Le rapport 2011 du PNUD sur l’indice du développement humain contredit celui du conseil économique et social algérien !*

Redaction

Par Pr A Mebtoul

Pourquoi le rapport du 02 novembre 2011 du PNUD sur l’indice du développement humain (IDH contredit celui du conseil économique et social algérien ?

« Il ne peut y avoir de développement sans démocratie »- Amartya SEN- économiste indien – prix Nobel d’Economie

Le premier responsable du conseil économique et social (CNES) annonçait récemment et concernant notamment l’indice du développement humain(IDH) je le cite «tous les indicateurs en Algérie sont au vert. Le prochain rapport du PNUD avalisera la perception positive du CNES algérien qui a proposé une nouvelle grille de lecture ». Or, voilà que l’organisme onusien le PNUD qui ne peut être taxé « d’anti-Algérie » rétrograde l’Algérie dans son rapport du 02 novembre 2011 sur le développement humain, intitulé « durabilité et équité : un meilleur avenir pour tous » à la 96 ème place sur 187 pays, soit un recul de 12 places par rapport à 2010.

J’avais pourtant dans plusieurs contribution que j’ai transmise aux plus hautes autorités du pays attiré l’attention sur la non objectivité des rapports du CNES. Tout gouvernement ou institution fait des erreurs d’appréciation mais se corrige. L’erreur la plus grave c’est, faute de débats contradictoires productifs, de persister dans l’erreur, induisant des pertes pour la Nation de dizaines de milliards de dollars. Pourquoi donc le rapport de 2011 du PNUD contredit celui du conseil économique et social algérien. Je recense sept raisons.

1- Première raison : nous savons que les exportations hors hydrocarbures depuis de longues décennies n’ont pas dépassées 2/3% contre 97/98% pour les hydrocarbures à l’état brut et semi brut, que le taux de croissance du PIB représente environ 1/3 dans le calcul de l’indice. L’Algérie a eu un taux de croissance moyenne 2007/2009 de 2%, 3,7% en 2010 et inférieur à 4% en 2011. Et sur les 5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures selon les statistiques officielles, les 80% sont eux mêmes tirés indirectement par l’effet des dépenses publiques via les hydrocarbures, les entreprises autonomes créatrice de valeur étant très faibles.

Lié à cet aspect, existe une non clarté dans l‘analyse entre l’importance des dépenses monétaires plus de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, 280 milliards de dollars entre 2010/2013 dont 130 de restes à réaliser du programme 2044/2009 ( mauvaise programmation, mauvaise gestion, corruption donc surcouts) et leurs impacts sur la sphère économique et sociale tout en intégrant les normes de coûts/qualités par rapport aux normes internationales.

L’Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats selon un rapport sur al région MENA. Dès lors, et c’est une loi économique, nous devrions normalement face à la pression démographique (taux de croissance de la population active) assister soit à une stabilisation ou à un accroissement du taux de chômage et non à la baisse.

2- Deuxièmement raison. Le rapport biaise l’analyse de l’environnement des affaires qui se répercute sur la faiblesse du taux de croissance. Selon les rapports Doing Business 2009/2011 de la Banque mondiale en matière de climat des affaires concernant les réformes menées, l’Algérie est classé vers les derniers pays en matière de facilitation du commerce extérieur , avec une très mauvaise note pour le marché financier national.

Les rapports notent une détérioration du climat des affaires où l’Etat algérien émet des signaux négatifs et contradictoires A part le secteur des hydrocarbures et lorsque le cours est élevé (car on peut découvrir des centaines de gisements mais non rentables financièrement), et celui des télécommunications, l’Algérie ne semble guère intéresser les investisseurs étrangers.

L’entrave aux affaires toujours selon ces rapports est due surtout à l’accès aux financements, la bureaucratie d’Etat, la corruption, l’inadéquation de la main-d’œuvre formée, la politique du travail considérée comme restrictive ainsi que le système fiscal et l’environnement dont la qualité de la vie.

3- Troisième raison : Il aurait fallu calculer le PIB hors hydrocarbures où la position reculerait d’environ de plus de 30 points la ramenant à la 126ème position soit parmi les pays les plus pauvres de la planète. Cela explique également la faiblesse du pouvoir d’achat. Le rapport aurait du également analyser le ratio global masse salariale sur le PIB total qui passe de 22,10% en 1991 à 21% en 2001 et à moins de 19% entre 2009/2011.

Cela aurait permis de montrer que la salarisation est en nette baisse (qui est une des explications de la crise mondiale actuelle) accusant une régression au profit des emplois rentes alors que pour 2006/2007 le ratio masse salariale sur le PIB est supérieur à 30% au Maroc, 37% en Tunisie, et entre 50/60% dans les pays développés, le travail étant la seule source de la richesse.

4- Quatrième raison. Le rapport a omis d’analyser objectivement l’indice des prix à la consommation et donc les raisons du processus inflationniste Le taux d’inflation est –il réellement de 3 % – moyenne 2006/2007, de 4% en 2008 et de 5% en 2009, et de moins de 4,5% entre 2010/2011 selon l’officiel mais ayant dépassé les 12% en 2009 selon une enquête sur la région Mena. Les subventions mal ciblées et mal gérées ne compressent-elles pas artificiellement l’indice des prix ?

