Aujourd’hui, 16 décembre, est un grand jour pour l’histoire révolutionnaire algérienne. Afin d’informer la population, de la mobiliser et de sensibiliser le et les peuples à la cause algérienne, les dirigeants du FNL créent il y a 58 ans jour pour jour, la Radio Secrète (Sawt El Djazair El Moukafiha) puis la Radio de la Révolution qui fera éclore un réseau de 16 radios à travers le monde arabe, du Caire en passant par Bagdad, Benghazi, Damas et Rabat. Ce réseau contribuera fortement à faire connaitre les revendications de la cause algérienne.
Jim Morrison a dit un jour à juste titre, « celui qui contrôle les médias contrôlent les esprits de la population ». Ce fait et cent fois vérifiable à travers l’histoire contemporaine et notamment au cours des révolutions et des guerres ou passées ou actuelles. L’information en temps de guerre est une arme bien plus efficace qu’un canon. David Lodge, brillant universitaire spécialiste de littérature et écrivain britannique considérait les médias comme étant « la plus grande puissance de notre société contemporaine ».
Conscients de cette importance et de ce pouvoir potentiel, les révolutionnaires algériens, pour contrecarrer l’influence des médias colonialistes, donnèrent naissance à une radio : La Voix de l’Algérie libre et combattante (Sawt El Djazair El Moukafiha). Dans les années 50-60 en Algérie, le taux illettrisme et la pauvreté atteignent des niveaux très élevés. Les créateurs de la Radio Secrète avaient pleinement conscience de ces facteurs socio-économiques et, l’outil radiophonique s’est avéré être un moyen efficace et adapté pour lutter contre la propagande coloniale et mobiliser les foules en vue de l’indépendance nationale.
C’est ainsi qu’il y a presque soixante ans, à la frontière ouest du vaste territoire algérien, la radio secrète émis son premier message sur les ondes « Ici la Radio de l’Algérie libre et combattante, la voix du Front de libération s’adresse à vous, du cœur de l’Algérie. »
Il y a deux ans, lors d’un Forum sur la Mémoire, Lamine Bechichi, moudjahid et ancien ministre de l’Information, a expliqué à l’assistance que l’idée de la naissance de la Radio était l’œuvre du service des Transmissions de la Révolution. Ce service avait alors fait le constat du risque trop élevé pris par les agents de liaison. En cas de coupure, le contact avec la population était rompu et il était alors impossible d’expliquer au peuple les objectifs de la Révolution.
L’ancien ministre de l’Information reconnait à Messaoud Zeggar (un des artisans de la guerre secrète que menait le Ministère de l’Armement et des Liaisons Générales, ancêtre des services secrets algériens) le mérite de la création de la Radio secrète. Ce soldat secret de la résistance maniant la langue anglaise avait alors pu acquérir les équipements nécessaires au fonctionnement de la radio auprès des Américains. Ce fut le début de l’aventure radiophonique, à bord d’un camion mobile qui émettait depuis le Rif marocain. Lamine Bechichi a d’ailleurs tenu à rendre hommage à la population de cette région, dont l’accueille et la générosité ont permis à l’équipe de la radio d’échapper aux bombardements.
La programmation de la radio se destinait à rendre compte des combats menés par les Moudjahidines. Une forme de propagande composée de chants patriotiques, de serments religieux et de commentaires militaires et politiques avaient pour rôle de souffler au pays un vent de liberté et d’indépendance. Les présentateurs radios avaient choisi de dissimuler leurs identités derrière des pseudonymes empreintés à de grandes figures de l’histoire algérienne telles que Salah Eddine, Okba ou Jugurtha. Les présentateurs adressaient leurs messages en français, en arabe et en kabyle.
Les moyens de cette radio mobile étant très restreins, la révolution algérienne s’était tournée vers le monde arabe pour défendre sa cause. C’est à travers les radios tunisiennes, libyennes et égyptiennes, notamment, que la radio clandestine faisait parvenir durant les premières années de son existence, ses messages au peuple algérien et au monde.
Une voix de la révolution restera gravée dans les mémoires. Celle du journaliste Aissa Messaoudi, décédé il y a maintenant 20 ans. En 1956, Aissa Messaoudi est le Président de l’Union des Étudiants Algériens à Tunis. C’est à ce moment là qu’il rejoint Sawt al Djazaïr (la voix de l’Algérie) à Radio Tunis. Commentateur et journaliste jusqu’en 1959, il est transféré à la radio du Nadhor au Maroc, suite à son affectation dans l’appareil de transmissions relevant de l’Armée Nationale Populaire il sera ensuite affecté à la radio de l’Algérie libre combattante.
Membre incontournable de la révolution algérienne, le Président défunt Houari Boumediene, dira de lui après sa mort en 1994 « La voix de Aissa Messaoudi avait constitué la moitié de la Révolution. » Ce combattant des ondes demeure jusqu’à aujourd’hui, un emblème de la révolution. Frantz Fanon, dans son livre An V de la Révolution, dira d’ailleurs que cette façon de faire grâce aux mots et par les mots, de parler avec sincérité et franchise, constituait « une arme plus forte que l’arsenal militaire mis en branle par la caste coloniale. »
Cette radio secrète née de et durant la guerre d’Algérie grâce aux actions des révolutionnaires, émettait des émissions de radio jusque dans les pays d’Europe de l’Est. La radio « Voix de l’Algérie libre et combattante » a ouvert la route à la future RTA (Radiodiffusion Télévision Algérienne) créée par le tout nouvel État algérien à l’indépendance le 28 octobre 1962.