Les algériens interdits d’exprimer publiquement leur condamnation du génocide de Gaza

Redaction

Salah ZIAD

La rue algérienne gronde. Elle veut s’inscrire dans la logique de celle du monde entier. Elle veut associer sa voix à la vague de condamnations tonnant partout dans le monde contre le génocide des palestiniens à Gaza.

Mais le pouvoir, de plus en plus craintif et frileux, ne peut pas admettre l’existence d’une expression autonome en dehors de ses canaux totalement désertés.
Pour preuve, depuis la reprise des cours au niveau des établissements scolaires et universitaires, étudiants et lycéens tentent pratiquement chaque jour d’investir la rue. Mais à chaque fois ils se heurtent aux services de l’ordre, qui parce que débordés, commencent d’afficher des signes d’énervement.

Ce lundi par exemple, des lycéens, encore imberbes, ont tenté dans plusieurs endroits de la ville d’improviser des marches. Déjà, on note qu’ils ne disposent pas de cadre légal où ils puissent se concerter et concevoir des actions.

Usant uniquement de leurs téléphones mobiles, ils essayent de coordonner leurs actions. Certains d’entre eux ont découvert la nature autoritaire du régime puisqu’ils ont été molestés sans ménagement.

On peut dire exactement la même chose des étudiants. Mobilisés par l’UGEL, une organisation affiliée au MSP, parti islamiste membre de la coalition présidentielle, des étudiants ont tenté à deux reprises de battre le pavé pour se décharger de leur colère. Ils ont buté sur le même service d’ordre toujours prompt à contrecarrer les formes d’expression collective.

Bien évidemment, l’argument de l’état de siège est toujours brandi pour argumenter ce déni d’un droit élémentaire.
Les algériens, se comparant à leurs voisins marocains, découvrent hébétés le recul des libertés démocratiques dans leur pays.
Certains « analystes » et chroniqueurs aux ordres, avancent un autre argumentaire pour justifier l’attitude du pouvoir. On déterre la menace islamiste. On tente d’expliquer que les islamistes veulent profiter de cette opportunité pour se remettre sur scelle. Comme si le pouvoir n’est pas leur allié stratégique !!!

La déclaration de Madani Mazreg, un ancien chef terroriste, accordée à El Hayet avant-hier ne souffre aucune ambigüité dans ce sens.
Sentant que la situation s’achemine tout droit vers des dérapages incontrôlables, le régime mobilise ses agents et les envoie partout sur le terrain.
Hier, c’était autour d’Abou Djerra Soltani de « passer » à Oran pour animer un meeting dans un espace clos.

Décidément le plein air fait peur aux gens du pouvoir. Accompagné d’un cadre dirigeant du Hamas, le n° 1 du MSP, fidèle à lui-même, a affirmé que « les positions de l’Etat algérien coïncident avec celles du peuple ». Or, le peuple ou la foule pour être plus nuancé que ce leader politique, a besoin de crier sa colère à la face du monde et non subir des discours insipides.

Précisons qu’une affluence nombreuse s’est déplacée à la salle du cinéma où se tenait le meeting mais pour écouter l’intervention du leader palestinien. Ce dernier a lancé « Gaza ne se sent pas seule » Ce qui ne manquera pas d’aiguiser la frustration des citoyens algériens désireux de manifester leur solidarités aux Gazaouis qui subissent un génocide au sens plein du terme.

Simultanément à ce meeting, et à quelques dizaines de mètres de la salle où il se tenait, un autre meeting était programmé. Celui-ci était initié par des élus de la wilaya d’Oran, et regroupait le personnel politique du FLN et du RND.

Pour attirer le public, on a sorti les moyens de la cacophonie. Ce qui a fait dire à un citoyen qu’il s’agit plutôt d’un carnaval que d’un meeting politique. D’ailleurs la salle était pleine de gosses attirés par la musique qui se dégageait d’un haut parleur. Mais les citoyens ne sont pas dupes. Ils ont relevé qu’il s’agit d’une course entre les membres de la même coalition.

Autrement dit, chacun essaye de faire étalage de sa popularité à la veille d’une course électorale où ces partis sont appelés à chauffer le « bendir » (tambourin un instrument de musique traditionnel).

Par ailleurs, tout le monde a compris que la préoccupation des élus d’Oran se situe à un autre niveau : faire avorter la marche populaire, prévue aujourd’hui, à laquelle ont appelé six syndicats autonomes. Désireux de se conformer à la législation en vigueur, ces organisations ont tenté de déposer une demande au niveau du service de la réglementation de la wilaya d’Oran. Mais personne au sein de cette administration n’a accepté de recevoir et d’enregistrer la demande.
Donc elles décident d’organiser la manifestation en prenant l’opinion publique à témoin.

Ce qui est clair comme l’eau de roche, c’est cette phobie maladive de voir la rue investie par les citoyens que manifeste de plus en plus le pouvoir.

Des députés ont proposé au ministre de l’intérieur de produire une dérogation à l’état de siège, en vigueur depuis 1992, pour permettre aux populations d’exprimer leurs solidarités aux populations palestiniennes de Gaza, dans l’ordre et la discipline. Mais il parait que la proposition est à l’étude, pendant ce temps là la colère gronde à mesure que les massacres s’élargissent et fauchent des vies humaines innocentes à Gaza. Ce qui fait dire à un observateur averti que l’état algérien est le premier pourvoyeur des émeutiers.

En ce moment, les élites, encore en dehors des circuits du pouvoir et des affaires, veulent en finir avec la jacquerie, trop coûteuse à la collectivité parce que se terminant par des emprisonnements de jeunes et par des dégâts matériels, et passer à un autre stade. Celui de l’action réfléchie.

Mais tout indique que cette perspective n’intéresse pas ceux qui tiennent les rênes dans ce pays. Par leur entêtement, ils risquent d’offrir des arguments aux restes de l’islamisme toujours aux aguets des opportunités pour se replacer sur un champ politique d’où la résistance citoyenne les avait évacués.

Abassi Madani, après un mutisme de plusieurs années, s’octroie le statut de guide, et de son exil appelle les algériens à investir la rue.
Des gosses qui ignorent jusqu’à son existence ont essayé de le faire. Mais…

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