Le besoin est historiquement daté et doit tenir compte de la structuration sociale, les ménages algériens ne mangeant pas des chiffres erronés mais étant confrontés à la dure réalité quotidienne. Où en est l’analyse de la concentration du revenu source d’injustice sociale au profit de couches spéculatives au détriment à la fois des producteurs de richesses et de la majorité des ménages algériens , tout cela renvoyant à une lutte contre la corruption et donc à l’urgence d’une bonne gouvernance.

5- Cinquième raison. Le traitement de la sphère informelle, produit du système bureaucratique facteur bloquant est biaisé. Il s’agit de distinguer la sphère informelle productive, de la sphère marchande spéculative drainant plus de 40% de la masse monétaire en circulation et employant des millions de personnes. Ce qui nous renvoie à l’indicateur du calcul du taux de chômage devant tenir compte de la dynamique féminine où selon l’officiel, il serait passé de 29% en 2000 à 23,7% en 2003, de 17,7% en 2004 , de 15,3% en 2005 , de 12% en 2008 et moins de 11% entre 2009/2010.

Selon certains organismes internationaux, il serait de plus de 20% ce qui renvoie à plusieurs questionnements. Est ce des emplois à valeur ajoutée ou des rentes fictifs ? Est ce que les emplois précaires ou permanents (3 à 6 mois pour un jeune parfois universitaire à 6000 dinars par mois ) et sont ils un signe d’amélioration de la situation sociale ?

Paradoxalement, la crise du logement et des distributions de revenus sans création de valeur au nom de la solidarité absorbant plus de 10% du PIB (bien que la destination des transferts sociaux ne concerne pas toujours les plus défavorisées), ne permettent –elles pas à une famille de disposer de plusieurs revenus reportant dans le temps provisoirement les tensions sociales ?

6- Sixième raison. L’analyse superficielle inclus dans le calcul de l’indice, outre, l’analyse des couches moyennes productives en voie régression, l’un des piliers du développement du XXIème siècle, la revalorisation du savoir et l’urgence de la réforme de l’école, mère de toutes les réformes en se limitant aux dépenses monétaires dans l’éducation. Alors que les enquêtes sur le terrain montrent clairement l’effritement du niveau scolaire, ayant plus de chance d’être chômeurs au fur et à mesure que l‘on gravite dans la hiérarchie scolaire, des sureffectifs dans les classes et amphithéâtres, des déperditions croissantes du primaire, secondaire au supérieur, une gestion défectueuse des établissements scolaires avec des bâtiments délabrés et un environnement sans âme.

7- Septième raison. Le système de santé, inclus également dans le calcul de l’indice, le rapport du CNES faisant une analyse globale quantitative, loin des réalités, en ignorant des aspects qualitatifs fondamentaux. Bien qu’existe des compétences avérées,(mais est ce que le professeur de médecine a-t-il un réel pouvoir ?) la gestion du système de santé est défectueuse, bon nombre algériens prenant en charge souvent médicaments,couvertures, et nourriture ).

Paradoxalement certains à faibles revenus, se dirigent vers des cliniques privées n’ayant pas de relations de clientèles, la médecine gratuite favorisant certains responsables et donc n’ayant de gratuit que le nom. Pour preuve, bien que louant la médecine algérienne, bon nombre de responsables se font soigner à l’étranger. Ainsi, le rapport du CNES fait une analyse globale quantitative, loin des réalités, ignore ces aspects qualitatifs fondamentaux. .

En résumé, s’il faille éviter la sinistrose gratuite et les dénigrements, il faut également éviter l’autosatisfaction source de névrose collective. L’analyse qualitative doit accompagner le quantitatif, analyse à la fois structurelle, sectorielle liant le processus de l’accumulation à la dynamique de l’emploi, de la répartition du revenu par couches sociales au sein des nouvelles mutations mondiales auxquels l’Algérie ne saurait échapper, ce qui constitue une faiblesse fondamentale de ce rapport. Se référer uniquement aux masses globales a peu de significations pour toute politique concrète.

Toute la problématique est intiment lié à une plus grande cohérence et visibilité de la politique économique et sociale au sein d‘une économie de plus en plus ouverte, le but étant de dynamiser la production et les exportations hors hydrocarbures (70/75% des besoins des ménages et des entreprises dont le taux d‘intégration, ne dépasse 10/15% étant importés) . Cela renvoie à la construction d’un Etat de droit base d’un développement durable.

Un Etat fort de sa droiture et de son droit est une exigence. L’Algérie ne peut revenir à elle même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d’innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale. La compétence n’est nullement synonyme de postes dans la hiérarchie, ni un positionnement dans la perception d’une rente.

Son efficacité et sa légitimité se vérifient surtout dans la pertinence des idées et la symbolique positive qu’elle ancre dans les corps et les acteurs sociaux. En fait cela est conditionné par un profond réaménagement des structures du pouvoir liées à la rente, et en fin de compte à la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle.

(*) Article publié tel qu’il nous a été envoyé par son auteur

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