Le Pape appelle musulmans et chrétiens à abattre la barrière des préjugés

Redaction

Le pape signe personnellement le message adressé aux fidèles du prophète Mohammad, à l’occasion de la fête de l’Aïd El Fitr. Le pape François a appelé hier chrétiens et musulmans à abattre les barrières de la méfiance et du mépris en invitant au « respect mutuel » alors qu’une radicalisation islamiste met en danger de nombreux chrétiens dans le monde et que les musulmans sont souvent mal traités en Occident.

Pour la fête du Fitr, fin du ramadan, le pape a signé en son nom personnel le message annuel du Conseil pour le dialogue interreligieux du Vatican, dirigé par le cardinal français Jean-Louis Tauran. «Cette année, j’ai décidé de signer moi-même ce message traditionnel, comme expression d’estime et d’amitié envers tous les musulmans, spécialement envers leurs chefs religieux », a écrit le pape. Seul Jean-Paul II avait fait de même en 1991.

Dans ce texte, adressé « aux musulmans partout dans le monde », qu’il appelle « chers amis », François les invite à « réfléchir » à « la promotion du respect mutuel à travers l’éducation » et exhorte les deux religions à « éviter la critique injustifiée ou diffamatoire » de l’autre. Le pape souligne que son nom de « François » est celui d’un saint qui a été appelé « le frère universel ». En 1219, il avait franchi les lignes de front pendant la cinquième croisade pour aller voir le sultan al-Malik al-Kâmil.
Le pape dresse une liste d’exigences mutuelles : le « respect de la vie de chaque personne, son intégrité physique, sa dignité avec les droits qui en découlent, sa réputation, son patrimoine, son identité ethnique et culturelle, ses idées et ses choix politiques ». Il s’agit notamment que les chrétiens ne soient pas traités en citoyens de seconde zone ou expulsés de leurs terres d’origine, notamment au Moyen-Orient, même si ce n’est pas dit.

Un message de respect

Pour ce qui est du respect mutuel, « la famille, l’école, l’enseignement religieux et toutes les formes de communications médiatiques jouent un rôle déterminant », a insisté le message. Les pires caricatures et la haine sont véhiculées non seulement par certains médias, qu’ils soient des chaînes fondamentalistes musulmanes ou des sites d’extrême droite en Europe, mais aussi par l’éducation, quand la religion de l’autre est expliquée de manière caricaturale, parfois offensante, à l’école. Alors que Mgr Tauran avait dénoncé « le choc des ignorances » chez les jeunes générations, le pape, lui, les encourage « à penser et à parler de manière respectueuse des autres religions et de ceux qui les pratiquent, en évitant de ridiculiser ou de dénigrer leurs convictions et leurs rites ».
Le pape François a aussi invité les fidèles à « respecter les symboles et valeurs des autres religions ». « Qu’elles sont douloureuses ces attaques perpétrées contre l’un ou l’autre de ceux-ci ! » écrit-il.
Les relations entre islam et christianisme s’étaient tendues à la suite de la controverse en 2006 de Ratisbonne dans laquelle Benoît XVI avait semblé assimiler islam et violence. La mosquée d’al-Azhar du Caire, une des hautes autorités du sunnisme, avait rompu toute relation début 2011, après que le pape eut condamné un attentat à Alexandrie dans lequel de nombreux chrétiens étaient morts. « Les problèmes n’étaient pas avec le Vatican mais avec l’ex-pape, maintenant les portes d’al-Azhar sont ouvertes », avait soutenu au printemps dernier Mahmoud Abdel Gawad, influent conseiller de l’imam Ahmad al-Tayeb d’al-Azhar. Il avait souhaité « un pas en avant » de François, suggérant « une intervention où il dirait que l’islam est une religion pacifique, que les musulmans ne cherchent ni la guerre ni la violence », à l’occasion du ramadan. Le pape François dans son message ne reprend pas ces termes, mais souligne en revanche une communauté de valeurs sur « la famille ».
Ce message 2013 est publié dans un contexte très tendu, où de nombreux chrétiens, notamment dans le berceau du christianisme, le Proche-Orient, n’ont pas le droit d’exercer leur religion et sont parfois tués ou contraints à l’exil par des groupes islamistes. La conversion au christianisme est sévèrement punie. Dans des pays comme l’Arabie saoudite, où vivent plusieurs millions d’immigrés chrétiens, il n’est pas possible de construire une seule église.