maladie du président Abdelaziz Bouteflika en attendant la prochaine présidentielle d’avril 2014.

3.- En cas de non attrait de l’investissement étranger, favorisé par le statut quo, cela ne peut que conduire à une baisse de production en pétrole et en gaz, ces dernières années. Cela peut avoir des conséquences très graves notamment sur le plan social où existe une généralisation de la distribution de revenus sans contreparties productives et des subventions généralisées sans ciblage ( plus de 10% du PIB). Pour preuve, le Trésor public algérien a enregistré un déficit de plus 44 milliards de dollars en 2012, soit 21% du PIB, un chiffre en hausse de 33% par rapport à 2011 et à cette allure le fonds de régulation des recettes risque de s’épuiser dans trois ans. Or, selon les prévisions internationales, au vu des mutations énergétiques mondiales, le prix du baril risque de chuter à 90 dollars à prix constants horizon 2015, la dépense de l’Etat algérien à la fois budget de fonctionnement et d’équipement se situant au cours de 110 dollars. Car cette politique populiste accroît le malaise social, ne s’attaquant pas aux problèmes de fonds et produit nécessairement des revers : tous les secteurs sociaux profitant de cette situation exigent des augmentations immédiates et les députés sans pudeur, en s’auto-votant en mai 2013 des primes de 100.000 dinars par mois (5 fois el SMIG) qui s’ajoutent au prêts sans intérêts, de bons nombre d’avantages, et au 300.000 dinars de salaires ( soit au total 20 fois le SMIG), leur seule fonction étant de lever les mains, accélèrent cette tendance qui ne peut que conduire à terme à une hyperinflation et à une implosion sociale différée en cas de chute des recettes des hydrocarbures. En Algérie il faut impérativement les 110 dollars le baril (fonctionnement et équipement), vivant de l’illusion de la rente.

4.- Comme doit être pris en compte la stratégie offensive du géant russe Gazprom qui écoule une partie de sa production sur le marché libre, à travers le North Stream (55 milliards de mètres cubes/an) et le South Stream (65 milliards de mètres cubes/an), ce dernier approvisionnant l’Italie. Cela explique le gel du projet algéro-italien Galsi, dont le prix de cession du MBTU est supérieur de 10/15% par rapport au South Stream, prévu pour une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux et dont l’investissement était de 2,5 milliards de dollars et en 2013 le coût de ce projet aurait dépassé les 4 milliards de dollars. Qu’en sera-t-il à l’expiration prochaine des contrats à moyen et long terme si la bulle gazière persiste et les principaux clients de l’Algérie ne feront-ils pas pression pour une baisse des prix du gaz algérien réduisant ainsi sa marge bénéficiaire alors que l’investissement est hautement capitalistique ? Sans oublier la révolution du gaz de schiste qui risque de bouleverser la carte énergétique mondiale les USA devenant dès 2017/2020 exportateur de pétrole et de gaz, avec pour finalité une baisse des prix de cession du gaz. Que deviendront alors les exportations algériennes actuellement en direction des USA ou pétrole et gaz représente environ 33% des recettes de Sonatrach contraignant forcément la société nationale à être liée à l’Europe. C’est qu’il est difficile pour ne pas dire étant impossible du fait des faibles capacités de GNL donc faiblesse des économies d’échelle qui s’ajoutent au coût croissant (le Qatar par exemple sont le double), et des coûts de transport (devant contourner toute la corniche de l’Afrique) à concurrencer d’autres producteurs notamment Gazprom et le Qatar d’être concurrentiel en Asie, sa destination rentable n’est-elle donc pas à moyen terme l’Afrique, tout en tenant compte bien entendu de l’entrée sur le marché de nouveaux concurrents africains, qui horizon 2025/2030 tirera la croissance mondiale ?

5.- Le risque est d’autant plus important que l’Algérie va vers l’épuisement de ses ressources en hydrocarbures. Si pour le court terme pour le pétrole cela ne pose pas de problème (mais attention l’Algérie détenant moins de 1% des réserves mondiales) pour le gaz il en va autrement (2,3% des réserves mondiales). Sur le marché mondial depuis trois années, il y a une totale déconnexion vis-à-vis du prix du pétrole. En plus de nouveaux concurrents, des canalisations dont la rentabilité est faible, de la pétrochimie contrôle oligopolistique à l’échelle mondiale, cela n’a pas été pris en compte dans la nouvelle loi des hydrocarbures qui a introduit seulement quelques allègements fiscaux en généralisant la règle des 49/51% à tous les segments es hydrocarbures. Il est maintenant admis, a moins d’un miracle, et invoquer la superficie n’est pas un critère suffisant, devant assister à une transition énergétique mondiale, l’Algérie horizon 2025/2030 n’aura plus de réserves d’hydrocarbures traditionnels ( 2020/2025 pour le pétrole) 2030 pour le gaz où selon le PDG de Sonatrach en date du 24 février 2013, annonce officielle, l’Algérie n’a plus que 2.000 milliards de mètres cubes gazeux de réserves de gaz traditionnel, le gisement d’Hassi-R’mel étant en déclin non contrebalancé par les nouvelles découvertes marginales et ne devant jamais oublier que l’on peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, tenant compte des vecteurs coûts prix international. Car il faut prendre en compte le doublement des capacités d’électricité à partir des turbines de gaz avec pour conséquence le doublement e la consommation intérieure dont le prix de cession est gelé depuis 2005 (environ 10% du prix international), extrapolé à environ 70 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2017. Sonatrach peine actuellement à exporter 60 milliards de mètres cubes gazeux et les extrapolations de 85 milliards de mètres cubes gazeux deviennent aléatoires. Or à cet horizon, pas lointain car l’Algérie étant indépendant politiquement depuis 50 ans n’ayant toujours d’économie productive, 98% d’exportation d’hydrocarbures à l’état brut et semi brut (très peu d’investissement à l’aval) et important presque tout (c’est le syndrome hollandais) que deviendra la population algérienne de 50 millions d’habitants ? Qu’en est-il du programme des énergies renouvelables où un conseil des ministres courant 2011 avait dégagé une enveloppe financière de 60 milliards de dollars ? Qu’en est-il du gaz de schiste ? Sera-t-on, compétitif par rapport aux USA qui maîtrise la technologie de la fracturation hydraulique du forage horizontal ? A-t-on analysé et quantifié les impacts négatifs sur l’environnement et l’arbitrage entre les besoins des populations et ces unités pour la consommation d’eau (l’Algérie étant un pays semi-aride, nécessitant un million de mètres cubes d’eau douce pour un milliard de mètres cubes gazeux) ?

En résumé, face aux bouleversements géostratégiques qui s’annoncent, cela pose l’urgence d’une transition énergétique en Algérie (nouveau modèle de consommation énergétique, un nouveau management stratégique de Sonatrach) et donc d’une transition d‘une économie basée sur la rente à une économie hors hydrocarbures. Cela renvoie forcément à d’autres facteurs que l’économique dont une nouvelle gouvernance politique, économique et sociale solidaires, plus de réformes structurelles et non du replâtrage, et l’approfondissement de l’Etat de Droit et de la démocratie conciliant l’efficacité économique et l’équité, la modernité et notre authenticité.

Lu sur LeMatindz.net