L’absence prolongée de Bouteflika nourrit les incertitudes en Algérie

Redaction

Le protocole ne l’exigeait pas. La réception du premier ministre turc, Recep TayyipErdogan, arrivé mardi 4 juin à Alger à la tête d’une délégation de 200 hommes d’affaires, par le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, ne figurait donc pas au programme. En toute logique, M. Erdogan, qui effectue une tournée dans le Maghreb, a été accueilli par son homologue Abdelmalek Sellal, comme il l’avait été la veille par le chef du gouvernement marocain Abdelillah Benkirane et comme il le sera, dans la foulée, par le Tunisien Ali Larayedh. En Algérie, l’absence de M. Bouteflika sur la scène politique de son pays relance cependant le débat sur l’avenir.

Cela se mesure à de discrets appels dans les rédactions parisiennes de chefs d’entreprise et de responsables politiques algériens pour tenter de s’informer sur l’état de santé du chef de l’Etat, hospitalisé à Paris depuis le 27 avril à la suite d’un AVC mineur, selon les autorités algériennes. Le 21 mai, M. Bouteflika, âgé de 76 ans, a ensuite été transféré de l’hôpital du Val-de-Grâce à un autre établissement militaire situé aux Invalides, « afin d’y poursuivre sa convalescence », a indiqué le ministère de la défense Français. Depuis, Alger attend le retour de son président dont la dernière apparition publique remonte au 17 avril, lors des funérailles de son prédécesseur Ali Kafi.

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Les rares et laconiques déclarations du gouvernement, « il va bien et se repose », « il va bientôt rentrer », n’ont pas dissipé les interrogations. Certes, il ne s’agit pas de la première éclipse de M. Bouteflika – en 2005, il était resté aussi plus d’un mois absent pour raisons de santé –, mais celle-ci intervient dans un contexte particulier, à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle prévue en 2014. Et l’hypothèse d’un quatrième mandat de M. Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, paraît bien devoir être remisée.

LA SUCCESSION DE M. BOUTEFLIKA RESTE UN TABOU ABSOLU

Depuis plusieurs mois, une campagne avait été lancée dans cette perspective. Au stade du 5-Juillet d’Alger, le 31 mars, une immense banderole avait été déployée par des partisans d’un 4e mandat de M. Bouteflika. Le 7 avril, c’est le secrétaire général du Mouvement populaire algérien (MPA), Amara Benyounès, qui s’était publiquement positionné en faveur d’une nouvelle candidature de M. Bouteflika, déclarant : « Notre soutien au président est une évidence car nous voyons en sa personne le seul capable de garantir la démocratie dans notre pays. »

D’autres appels avaient été lancés. Certains envisageaient même non pas un nouveau mandat à part entière mais une sorte de prolongation de deux ans à la faveur de la révision de la Constitution algérienne, le dernier grand chantier annoncé par M. Bouteflika dans le sillage du « printemps arabe ».

Cinq experts, le représentant algérien au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, un professeur d’université, un ex-ministre de la justice et deux sénateurs proches du président, ont été nommés pour préparer cette révision qui doit étudier la question du nombre de mandats présidentiels. En 2008, M. Bouteflika avait déjà modifié la Loi fondamentale pour pouvoir être réélu l’année suivante, rendant le nombre de mandats illimité. De nombreuses voix avaient ensuite réclamé la limitation à deux mandats. L’enjeu est de taille mais, en dernier ressort, c’est le président qui devra valider cette révision.

Le pourra-t-il ? La visite annoncée sous peu du président chinois, dans la presse algérienne, pourrait constituer un test. Mais pour l’heure, la question de la succession de M. Bouteflika reste un tabou absolu dans un pays certes épargné par le « printemps arabe », mais toujours en proie à un vif mécontentement social. Depuis le 1er juin, plus de 1 000 employés de prestataires de services dans la restauration qui ravitaillent les bases pétrolières à Hassi R’Mel, dans le sud, ont commencé une grève de la faim. Gravement déshydratés, une vingtaine d’entre eux ont dû être transportés à l’hôpital.

Lu sur Le Monde

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